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L'instinct est-il, selon vous, un mécanisme, ou vous paraît-il se rapprocher de l'intelligence ?

Publié le 10/10/2009

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CONSEILS PRELIMINAIRES    1. Le sujet est classique certes mais il importe de ne pas le réduire à l'habituelle comparaison de l'instinct et de l'intelligence; il vaut mieux éviter aussi de renvoyer systématiquement à l'opposition à vrai dire très métaphysique de Bergson dans l'Evolution créatrice ; d'une façon générale, il conviendra de ne pas prendre le sujet à la lettre, c'est-à-dire de ne pas adopter ces positions absolues où l'instinct est soit préféré à l'intelligence, soit sacrifié à elle.  2. Pour traiter ce sujet, il est utile d'avoir une connaissance précise des travaux des psychologues sur l'instinct et plus généralement sur les conduites élémentaires, en particulier sur les réflexes, conditionnés ou inconditionnés.  3. Ne pas oublier, tout au long du devoir, que la vie psychologique forme un tout : en conséquence, l'instinct, même s'il comporte un mécanisme, peut s'incorporer à une construction intelligente. Il n'y a pas nécessairement alternative.  4. Eviter cependant les devoirs confus où l'on donne raison à des positions contraires. Sans doute l'instinct peut à la fois être mécanisme et élément de conduite intelligente ; il n'en reste pas moins qu'il est un schème psychologique spécifique, qu'il se situe plus spécialement à un certain niveau de la conduite. Pour garder au devoir sa clarté, bien poser les caractéristiques essentielles de l'instinct et ne jamais les confondre avec celles de l'intelligence.    PLAN    L'instinct, conduite sensori-motrice, est pourtant organisé. De plus le vocabulaire courant le lie volontiers à l'intelligence.

  • I. — Eléments qui rapprochent l'instinct de l'intelligence et même peuvent le faire apparaître comme un type supérieur d'intelligence :
 a) La finalité, image de la volonté intelligente.  b) Instinct et intelligence : l'intuition.
  • II. — Le mécanisme de l'instinct :
 a) L'instinct et le réflexe.  b) Le signal, son rôle.  c) L'instinct et les fonctions biologiques.
  •  III. — L'instinct et l'adaptation :
 a) Les réactions élémentaires.  b) Evolution de l'instinct. Définition du niveau de l'instinct.

« Aussi on arrive tout naturellement, à partir de descriptions qui, en fait, présentent les conduites instinctives commeinférieures aux conduites intelligentes — à considérer au contraire l'instinct comme un pouvoir incantatoire, divin, entout cas supérieur à l'intelligence.Bergson, par exemple, à partir d'une opposition des conduites instinctives et intelligentes, finit par voir dansl'instinct une connaissance immédiate, absolue.

Au départ, il n'y avait que l'Esprit, qui se connaissait lui-même parune sorte de « conscience-connaissance » divinatrice.

Mais ce courant d'esprit créateur s'est heurté à un autrecourant, matériel celui-là, qui l'a infléchi et a engendré un pouvoir limité, borné à la connaissance superficielle desrapports (l'intelligence).

L'instinct est ce qui reste du courant spirituel créateur : ainsi s'expliquent son savoir absolu,sa préscience, sa rapidité...

Une intelligence qui parviendrait à « se retourner sur elle-même » et à s'identifier avecl'instinct deviendrait ce pouvoir de connaissance absolue que Bergson appelle d'autre part l'intuition.Mais les pages célèbres de l'Evolution créatrice restent, malgré tout leur lyrisme, des hypothèses que des preuvesscientifiques ne sont pas encore venues vérifier ; et comme il s'agit d'hypothèses métaphysiques, on peut mêmeaffirmer qu'elle ne risquent pas d'être vérifiées de sitôt.

Elles sont tout imprégnées de vitalisme, c'est-à-dire d'unepensée qui tend à remplacer les explications scientifiques par des entités métaphysiques.

Claude Bernard était assezsévère pour ce genre d'attitudes, qui éloigne d'une recherche véritablement expérimentale.

Et effectivement, ontrouve dans la description bergsonienne de l'instinct des traces des positions métaphysiques de l'auteur des « Deuxsources de la morale" et de la religion».

Bergson identifie la connaissance instinctive à une connaissance par «sympathie», c'est-à-dire irrationnelle.

Ainsi le sphex pique sa proie là où il faut par « sympathie », etc..

En fait,Bergson qui veut critiquer la science, commence par humilier l'intelligence qui en est le moyen, en la représentantcomme douée de moins de possibilités que l'instinct.On pourrait critiquer point par point la description précédente de l'instinct et montrer qu'il ne constitue nullement unmiracle.

