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Peut-il exister une pensée pure de tout élément sensible ?

Publié le 10/10/2009

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  • CONSEILS PRELIMINAIRES
   1. Le sujet renvoie à première vue à des recherches récentes de la psychologie : expériences de l'Ecole de Wurzburg sur « l'intentionnalité «, opérées à l'aide de tests destinés à déceler des orientations de la pensée qui préexistent à l'objet de cette pensée. Ne pas commettre de contresens sur l'interprétation du sujet : « de tout élément sensible « est complément de l'adjectif « pure «. On demande s'il peut exister une pensée à laquelle ne se mêle aucun élément sensible.  2. Mais l'aspect purement psychologique du problème ne doit pas cacher qu'il existe une autre manière de le concevoir. Il faut songer aux « formes pures a priori « de Kant, à ses « catégories « et aussi à cet acte de pensée qui, pour Descartes, semble se concevoir indépendamment de tout contenu.  3. Dans un exposé comme dans un autre, le sujet risque d'être passablement abstrait. Dès le départ donc, prendre un exemple ; se demander in concreto si quand je pense à quelque chose d'abstrait, par exemple quand je pense à l'action qui me permet de penser, ma pensée est « pure de tout élément sensible«.  
  • PLAN
   Préambule. — Signification de la préoccupation qui consiste à tenter de saisir une pensée pure de tout élément sensible.  1re partie. — La pensée sans images et sans mots :  a) Réaction contre les positions de l'empirisme et de l'associationnisme.  b) Expériences de l'Ecole de Würzburg.  c) Exemples tirés de l'expérience commune.  d) Aspect métaphysique du problème ; autonomie du cogito, activité synthétique a priori de la pensée.  2e -partie. — Critique de la pensée pure :  1. Je pense toujours quelque chose.  2. Critique kantienne.  3. Critique des expériences de Würzburg.  3e partie. — Rapport de la pensée et du sensible :  1. Exemple tiré du langage et de la pensée.  2. Rapports de la pensée et du sensible.   

« C'est sur le plan métaphysique qu'il faut d'abord mener la critique contre l'existence d'une pensée pure de toutélément sensible.

Il ne faudrait pas se méprendre sur la signification du cogito cartésien.

C'est par souci de clartéque Descartes sépare l'acte de penser et ce qui se trouve pensé.

Il s'agit d'une abstraction, toute semblable à celleque j'opère par exemple en physique lorsque je considère la masse d'un corps indépendamment de ce corps.

En fait,Descartes sait bien que « je pense toujours quelque chose ».La célèbre critique kantienne du cogito cartésien (Critique de la raison pure 2e partie, de l'idéalisme problématiquede Descartes) met les choses au point et conteste avec juste raison qu'une telle abstraction — toujours possiblesur le plan logique — puisse avoir une valeur. Nous voilà plus à l'aise pour critiquer les expériences de l'Ecole de Würzburg sur la pensée pure de tout élémentsensible et sur la pensée sans langage.

Remarquons d'abord que les sujets choisis sont tous des intellectuels, c'est-à dire des individus habitués à manier rapidement des idées et à se passer, tout au moins apparemment, deséléments sensibles qui en général « sous-tendent » les idées pour des sujets moins expérimentés.

De plus, lesentiment de « pian » dont nous avons parlé, pour intellectuel qu'il soit, a très manifestement un caractère moteur.Le sujet fait de , la main le geste qui divise en trois, voulant ainsi exprimer que son exposé aura trois parties.

Maisoutre que ce geste simple délimite trois parties dans l'espace, il symbolise aussi une division dans le temps.Autrement dit, cette pensée pure nous renvoie à une série d'habitudes intellectuelles, motrices ou perceptives quin'ont rien de pur.

Mais revenons à notre propre expérience : quand je dis que je suis en proie à une émotion indicible, qu'est-ce quecela signifie ? Non certes que ma pensée est totalement intraduisible par des mots, qu'elle existe indépendammentdes mots.

Tout au contraire, des mots nombreux et mal liés me viennent à l'esprit.

Ce qui ne vient pas, c'est laliaison, l'organisation intellectuelle qui me permettrait de faire partager mon émotion à ceux qui m'entourent.Indicible veut donc dire non pas « qui ne peut être dit » mais « que, moi, je ne puis dire ».Là critique contemporaine a pris, semble-t-il, l'habitude de se plaindre du langage, de sa pauvreté et de seslacunes.

Paulhan dans les « Fleurs de Tarbes », Blanchot dans « Faux pas » parient volontiers de l'inexprimable et dela gageure que constituerait l'effort de l'artiste.

Il s'agit en fait .d'une polémique ancienne.

Héraclite se plaignait déjàde ne jamais se baigner deux fois dans la même rivière et son disciple Cratyle dans le dialogue platonicien du mêmenom déclarait vouloir se réfugier dans le silence et comparait les mots à des passoires au travers desquelles s'écoulela réalité du monde.Platon remarquait ironiquement que le monde pour ces philosophes semblait atteint d'un rhume de cerveauchronique, mais que ces philosophes du silence n'en restaient pas moins fort bavards.Cette critique s'applique aussi à nos modernes Héraclites.

La pauvreté de leurs idées les oblige non pas à dire mais àanalyser la manière dont il faut dire, ce qui malgré tout, reste un propos plus restreint.

En conséquence ilsconfondent volontiers la pauvreté de leur esprit et celle du langage.Analysons avec plus de soin ce problème de la pensée pure dans l'exemple du langage.

En vérité, la pensée resteprofondément liée aux éléments sensibles qui servent à l'exprimer.

On a remarqué que l'évolution intellectuelle dessourds-muets — si l'on ne fait pas intervenir dans leur éducation un moyen de compenser leur infirmité — resteextrêmement faible.

Les mots étaient bien le canal que choisissait la pensée sociale pour fortifier et développer leursfacultés intellectuelles.Le langage, comme l'ont montré des analyses récentes, est lié à l'activité pratique de l'homme.

Il est action sousforme de symbole.

Or, la pensée aussi est action.

Il est donc tout à fait normal qu'on ne puisse séparer la pensée dulangage sans grave dommage pour la pensée.

L'homme est un être qui vit au monde, qui se mesure sans cesse au sensible et qui est lui-même « sensible ».

Leproblème de savoir si la pensée peut exister indépendamment de tout élément sensible, ne peut exister que pourune perspective philosophique qui veut aboutir à poser une pensée pure, érigée en substance, mais commeDescartes le rappelle sans cesse, l'âme et le corps sont unis.

On peut le regretter, mais autant vaut se désoler dene pas avoir « quatre pieds et deux ailes ».. »

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