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Nul ne peut être heureux sans être juste (Epicure)

Publié le 17/03/2011

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epicure

Selon la nature, la justice n'est pas un bien. Elle n'est point l'ordre d'un dieu, qui s'en ferait le défenseur tout-puissant et le garant éternel. Elle n'est point non plus une idée immuable, commune à tous les hommes et selon laquelle ils devraient uniformément régler leur conduite. Elle est une convention. Il y a eu des temps où les hommes vivaient sans justice ; un jour est venu où l'expérience leur a fait comprendre que leur intérêt était de ne pas se dépouiller de ne pas se tuer les uns les autres; et ils ont conclu entre eux des pactes, qui sont les règles de la justice. Ainsi se sont constituées les diverses nations. Entre elles, il n'y a pas de justice, tant qu'il n'y a pas de traités, et des traités n'interviennent que sous la contrainte delà nécessité. Sans doute les codes des divers États ont des prescriptions communes; en effet, il y a des biens qui sont regardés comme tels par les hommes de tous les temps et de tous les pays, par exemple la sécurité. Mais il y a aussi des différences importantes dans le droit des diverses nations; si on en cherche l'explication, on constate toujours que les lois varient suivant la manière dont les circonstances contraignent les hommes à comprendre l'intérêt général.

epicure

« disposition, rien ne peut nous les arracher, ni la volonté des hommes, ni la violence des événements ; sachons doncen reconnaître le prix; apprenons à en extraire tout le bonheur qu'ils recèlent, afin d'en imprégner notre vie entière.Laissons tomber dans l'oubli les souvenirs amers pour recueillir une joie impérissable des plaisirs passés.

Flattons-nous de la douce espérance de retrouver dans l'avenir des plaisirs semblables, et, si nous nous rappelons sans cesseque nous n'avons rien à craindre ni des dieux, ni de la mort, que les passions sont mensongères et dangereuses,nous serons enfin en possession du bonheur souverain, notre corps pourra être attaqué par la douleur, notre âmesera dans la joie ; le tyran de Phalaris peut jeter le sage dans son taureau d'airain et le faire brûler à petit feu, lesflammes et les brûlures ne se font pas sentir à celui qui goûte une béatitude infinie et divine. « Fortune, dit Métrodore, tu as beau faire.

Je suis inaccessible à tes attaques : j'ai fermé, j'ai fortifié toutes lesavenues par lesquelles tu pouvais venir à moi.

» Le sage.

— Pour mieux assurer le bonheur du sage, avec un soin méticuleux Épicure lui rappelle ce qu'il doit faire etce dont il doit s'abstenir.

Tout en étant content de peu, le sage épicurien ne s'abaisse pas, comme les Cyniques,jusqu'à mendier de quoi satisfaire ses besoins : car il se soucie de sa bonne renommée, dans la mesure nécessairepour ne pas être méprisé.

Il a donc soin d'accroître son bien, non par le commerce, mais par la science. Il peut se marier et procréer des enfants, parce que se voir renaître dans sa postérité est une consolation; mais,comme d'autre part une famille est une occasion de soucis et de chagrins, il peut aussi ne pas s'en donner une. Il n'a point d'ambition, obéit scrupuleusement aux lois établies et au monarque; il se garde de jouer un rôle politique; sa maxime constante est de cacher sa vie.

Il n'habite pas les villes, parce que la vie y est factice, et les besoinsartificiels ; il tourne le dos à ce qu'on appelle la civilisation et qui n'est que dépravation : il vit parmi les hommessimples, dans les champs. Ce n'est pas en leur inspirant de la crainte, qu'il essaie de se mettre en sûreté contre les hommes ; c'est à force degénérosité qu'il tâche de vaincre leur malveillance.

Il est doux pour ses esclaves et a pitié de leur condition.

Demême que pour récolter la moisson on ensemence la terre, par de bons offices il s'efforce de cultiver l'amitié de ceuxqui l'entourent.

Les amis forment une garde, l'amitié est un rempart.

