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Maine de Biran

Publié le 22/02/2012

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Pour qui s'arrêterait aux apparences, Maine de Biran ne ferait pas figure de philosophe. L'existence qu'il a menée ­ vue du dehors et réduite aux événements extérieurs les plus notables ­ est celle d'un fonctionnaire et d'un homme politique. Né à Bergerac en 1766, il songea d'abord à une carrière militaire, mais la Révolution le fit renoncer assez vite à de simples projets de jeunesse ; il devint, sous le Directoire, administrateur adjoint du département de la Dordogne, puis membre du Conseil des Cinq-Cents ; en 1798, les circonstances l'obligèrent pendant quelque temps à une sorte de demi-retraite, qu'il décida de passer, près de Bergerac, dans sa propriété de Grateloup ; mais, à partir de 1805, il reprit une vie active et, sauf quelques interruptions momentanées, il ne cessa d'exercer des fonctions politiques ; malgré ses sentiments royalistes et son opposition à l'Empire, il fut successivement conseiller de préfecture, sous-préfet de Bergerac et membre du Corps législatif ; sous la Restauration, et jusqu'à sa mort en 1824, on le vit député, questeur à la Chambre et conseiller d'État. Les hasards de la vie n'ont toujours tendu, semble-t-il, qu'à l'éloigner de la philosophie. Rien, à première vue, ne parait donc annoncer chez lui le goût de l'analyse intérieure et de la réflexion.    Pour qui regarde cependant au-delà des apparences, Maine de Biran est un philosophe, et l'un des plus grands. Sans doute n'a-t-il publié lui-même que quelques études ­ au total peu nombreuses et assez minces ­ sur des sujets qui peuvent paraître d'importance secondaire : un mémoire qui traite de l'Influence de l'habitude sur la faculté de penser, en 1803 ; un bref opuscule, Examen des Leçons de philosophie de M. Laromiguière, en 1817 ; enfin un article de dictionnaire, pour la Biographie universelle de Michaud, Exposition de la doctrine philosophique de Leibniz, en 1819. Mais, à ses heures de loisir, en dehors des occupations qui tendaient à le distraire, il a poursuivi, par la méditation et la lecture, une inlassable analyse intérieure. Certaines questions, mises au concours par quelques grands corps savants ­ Institut de France, Académie de Berlin, Société royale de Copenhague ­ l'ont conduit par ailleurs à rédiger une série d'ouvrages. Le Mémoire sur la décomposition de la pensée, en 1804, l'Essai sur les fondements de la psychologie et les Rapports des sciences naturelles avec la psychologie, vers 1812-1813, les Nouveaux essais d'anthropologie enfin, interrompus par la mort en 1824, constituent à cet égard l'expression la plus nette d'une pensée toujours en éveil. Au reste, une foule d'études plus ou moins longues, de remarques ou d'esquisses relatives à quelque problème particulier, de notes rédigées à la suite de conversations ou de lectures, bref une masse impressionnante de travaux, où les mêmes observations se trouvent perpétuellement reprises, ont constamment accompagné les grands mémoires, dont ils forment une sorte de commentaire. A quoi vient s'ajouter encore un Journal intime, où de 1814 à sa mort Maine de Biran n'a cessé de s'observer et de s'interroger, faisant état sans relâche de ses sentiments, de ses aspirations et de ses idées, afin de se mieux connaître, mais dégageant aussi par delà son cas individuel les problèmes d'un intérêt plus général auxquels venait se heurter sa réflexion. Maine de Biran se révèle alors dans toute sa grandeur et se place au premier rang des métaphysiciens français.   
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« Pour qui s'arrêterait aux apparences, Maine de Biran ne ferait pas figure de philosophe.

L'existence qu'il a menée vue du dehors et réduite auxévénements extérieurs les plus notables est celle d'un fonctionnaire et d'un homme politique.