De nombreux biologistes s'y sont appliqués dans ces cinquante dernières années, en particulier LouisVerlaine.

Ils ont montré par exemple que la spécificité varie suivant le milieu, que l'innéité non plus n'est pasabsolue, etc..

Retenons un seul argument qui peut servir à introduire une étude plus exacte de l'instinct commemécanisme.

Une meilleure connaissance du comportement du sphex montre que ses coups dont la précision sembleadmirable, sont en réalité très imprécis.

La paralysie dont il afflige sa victime est due bien davantage aux défauts deprotection que celle-ci doit à sa carapace.

Il s'agit moins d'une finalité (a priori) que de ce que Goblot appelait «finalité a posteriori ».

Si la victime ne présentait pas ce défaut de protection, la progéniture du sphex, faute denourriture, aurait péri et l'espèce se serait éteinte.

Mais comme ce défaut existe, le sphex se multiplie et nous nouscroyons autorisés à lui prêter une intuition divinatrice.En réalité, l'instinct, conduite plus complexe et plus développée dans le temps que le réflexe, reste moins complexeque la conduite idéomotrice à caractère symbolique et se présente sous l'aspect d'un mécanisme.

Le mécanisme avrai dire est complexe.

Le réflexe est la réponse immédiate à un excitant externe.

L'instinct constitue une réponse(moins immédiate, davantage liée au temps physiologique) à un excitant interne, aux sollicitations de fonctionsbiologiques fondamentales (conservation, nutrition, reproduction).

Cela ne signifie pas d'ailleurs que l'excitantexterne n'existe pas, mais il n'excite qu'en liaison avec l'excitant interne qui doit être considéré comme le résultatd'une maturation physiologique.

Par exemple les transformations de la prépuberté et de la puberté précèdentl'apparition de l'instinct sexuel chez l'adolescent.

L'excitant externe joue alors un rôle de déclanchement et decoordination.Ainsi s'explique le caractère « achevé » de la conduite instinctive où l'on peut, à la rigueur, reconnaître descaractéristiques intelligentes, mais qui, en fait, renvoie à cette coordination et à cette perfection qui marquent lefonctionnement et le développement des métabolismes essentiels de la nutrition.Liés à ces fonctions, les instincts sont fixes comme elles et en même temps, assez paradoxalement, susceptiblescomme elles de se développer et de se transformer dans une certaine mesure.

(Expériences de Verlaine.)Il n'est pas nécessaire de supposer, dans la conduite instinctive, la présence d'une intelligence humaine ousurhumaine : l'instinct représente bien plutôt une adaptation durable à un milieu stable.La meilleure preuve en est que si le milieu se modifie, l'instinct lui-même subit peu à peu une modification ; c'est dumoins l'enseignement que nous apporte l'histoire de l'évolution.

Mais cette action du milieu sur les fonctions, doncsur les instincts, a besoin de beaucoup de temps pour se réaliser ; ainsi s'explique que l'instinct nous paraissestéréotypé.

En fait, l'évolution des espèces, de leurs fonctions et de leurs instincts est une science dont le cadreest celui non de l'histoire, mais de la préhistoire et dont les points de repère nous sont livrés par la paléontologie etautres sciences du même genre.La psychologie a donc intérêt à se débarrasser de tous les préjugés métaphysiques en ce qui concerne l'instinct età le considérer seulement — même s'il s'agit d'une attitude provisoire — comme une conduite sensori-motriced'adaptation. Une étude scientifique de l'instinct doit replacer le problème dans le cadre de l'évolution.

Pourquoi desconsidérations vitalistes ont-elles joué un si grand rôle ? C'est que le problème de l'instinct contient celui del'hérédité.

Il s'agissait de justifier une certaine fatalité pesant sur l'homme, de prouver qu'il existe pour lui un destin.Les caractères acquis ne se transmettent pas ; le germe seul transmet des caractères fixés une fois pour toutes etqui correspondent à un plan déterminé à l'avance.

On retrouve la conception de Cuvier qui prend sans doute de nosjours des formes plus détournées, mais qui renvoie toujours à la notion d'une intelligence « supra-humaine » et dontnous dépendrions.

L'instinct joue un rôle dans cette construction métaphysique : son caractère à la fois mécaniqueet intelligent autorise les biologistes métaphysiciens comme Lecomte du Nouy ou Bergson à opposer instinct etintelligence, à paraître juger sévèrement l'instinct pour, en fait, sacrifier l'intelligence, et aboutir à une connaissance« intuitive » qui relève bien davantage de l'instinct « immédiat et absolu ».Cette interprétation de l'instinct est infirmée par des recherches scientifiques qui se développent dans deux. »

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