Parmi toutes les choses dont la sagesse abesoin pour la vie heureuse, il n'y a pas de plus grand bien, de plus agréable à la fois et de plus fécond que l'amitié.« Prends garde, se répète-t-il, avec qui tu manges et tu bois, plutôt qu'à ce que tu manges et tu bois : car sansamis la vie est le repas d'un lion ou d'un loup.

» Seul le sage sait obliger ses amis ; il n'exige pas d'eux qu'ils mettentleurs biens en commun avec les siens : car il marquerait par là de la défiance à leur égard.

Si l'occasion se présente,il mourra pour son ami. L'amitié n'est pas fondée seulement sur la communauté de la vie matérielle, mais avant tout sur une communauté dedoctrines et de convictions : c'est pourquoi le sage est philosophe ; il ne doute point mais est dogmatique; il fondeune école et laisse des écrits; mais il se garde d'avoir une action sur le peuple.

Au besoin, il parle en public, maisjamais de son plein gré.

Il cultive son jardin secret.

Il ne compose point de poème et ne recherche point de beaulangage : sa vie même est, pour lui, une œuvre d'art, qui absorbe tous ses soins. Tel est l'idéal de vie que nous propose Épicure : il faut dire que le sage dont il trace le portrait, et qu'il fut lui-même,est tin juste, s'il est vrai, comme il le prétend, que le juste est celui qui est le moins troublé, l'injuste celui qui est leplus rempli de trouble.

Est-ce ainsi que nous comprenons aujourd'hui la justice ? Certes l'Épicurien ne commettra pasde crimes, du moins de crimes visés par les lois ou réprouvés par la conscience commune; il ne tentera point nonplus de coups d'État.

Mais il s'accommodera de toutes les disciplines et de tous les régimes : « Il obéiraponctuellement au monarque.

» Il ne sera ni malfaiteur, ni tyran; mais il ne sera pas homme à restaurer un droitméconnu, ni à réveiller la conscience populaire : la justice n'est pour lui qu'une convention.

Ce ne sera pas unhomme dangereux, mais ce ne sera pas non plus un héros du droit.

Ce sera un homme docile, effacé, cherchant à sedérober à la vie publique, à tenir le moins de place possible dans la cité.

Qu'il y a loin de cette soumission, de cetteindifférence, à la fermeté d'un Socrate, à l'énergie des fiers Stoïciens, redressés contre l'arbitraire des Césarsromains, pleins de mépris pour la loi du plus fort, travaillant courageusement à édifier la cité universelle des hommeslibres : C'est une calomnie, certes, quand on parle des disciples d'Épicure, de les appeler un troupeau, si on veutfaire allusion à une vie de débauche et de sensualité qui ne fut pas la leur.

Mais ce mot devient l'expression justequand on pense à l'attitude civique de ces hommes prudents, dont le premier souci était de ne se point attirerd'affaires.

Là se révèle la faiblesse de la morale d'Épicure : en niant, par peur du mysticisme, la réalité des idées etla valeur de la raison, en réduisant l'univers à des atomes qui s'agrègent les uns aux autres au gré de la fortune,notre esprit à des sensations combinées ensemble sans règles ni principes, au hasard de l'expérience, Épicuredécrète que l'individu existe seul, il tranche les liens qui nous unissent aux autres hommes, il ne peut réussir qu'ànous décourager, et à nous isoler dans notre égoïsme.

Il dégoûte ceux qu'il forme de toute activité généreuse, detout ce qui risquerait de compliquer leur vie ; il les dissuade de fonder une famille et d'avoir des enfants; detravailler à l'éducation du peuple et de jouer un rôle dans la cité; il tue en eux le désir le plus obstiné de tous lesêtres vivants et pensants, le désir de s'unir, comme dit Platon, à ce qui est toujours le même delà même manière.Certes, il conserve les hommes qui se livrent à lui; mais il les conserve en leur retirant la générosité, c'est-à-dire lavie, en les ligotant dans les bandelettes de la prudence, à la manière de momies desséchées, toutes prêtes àtomber en poussière.. »

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