Né à Bergerac en 1766, il songea d'abord à unecarrière militaire, mais la Révolution le fit renoncer assez vite à de simples projets de jeunesse ; il devint, sous le Directoire , administrateur adjoint du département de la Dordogne, puis membre du Conseil des Cinq-Cents ; en 1798, les circonstances l'obligèrent pendant quelque temps à une sorte de demi-retraite, qu'il décida de passer, près de Bergerac, dans sa propriété de Grateloup ; mais, à partir de 1805, il reprit une vie active et,sauf quelques interruptions momentanées, il ne cessa d'exercer des fonctions politiques ; malgré ses sentiments royalistes et son opposition àl'Empire, il fut successivement conseiller de préfecture, sous-préfet de Bergerac et membre du Corps législatif ; sous la Restauration, et jusqu'à samort en 1824, on le vit député, questeur à la Chambre et conseiller d'État.

Les hasards de la vie n'ont toujours tendu, semble-t-il, qu'à l'éloigner dela philosophie.

Rien, à première vue, ne parait donc annoncer chez lui le goût de l'analyse intérieure et de la réflexion.

Pour qui regarde cependant au-delà des apparences, Maine de Biran est un philosophe, et l'un des plus grands.

Sans doute n'a-t-il publié lui-mêmeque quelques études au total peu nombreuses et assez minces sur des sujets qui peuvent paraître d'importance secondaire : un mémoire qui traitede l' Influence de l'habitude sur la faculté de penser, en 1803 ; un bref opuscule, Examen des Leçons de philosophie de M.

Laromiguière, en 1817 ; enfin un article de dictionnaire, pour la Biographie universelle de Michaud, Exposition de la doctrine philosophique de Leibniz , en 1819. Mais, à ses heures de loisir, en dehors des occupations qui tendaient à le distraire, il a poursuivi, par la méditation et la lecture, une inlassableanalyse intérieure.

Certaines questions, mises au concours par quelques grands corps savants Institut de France, Académie de Berlin, Sociétéroyale de Copenhague l'ont conduit par ailleurs à rédiger une série d'ouvrages.

Le Mémoire sur la décomposition de la pensée, en 1804, l' Essai sur les fondements de la psychologie et les Rapports des sciences naturelles avec la psychologie, vers 1812-1813, les Nouveaux essais d'anthropologie enfin, interrompus par la mort en 1824, constituent à cet égard l'expression la plus nette d'une pensée toujours en éveil.

Au reste, une foule d'études plus ou moins longues, de remarques ou d'esquisses relatives à quelque problème particulier, de notes rédigées à la suite deconversations ou de lectures, bref une masse impressionnante de travaux, où les mêmes observations se trouvent perpétuellement reprises, ontconstamment accompagné les grands mémoires, dont ils forment une sorte de commentaire.

A quoi vient s'ajouter encore un Journal intime , où de 1814 à sa mort Maine de Biran n'a cessé de s'observer et de s'interroger, faisant état sans relâche de ses sentiments, de ses aspirations et de sesidées, afin de se mieux connaître, mais dégageant aussi par delà son cas individuel les problèmes d'un intérêt plus général auxquels venait seheurter sa réflexion.

Maine de Biran se révèle alors dans toute sa grandeur et se place au premier rang des métaphysiciens français.

Ce qui a peu à peu conduit Maine de Biran vers la philosophie, c'est moins le désir de trouver une solution à quelqueproblème de spéculation pure, que le souci d'apaiser une inquiétude sur le plan de la vie pratique et de l'action.

Enlui s'opposaient par nature deux puissances contraires : celle des impressions sensibles, dont il ne pouvait jamais sedéprendre et dont, à toute heure, il se sentait irrémédiablement l'esclave ; celle des aspirations volontaires, qui tropfacilement tournaient court et se révélaient sans force pour commander aux sens.

Dès qu'il se regarde vivre, Mainede Biran se voit le jouet de toutes sortes d'impressions fugitives qui l'assaillent et le font passer malgré lui par lesétats les plus divers.

