Les questions personnelles sont-elles importantes ?

On ne peut pas comprendre ou s’intéresser à un problème qui ne nous touche pas personnellement. Je peux parfaitement vivre sans me poser les questions auxquelles les philosophes ont consacré leur vie. C’est ce que font la plupart des gens.

«ce qui est distinct de moi restera distinct jusqu'à la consommation des siècles», dit Gide dans Les Nourritures terrestres. Nous ne pouvons véritablement savoir que ce dont nous faisons nous-mêmes l'expérience. La pensée d'autrui ne nous interpelle que dans la mesure où nous y retrouvons nos propres pensées, nos propres interrogations, parfois, il est vrai, plus finement formulées, mieux élaborées. L'individualisme gidien s'oppose donc à la démarche érudite ou encyclopédique qui veut que nous connaissions la pensée des autres

comme un tout, indépendamment de ce que nous pensons nous-mêmes.

Ce savoir-là est stérile et aliénant dans la mesure où il n'est que répétition d'idées qui nous sont étrangères. Même les philosophes de profession ne retiennent des auteurs que ce qui les intéresse, que ce qui recoupe leurs propres préoccupations.

Il ne s'agit donc ni de se cantonner dans une pensée solipsiste, ni de montrer une trop grande révérence envers la tradition; mais de puiser ça et là les idées qui nous parlent et de rejeter le reste, ce reste fût-il la matière de vingt volumes d'Aristote.