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L'utile: A quoi sert l'utilité ?

Publié le 24/05/2011

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« A quoi sert l'utilité ? «, se demande Lessing ; loin d'être une stérile tautologie, la question met en lumière la difficulté pour le concept d'utile de se définir par lui-même. C'est qu'il n'y a que d'utile à quelqu'un en vue de quelque chose ! Le terme se dit ainsi d'une chose prise comme moyen en vue d'une fin, semble-t-il ; il émane du jugement d'une intelligence qui a mis au jour puis parcouru à rebours une chaîne causale, et jugé l'objet en question pertinent en tant que médiation. Mais ces réflexions préliminaires se heurtent bien vite à la réalité actuelle : de fait, force est de constater que l'utile est aujourd'hui perçu comme une fin en soi. Intimement lié à l'un de nos thèmes d'étude, la technique, il gouverne de manière despotique nos préoccupations quotidiennes. Les « révolutions industrielles « des XIXè et XXè siècles ont en effet ouvert la voie aux mythes des sociétés d'abondance, pour lesquelles les constants progrès techniques ne servent plus la survie de l'espèce mais le confort du particulier. Voulue pour elle-même, la technique s'est ainsi progressivement émancipée de nos deux autres thèmes de réflexion – l'art et la science ; en d'autres termes, l'utile s'est affranchi du souci du beau et de la connaissance.

 

« mènera à dresser une véritable pathologie moderne d'une finalité sans fin, c'est-à-dire les conséquences de l'impossible définition de l'utile aujourd'hui.

Il faudra donc enfin s'efforcer de remédier à l'indépendance absolue de cette valeur vide, en subordonnant cette dernière à l'activité contemplative. Il convient avant tout de cerner les enjeux que pose le concept d'utile à l'aune de nos thèmes d'étude : la technique, l'art et la science.

Nous débuterons par quelques réflexions préliminaires sur l'utile ; cela nous mènera à constater son émancipation progressive tout d'abord vis-à-vis de l'art, puis de la science. Essayons de définir a priori l'utile : nous disons d'une chose qu'elle l'est relativement à une fin poursuivie – par exemple, un médecin jugera l'activité sportive utile pour un patient dont la constitution physique est trop faible. Ceci nous montre déjà le caractère relatif de l'idée : celle-ci est subordonnée dans une chaîne causale à un but. Nous réduirons cependant le concept à sa dimension technique pour ne pas nous disperser : de ce point de vue, l'homo faber est créateur d'artefacts qui facilitent ou rendent possible une action désirée – pensons à une grue qui, sur un chantier, permet l'économie de temps et de force.

C'est ce pragmatisme inhérent à l'homme qui le porte à réduire toujours plus le nombre de moyens auxquels il est assujetti pour produire un bien : l'activité raisonnée juge que tel moyen sera alors plus utile (comprenons plus économique quant au temps dépensé et à l'effort fourni) qu'un autre.

Sous ce rapport, il est donc clair que le concept n'exprime pas une essence immanente à une seule chose, mais qu'il est fruit d'une réflexion qui a ordonné et classé des être suivant leur pertinence à tel moment et tel endroit – bref, l'utile dépend des circonstances, du moins à priori.

Or l'histoire de la technique est celle d'un affranchissement progressif du souci de survie : avec la naissance de moyens de production de masse aux XIXè et XXè siècles, l' homo faber est passé de la préoccupation de sa survie à celle de son confort.

Ce dernier étant toujours sujet à amélioration, l'idée d'utile a progressivement évolué du statut de medium à celui de fin.

Mais en devenant un but à poursuivre à l'infini sous le nom de progrès (des ordinateurs toujours plus performants, des moyens de transport toujours plus rapides), le concept n'a pas pour autant gagné en épaisseur : ainsi émerge l'insoluble question du « pourquoi ? » qu'a soulignée Lessing.

Il s'agirait de trouver une fin interne à l'utile pour légitimer sa promotion au statut de but ; or il n'a pas perdu pour autant son aspect transitif ! Le vrai problème est que cette promotion s'est accompagnée d'un affranchissement vis-à-vis du souci du beau et de la connaissance, qui bridait la technique autant qu'il la légitimait.

Bref, des frontières s'étant peu à peu constituées, le problème de l'utile est résolument moderne.

Observons tout d'abord comment la relation de l'art à la technique s'est renversée la première. Le beau était en effet intimement lié à l'utile dans l'activité artisanale.

C'est que cette dernière possédait une dimension profondément humaine : elle était savoir-faire, apprentissage par la pratique et l'observation du maître. De fait, l'artefact révélait ainsi la main de l'artisan : à la beauté fonctionnelle s'ajoutait celle de l'intention, de l'effort fourni par le fabricant et du sens qu'il y avait placé.

Chaque objet (horloge, meuble, etc.) ainsi produit harmonisait la conformité au but utilitaire (ceci doit servir) et une dimension esthétique personnelle à l'artiste (ceci doit être vu, témoigner de la maîtrise et du goût de l'artisan).

Or l'introduction du travail à la chaîne et de la division des tâches dans l'activité productrice a brisé cette harmonie : le souci d'optimiser (produire plus en moins de temps) a enterré la dimension esthétique de l'artefact.

Une fois lancée la production en masse du semblable et du purement utilitaire,. »

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