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Max Scheler

Publié le 22/02/2012

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Lorsqu'en 1928 Max Scheler mourut subitement, à peine âgé de cinquante-quatre ans, son ami Ortega y Gasset lui rendit un magnifique hommage. Il était l'Adam de ce nouveau paradis de l'intuition eidétique auquel la phénoménologie de Husserl avait donné accès, le premier auquel toutes choses, même celles qui nous sont les plus familières, révélaient leur signification et leur essence. Elles lui apparaissaient dans une lumière nouvelle, avec des contours sans équivoque, comme, à l'aube, le profil des montagnes. Il était submergé par la richesse de ses découvertes. Et il avait à proclamer tant de pensées lumineuses qu'il trébucha, étourdi par la connaissance, enivré de clarté et de vérité. Il était, comme dirait Platon, un philosophe en " état d'enthousiasme ". Mais il vécut dans un tourbillon continuel de pensées, et c'est pourquoi ses écrits sont à la fois clairs et désordonnés ; sans forme ni structure, ils sont remplis de contradictions et ce sera la tâche des générations à venir de leur donner l'architecture et l'ordre qui leur font défaut.    Hartmann nous donne de Scheler une image semblable. La vie n'était pas le thème de sa philosophie mais sa philosophie émanait de la plénitude de sa vie. Il ne cherchait pas à voir la vie dans la perspective artificiellement unifiée, d'un système philosophique construit. Il reprenait chacun des problèmes qu'il rencontrait, l'analysant selon sa logique particulière et son dynamisme propre, mettant au clair ses implications et en poursuivant les particularités jusqu'à leur origine, sans laisser entraver sa recherche par le postulat utopique de l'unité et du système. Il acceptait le monde tel qu'il le trouvait, riche des contradictions qui lui sont inhérentes, les laissant apparaître en leur rendant pleine justice. Scheler comme homme, autant que comme penseur, était toujours prêt à recommencer, et apprendre à neuf.   

« Lorsqu'en 1928 Max Scheler mourut subitement, à peine âgé de cinquante-quatre ans, son ami Ortega y Gasset lui rendit un magnifique hommage. Il était l'Adam de ce nouveau paradis de l'intuition eidétique auquel la phénoménologie de Husserl avait donné accès, le premier auquel toutes choses, même celles qui nous sont les plus familières, révélaient leur signification et leur essence.

Elles lui apparaissaient dans une lumièrenouvelle, avec des contours sans équivoque, comme, à l'aube, le profil des montagnes.

Il était submergé par la richesse de ses découvertes.

Et ilavait à proclamer tant de pensées lumineuses qu'il trébucha, étourdi par la connaissance, enivré de clarté et de vérité.

Il était, comme dirait Platon , un philosophe en " état d'enthousiasme ".

Mais il vécut dans un tourbillon continuel de pensées, et c'est pourquoi ses écrits sont à la fois clairs etdésordonnés ; sans forme ni structure, ils sont remplis de contradictions et ce sera la tâche des générations à venir de leur donner l'architecture etl'ordre qui leur font défaut.

Hartmann nous donne de Scheler une image semblable.

La vie n'était pas le thème de sa philosophie mais sa philosophie émanait de la plénitude de sa vie.

Il ne cherchait pas à voir la vie dans la perspective artificiellement unifiée, d'un système philosophique construit.

Il reprenait chacun desproblèmes qu'il rencontrait, l'analysant selon sa logique particulière et son dynamisme propre, mettant au clair ses implications et en poursuivantles particularités jusqu'à leur origine, sans laisser entraver sa recherche par le postulat utopique de l'unité et du système.

Il acceptait le monde telqu'il le trouvait, riche des contradictions qui lui sont inhérentes, les laissant apparaître en leur rendant pleine justice.

Scheler comme homme,autant que comme penseur, était toujours prêt à recommencer, et apprendre à neuf.

Cette appréciation de l'oeuvre de Scheler par deux contemporains éminents est justifiée par la richesse des sujetsque cet esprit fertile a traités.

L'édition de l'ensemble de son oeuvre ne comportera pas moins de treize grosvolumes dont quatre consacrés à son oeuvre posthume.

L'ampleur du champ de ses intérêts est unique de nosjours.

Ils vont de la biologie théorique à la psychologie et la physique.

Au cours de ses meilleures années, la théoriede la connaissance, la philosophie morale, la philosophie de la religion et la phénoménologie de la vie émotive,l'occupèrent surtout.

Plus tard, il se plongea de plus en plus dans les problèmes qui concernent l'ontologie de lasociété, et de la réalité.

Il établit les fondements d'une nouvelle sociologie de la connaissance, d'une étude de larelation entre la connaissance et les facteurs qui gouvernent la vie matérielle et spirituelle de l'homme.

A la fin de sacarrière, Scheler voulait résumer sa pensée dans deux ouvrages : une métaphysique et une anthropologiephilosophique.

Seule, l'introduction au second traitant de la situation de l'homme dans l'univers, a été publiée de sonvivant.

La plupart de ses commentateurs distinguent plusieurs stades dans le développement de sa pensée.

