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MARX ET MARCUSE

Publié le 03/05/2011

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A première vue, Marcuse adhère à l'essentiel de la doctrine de Marx : il admet l'idée que la vie matérielle, et plus précisément le « mode de production « économique, conditionne l'ensemble des manifestations idéologiques, morales, politiques, etc..., au sein de la société. Il affirme que la liberté ou la non-liberté des hommes dépend en dernier ressort des conditions économiques et que toute l'organisation sociale découle du « mode de production «, c'est-à-dire de la manière dont les hommes produisent leurs moyens d'existence. A un niveau industriel déterminé correspondra un état social déterminé, et cela indépendamment de la conscience ou de la volonté des individus, qui sont strictement et intégralement soumis au déterminisme économique.

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« Refus » s'apparente en effet uniquement à la révolte et non au projet révolutionnaire Or la révolte peut mener à laliberté, mais aussi au chaos.

Le changement de société qui dépendait chez Marx d'un progrès dialectique dépendchez Marcuse d'une rupture, d'un saut, et par conséquent d'un pari, ou peut-être du hasard.C'est que, pour l'homme unidimensionnel, il n'est plus seulement question d'aliénation, comme chez Marx, mais d' «enfermement ».

Dans la perspective marxiste, l'aliénation engendre un malaise et une souffrance dont le travailleurfinira par comprendre les raisons : son travail n'est pour lui qu'un moyen de subsistance, il ne lui permet pas de seréaliser; le produit de son travail ne lui appartient pas, mais va au capitaliste, etc...

L'aliénation place le travailleuren position de négation par rapport à sa propre situation, c'est-à-dire en position dialectique.

Si les conditions detravail et de vie deviennent encore plus intolérables, la négation devra forcément déboucher sur une action visantun changement plus ou moins radical.

« Ainsi, constate Marcuse, la négation doit exister avant le changement lui-même.

L'idée que les forces historiques de libération doivent se développer à l'intérieur de la société établie est lapierre angulaire de la théorie marxiste » (p.

54).

Or « l'enfermement » ne présente aucun élément de négationdialectique et interdit tout espoir de changement venant de l'intérieur.

L'appareil technologique, parfaitementindépendant de la conscience et du pouvoir des individus, donne à ceux-ci « l'état de bien-être » et les conditionneà l'aimer.

Si les travailleurs sont contents aussi bien de leurs aspirations que des marchandises en circulation, lesunes exactement adaptées aux autres, ils sont enfermés dans le conformisme de la réalité établie.

Aucune prise deconscience n'est possible.

D'ailleurs, l'ouvrier ne connaît plus la situation de misère physique et morale quedénonçait Marx.

Le travail automatisé est moins éprouvant physiquement, mais exige une plus grande tensionpsychique et renforce ainsi l'aliénation : le— 53 —travailleur est hypnotisé par la répétition de ses gestes sur la machine.

Il est contrôlé non plus par le besoin (lafaim) ou la contrainte, mais de façon anonyme par le rythme de la machine.

Il est obligé de s'intégrer dans leprocessus technologique (p.

ex.

la chaîne de montage), contre lequel il serait irrationnel de s'insurger.

Ceconditionnement par la technologie est seul fondamental.

« L'assimilation des besoins et des opérations, du niveaude vie, des activités de loisir, des activités politiques, c'est la conséquence de l'intégration au processus matériel deproduction, dans l'usine même » (p.

6o).

L'enfermement c'est aussi l'assujettissement, qui touche tous les individussans distinction de classe, à l'appareil productif.

Ce ne sont pas seulement les ouvriers qui sont des esclaves «exploités scientifiquement », mais aussi les planificateurs, les administrateurs qui ne peuvent que se soumettre auximpératifs du rendement.

L'enfermement désigne enfin le « cercle vicieux » qui lie l'augmentation de la productivité àune répression croissante qu'aucune opposition intérieure au système ne vient ébranler.

Aussi la conclusion deMarcuse est-elle logique : « Le changement qualitatif ne semble possible que s'il vient du dehors » (p.

81).Il est naturel par conséquent que la conception marcusienne des « contradictions » soit profondément différente decelle de Marx.

