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Peut-on agir de manière totalement désintéressée ?

Publié le 07/04/2009

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Fort souvent, dans une société, l’admiration publique est acquise à ceux qui vont jusqu’à sacrifier leurs intérêts (l’argent, les honneurs) en faveur d’autrui (amis, patrie). On dit qu’ils agissent de façon désintéressée. A l’inverse, un homme qui n’agit en ne pensant qu’à ses propres intérêts, lui, sera dit « intéressé «. Souvent, donc, c’est l’acception péjorative du terme que l’on retient : on dira d’une personne honnête, bonne, qu’elle est désintéressée : « la marque de la vertu est plutôt de faire le bien que de recevoir «, écrit Aristote dans le livre IV de l’Ethique à Nicomaque. Et pourtant, il semble que l’intérêt puisse aussi être une notion neutre : il apparaît naturel et même raisonnable de la part de chacun d’entre nous de poursuivre ou préserver ses intérêts. Le sujet « Une action désintéressée est-elle possible ? « cherche à déterminer si, oui ou non, l’action se fait en vue d’une conséquence qui nous soit bénéfique, en ce qu’elle nous apporte du plaisir, du confort matériel, une satisfaction personnelle… A l’inverse, si l’on agit de façon désintéressée de sa propre personne, et pour autrui, on souhaite qu’il soit heureux : ce n’est pas à nous que l’action profite, mais elle profite à quelqu’un d’autre, elle a donc un intérêt initial. Alors, agir de façon désintéressée, est-ce agir sans que cela ne nous profite, ou sans que cela ne profite à autrui ? Mais en fait, pour l’homme dit « désintéressé «, donner est aussi un plaisir qu’il n’échangerait pour rien au monde. on peut recevoir quelque chose en échange, ou retirer un certain plaisir de telle ou telle « bonne action «. En outre, peut-on être heureux au milieu de gens malheureux ? Ces deux formes d’intérêt : pour soi, pour autrui, semblent donc être étroitement liées. Il semble tout d’abord que l’acte désintéressé soit possible, pour adhésion à une morale, par amour pour autrui (1). Toutefois, il apparaît qu’aider autrui se fait dans l’intérêt de cette personne… donc, d’une certaine façon, l’action est intéressée, et peut même directement représenter quelque chose d’utile pour l’agent de l’action (2). Si action désintéressée il y a, elle ne peut être s’effectuer que par une totale liberté, en dehors de tout motif, toute raison déterminante… Et n’apparaît-elle pas alors comme un acte non-réfléchi ? (3)

« inconscientes.

L'activité de la conscience, même placée dans l'état de veille, est intentionnelle : même si lavigilance est affaiblie, il n'en reste pas moins que le mouvement de l'intention reste là.

Celui qui paraîtraitdésintéressé pourrait donc parfois seulement être quelqu'un qui ne se rend pas compte de ses propres motivations,qui n'en n'a pas conscience.

A la différence, un homme plus lucide fait attention et enveloppe dans son champ deconscience une conscience réelle de ses motivations et un sens de chaque situation d'expérience.Alors, l'acte désintéressé peut-il dès lors exister ? Prenons par exemple un acte qui pourrait sembler désintéressé :un homme donne de l'argent à un autre, sans rien lui demander en retour.

Et pourtant, par cet acte de bienfaisance,le bienfaiteur fait de l'autre un obligé.

En outre, il agit pour le beau, cela exige de lui un effort, de sorte que lesouvenir de ses belles actions sont pour lui un gage de sa propre valeur.

Dès lors, sitôt entrevue, l'ouverture vers lapossibilité d'une action désintéressée tend à se voiler de brume.

Donner, cela peut être agir sans attendre rien enretour : mais qu'est-ce à dire au juste ? Envisagé d'abord comme abnégation, oubli de soi, le désintéressementsemble devoir rester un simple vœu… qui n'est peut-être même pas vraiment pieux.

On peut rapidement penser àtous les soupçons que la pensée moderne a nourris et développés, à l'encontre de tout ce qui se présente commedépassement de l'égoïsme, dépistant avec toujours plus de perspicacité l'intérêt caché derrière le désintéressementapparent.

Le don n'est-il pas par excellence la cible de tels soupçons, voire leur cible unique et nécessaire ? Onn'avait jusqu'ici considéré la générosité que selon son sens premier, la générosité comme don pour autrui.

On peutmaintenant se demander si la générosité, malgré ses apparences de partage, d'altruisme, n'est pas en fait une formede don pour soi.

Prenons quelques autres exemples simples.

Donner à autrui est un moyen de se faire reconnaître,au sein d'une société par exemple.

Cela peut aussi être un moyen pour l'homme de réparer une injustice, qui nousdonne remords et repentir, donc de soulager sa conscience et de vivre en paix avec lui-même.