Il débuta comme élève personnel de RudolfEucken, le philosophe de la vie de l'esprit, qui infusa à son disciple son admiration pour saint Augustin H003 et Pascal H037 .

Nietzsche H034 , Dilthey H1066 , Bergson H006 , et surtout Husserl H025 l'influencèrent profondément.

La théorie de l'intuition catégoriale de ce dernier, sa méthode eidétique ainsi que sa doctrine des objets idéaux, quoique interprétées d'une façon peu orthodoxe devinrent, entre les mains de Scheler,d'excellents outils d'exploration des domaines de la valeur et du sentiment.

Converti au catholicisme, Scheler devint comme chrétien convaincu,personnaliste et théiste.

Mais sa philosophie de la religion avait à peine paru que son concept de Dieu et son attitude religieuse changèrentradicalement.

Ceci fut une cause d'étonnement pour ses commentateurs.

W.

Stark alla jusqu'à parler d'une défection.

Ce revirement ne fut passeulement le résultat d'une expérience personnelle, ou, comme le croit Jacques Maritain H1171 , d'une crise religieuse, mais plutôt l'issue d'un conflit, durant sa vie entière, entre sa conception sociologique de la structure relativiste de la condition humaine et sa foi en l'existence de valeursabsolues, y compris celle d'un Dieu personnel qui se révèle par ses actes.

Dans sa dernière phase panthéiste Scheler voyait le développement del'histoire du monde comme une progression à partir d'impulsions vitales prélogiques et aveugles, vers l'accomplissement de la destinée humainedans le domaine des valeurs et de l'existence spirituelle.

Ce processus avait pour lui le sens d'une manifestation de la force divine, d'un devenir deDieu dans le monde.

Dans le résumé bref et par trop sommaire de quelques-uns des leitmotive de la pensée de Scheler, il m'a fallu renoncer à la tentation de suivre pas àpas le développement de cet esprit remarquable.

Mon but est plutôt celui de présenter quelques-unes de ses doctrines fondamentales qui mesemblent moins contradictoires qu'elles ne le furent pour ses contemporains.

En le faisant, je veux reconnaître tout ce que je dois aux écrits duplus doué de ses élèves personnels, Paul Landsberg, dont le souvenir est toujours vivant en France, ainsi qu'aux interprétations de l'éminentphilosophe catholique allemand, Aloïs Dempf dans ses deux remarquables ouvrages Anthropologie Philosophique et l'Unité de la Science .

Les travaux de ces deux hommes ont accompli au moins partiellement l'espoir formulé par Ortega y Gasset H1186 , que les générations futures révéleraient l'ordre interne et l'architecture de la pensée de Scheler.

Le plan que j'ai choisi m'oblige malheureusement à passer sous silencequelques-unes de ses plus belles réussites : ses analyses du ressentiment, du repentir, de l'humilité, de la pudeur, de la motivation pragmatique denotre connaissance, et surtout la philosophie de l'expérience religieuse de sa phase théiste.

Le problème central chez Scheler est celui de l'existence humaine et de la situation de l'homme dans le cosmos.

L'homme se trouve au sein d'unmonde immense, non seulement comme spectateur, mais comme être dans le monde et être au monde.

Suivant la biologie théorique telle qu'elle futdéveloppée par Uexküll et Driesch H1068 , qui eurent sur lui une forte influence, chaque espèce se définit par sa manière particulière d'organiser l'expérience du milieu.

Scheler se trouve devant un double problème : d'une part, il veut montrer que l'homme n'est qu'une espèce parmi d'autres ausein de la vie, sa façon d'organiser son monde d'expérience lui étant seulement particulière, et ainsi expliquer l'existence humaine par les théoriesbiologiques de l'évolution alors admises ; d'autre part, il veut montrer que l'homme, à l'opposé de tout autre être vivant, est dans une certainemesure indépendant à l'égard de son milieu, et capable de le transformer en " monde ".

Scheler distingue à cet égard cinq niveaux interdépendantsde l'existence psychique.

1.

La vie végétative de la plante au niveau de l'impulsion émotive dépourvue de conscience et, partant, de perceptions etde sensations.

2.

Le niveau du comportement instinctif caractéristique des animaux inférieurs, qui a un sens du fait qu'il est orienté vers une fin,c'est-à-dire dirigé sur des éléments spécifiques du milieu.

Il ne dépend pas du nombre d'essais qui sont nécessaires pour arriver au succès : il estpour ainsi dire tout fait.

3.

Le niveau de la mémoire associative des réflexes conditionnels, auquel correspond un comportement confirmé par unnombre croissant de tentatives exécutées sous la règle du succès et de l'échec, ainsi que la faculté de constituer des habitudes et des traditions.

4.Le niveau de l'intelligence pratique, de l'action spontanée et adaptée à des situations nouvelles, indépendamment du nombre d'essais qui ontprécédé.

Un tel comportement présuppose une saisie intuitive des liens d'interdépendance du milieu et de ses éléments, et partant, une penséeproductrice (et non seulement reproductrice), capable d'anticiper ce qui n'a pas été expérimenté auparavant et de comprendre des relations comme. »

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