Pour celui-ci les contradictions sont intérieures au système : elles doivent finalement le faire éclaterpar l'intermédiaire de la « prise de conscience ».

Elles consistent en un développement dans des directionsdivergentes d'une même réalité : ainsi l'accroissement de la richesse d'un côté qui aggrave la misère de l'autre; lasocialisation du mode de production (caractère collectif du travail industriel) qui s'oppose à l'appropriation privée desinstruments de production.

Ce sont là des faits constatables.

Mais pour Marcuse la société unidimensionnelleparvient à dissimuler toutes les contradictions : la classe ouvrière ne se sent plus frustrée des biens deconsommation et des avantages du progrès; les classes s'uniformisent; il ne semble plus y avoir ni exploitateurs, niexploités.

Dans ces conditions, il ne reste plus qu'une seule contradiction et elle n'est perceptible que pour qui seplace en dehors des buts poursuivis par l'appareil de production : contradiction entre la réalité partout présente dela répression et la possibilité effectivement donnée de réaliser la libération.

- Mais, excepté le philosophe, quelsseront les hommes capables de ressentir et de révéler cette contradiction, puisque les membres de la société sontcomplètement conditionnés? Les marginaux, les « parias » auront-ils jamais assez d'indépendance et d'esprit critiquepour cela? Et si la « théorie critique » n'est accessible qu'à une élite intellectuelle, quelle pourra être son influencepratique sur un changement éventuel ? Telles sont les principales difficultés qui résultent de l'abandon de la doublethèse marxiste de la « prise de conscience des contradictions » et de la « révolution prolétarienne ».Cependant, quand il s'agit de dessiner les traits de l'homme désaliéné et de la société libérée, Marcuse se rapprochede certaines perspectives bien connues de Marx.

D'abord en ce qui concerne le travail : il ne serait pas supprimé,mais qualitativement transformé, au point de permettre à chacun d'exprimer librement ses facultés.

Si l'automationfait disparaître le travail physique le plus pénible, la nature même du travail s'en trouve modifiée : l'homme n'est plusexploité directement dans sa force de travail; son rapport à la machine devient un rapport de surveillance et derégulation; enfin il dispose d'un temps libre tel qu'il pourra considérer son temps de travail comme une partieacceptable de son existence.

Marx avait déjà prévu ces conséquences de l'industrialisation.

Mais pour Marcusel'automation ne suffit pas pour libérer le travailleur.

Il faut aussi que la technologie soit orientée vers d'autres fins,c'est-à-dire vers la pacification de l'existence.

Si à la réduction normale de la durée de travail s'ajoute l'arrêt dusurdéveloppement, si les loisirs eux-mêmes ne sont plus inclus dans le cycle de la productivité et de lacommercialisation, un homme nouveau, un « autre Sujet » peut apparaître, que Marx a également anticipé.

« Letemps libre, écrit Marx, cité p.

294, qui est temps de loisir et temps pour une activité supérieure, transforme celuiqui en bénéficie en un autre Sujet, et c'est en tant que Sujet différent qu'il entre dans le processus de productionimmédiate.

» Pour Marcuse le temps de loisir ne peut devenir un temps libre, c'est-à-dire autonome et créateur, quesi l'homme n'est plus prisonnier des faux besoins créés par la société de consommation.En ce qui concerne le problème de l'État, les formules marcusiennes qui parlent de « réduire le pouvoir sur le planqualitatif en même temps que sur le plan quantitatif» font écho au « dépérissement de l'État », que Marx associe audernier stade du communisme.

Marcuse ne ménage pas ses critiques aux régimes dits communistes qui n'évoluentpas dans le sens préconisé par Marx, c'est-à-dire vers le contrôle du processus productif par les « producteursimmédiats » eux-mêmes.

Au contraire, la bureaucratie étatique, le Parti, le Plan renforcent une domination fortementcentralisée.

Il est évident que dans une société où le Plan fixe d'avance ce qui est à produire en quantité et enqualité dans chaque domaine, règneront des valeurs unidimensionnelles et répressives.

Cependant l'absence totale. »

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