" Ainsi cette malheureuse existence n'est qu'une suite de moments hétérogènes, qui n'ontaucune stabilité.

Ils vont flottant, fuyant rapidement, sans qu'il soit jamais en notre pouvoir de les fixer.

Tout influesur nous, et nous changeons sans cesse avec ce qui nous environne.

Je m'amuse souvent à voir couler les diversessituations de mon âme ; elles sont comme les flots d'une rivière, tantôt calmes, tantôt agités, mais toujours sesuccédant sans aucune permanence.

" Il avoue d'autre part son impuissance et constate que tout effort pour seressaisir est vain.

" Ma volonté n'exerce aucun pouvoir sur mon état moral ; elle approuve ou elle blâme, elle adopteou elle rejette ; elle se complaît ou elle se déplaît ; elle se livre ou elle fuit tels ou tels sentiments donnés, maisjamais elle ne les procure, jamais elle ne les écarte.

Qu'est-ce donc que cette activité prétendue de l'âme ? Je senstoujours son état déterminé par tel ou tel état du corps.

Toujours remuée au gré des impressions du dehors, elle estaffaissée ou élevée, triste ou joyeuse, calme ou agitée selon la température de l'air, selon une bonne ou mauvaisedigestion.

Je voudrais, si jamais je pouvais entreprendre quelque chose de suivi, rechercher jusqu'à quel point l'âmeest active, jusqu'à quel point elle peut modifier les impressions extérieures, augmenter ou diminuer leur intensité parl'attention qu'elle leur donne ; examiner jusqu'où elle est maîtresse de cette attention.

Cet examen devrait, ce mesemble, précéder un bon traité de morale.

" Il n'aspire, dans ces conditions, qu'à pouvoir mettre un terme au conflitdont il souffre.

Il ne cherche pas à faire naître en lui quelque vertu surnaturelle, mais rêve seulement d'établir auplus intime de sa conscience un équilibre aussi parfait et aussi durable que possible.

Le problème ainsi posé implique à la fois une doctrine et une méthode, assez simples peut-être l'une et l'autre, maisdirectement inspirées d'une réflexion sur la vie.

La doctrine, explicitement formulée, assure que l'homme est double,homo duplex : d'un côté, il est passif, lorsque toutes sortes d'impressions l'accablent et le tiennent sous la dépendance du monde extérieur ; mais il est actif aussi, dès que la volonté tente de se soustraire aux suggestionsdes sens et de se déterminer par elle-même : dualité profonde, qui n'est pas celle de l'âme et du corps, mais,intérieurement à l'âme, celle de deux facultés distinctes.

La méthode, implicitement admise, prescrit le recours àl'analyse intérieure : elle ne suppose que la possibilité, pour la conscience, d'accomplir un véritable retour sur soi etde prendre ainsi son propre contenu, sensation ou vouloir, comme un objet direct d'observation : c'est la simplereprise, en vue d'une authentique psychologie, de ce qu'ont tenté de faire d'une manière toute spontanée la plupartdes moralistes classiques.

Maine de Biran ne s'attarde pas, dans les débuts, à définir les conditions dont dépend enfait la mise en oeuvre de cette méthode ; il ne semble attacher d'importance qu'à la description même de la naturehumaine, telle que paraît l'autoriser l'expérience la plus commune.

Les lectures qu'il poursuit dans le même temps ne font au reste que confirmer ses premières analyses et les vues qu'elles impliquent.

Maine deBiran est alors grand admirateur de Rousseau H041 : il en approuve les considérations sur " la lumière intérieure " dont dépend, à son dire, la découverte des vérités les plus utiles, et il invoque à son tour, sous le nom de " sens intime ", le témoignage irrécusable du coeur ; il reprendégalement les remarques qui établissent la dualité de la nature humaine, et il y trouve aussitôt une illustration de ses propres idées : méthode etdoctrine sont chez lui parallèles à ce qu'elles étaient dans la Profession de foi du vicaire savoyard H031M3 .

La réaction H031M1 devant les. »

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