Ainsi, même dans ledon, lorsque l'homme semble parvenir à s'oublier entièrement pour ne penser qu'à son prochain, il y a toujours uneparti d'intérêt : en rendant l'aimé heureux, n'en retire-t-on pas soi-même une forme de bonheur ? En outre, il peutarriver que l'intérêt individuel soit compatible avec l'intérêt général, nous assure Tocqueville dans De la démocratieen Amérique ; en effet, les habitants des Etats-Unis ont compris que pour satisfaire au mieux leurs propres intérêts,il leur faut céder une partie à l'intérêt général, et de là prendre ce dont ils ont besoin.

Cette doctrine appelée parTocqueville « l'intérêt bien entendu » place les hommes comme des êtres rationnels et intéressés : « servir lebonheur des autres est le meilleur moyen de servir ses propres fins ».

De même, pour toute la tradition chrétienneoccidentale, la vertu se traduit le plus souvent par la préférence accordée à l'intérêt d'autrui par rapport au sienpropre.

Mais en même temps, la religion jette le trouble sur la notion de charité puisqu'elle introduit une notion de «récompense » pour une bonne action.

Dès lors, il semble devenir difficile de déterminer si la charité a été faite paraltruisme ou par désir d'aller au paradis.

« Etre intéressé », cela peut être agir selon son intérêt… Mais aussi pourcelui d'autrui, et, à travers celui-ci, on travaille à notre intérêt.

Il semble donc qu'une action désintéressée nepuisse être possible.Toute action est donc toujours intéressée, l'homme espère toujours y trouver un intérêt, de façon directe ouindirecte, et qu'il en ait conscience ou non.

La logique d'une quête de satisfaction est commune à tous.

Il existetoutes sortes de motifs extérieurs à la moralité qui peuvent inciter une personne à agir conformément au devoir.

Parexemple, lorsqu'une personne respecte un feu rouge à une intersection, elle préserve sa vie et celle des autres.

Ceciest incontestablement bien du point de vue moral.

Mais on peut toujours se demander si cette personne agit parpure moralité ou par intérêt personnel.

"Tu dois agir ainsi", sinon "tu perdras le dernier respect de toi-même".

Il y abien ce que l'on pourrait appeler un "intérêt", il y a toujours une manière de rapporter l'acte découlant d'une volontéà une façon de satisfaire le moi, sinon son accomplissement n'apporterait pas le moindre plaisir.

Bref, nous obéissonsuniquement à ce que Kant appelait "l'amour de soi".

Agir comme le veut Kant, c'est agir sans raison.

Il faut que noussachions pourquoi il faut agir ainsi, et non autrement : un impératif vraiment et absolument catégorique est doncimpossible.

La conception de la morale de Kant s'oppose à la doctrine des utilitaristes, d'après laquelle seule la fin lebonheur de tous ou du plus grand nombre peut justifier les choix moraux, quels qu'ils soient.Nietzsche dépasse largement l'idée que chaque acte a une raison pouvant l'expliquer, et va jusqu'à nier l'altruisme,la sympathie, la bonté, la douceur et la prévenance, il révèle tout l'égoïsme qui sous-tend la pitié et la proximité.Les hommes cherchent le maximum de plaisir et évitent au maximum le déplaisir : « Un seul désir de l'individu, celuide la jouissance de soi-même (uni à la crainte d'en être frustré) se satisfait dans toutes les circonstances, dequelque façon que l'homme puisse agir.

» On comprend à partir de cette phrase de Nietzsche extraite de sonouvrage Humain, trop humain, que l'intérêt constitue le mobile de toutes les actions humaines.

D'où la nécessité d'untrait lucide : « Un être qui serait capable exclusivement d'actions pures de tout égoïsme est plus fabuleux encoreque l'oiseau phénix.

[…] Jamais un homme n'a fait quoi que ce soit qui fût fait exclusivement pour d'autres et sansaucun mobile personnel ; bien mieux, comment pourrait-il faire quoi que ce soit qui fût sans rapport à lui, partantsans une nécessité intérieure ? » Comment l'ego pourrait-il agir sans ego ? Mais il y a plus : en admettant que cettepossibilité puisse être sauvegardée, le sens même du don semble devoir être mis en question.

Peut-on vraimentparler d'un don pour la beauté du don, d'un acte pour la beauté de l'acte ? L'acte gratuit semble être la parfaite illustration de ce que peut-être un acte désintéressé...

et peut-être est-il leseul qui puisse être considéré comme tel.

Une action gratuite n'a d'autre motivation qu'elle-même, ni intérêt, nicuriosité, ni grandeur, rien que l'assouvissement de l'action même.

C'est le contraire des actes accomplis par le Cidqui venge son père.

André Gide pose le problème de l'acte gratuit dans un récit intitulé Les Caves du Vatican : dansle train qui le mène à Rome, Lafcadio est seul dans son compartiment avec un passager qu'il ne connaît pas et quine lui inspire aucune antipathie particulière.

Lafcadio est soudain pris d'une pensée folle : "Là sous ma main, lapoignée.

Il suffirait de la tirer et de le pousser en avant.

(…) Qui le verrait...

un crime immotivé, quel embarras pourla police ».

En effet dans une enquête, que cherche la police ? Le mobile du crime.

On cherche les motivations du. »

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