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Peut-on considérer l'amour comme un mode de connaissance ?

Publié le 14/06/2009

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amour

Introduction. — Pour comprendre les autres, disent les moralistes, il faut les considérer avec sympathie, les regarder avec les yeux du coeur. L'amour, c'est-à-dire l'attrait qui nous porte vers ceux de nos semblables qui nous plaisent et la tendresse que nous éprouvons pour eux, serait-il donc un mode de connaissance ? A cette question, la psychologie classique répond par la négative ; mais l'affirmation, elle aussi, a eu ses défenseurs, principalement de nos jours. Nous verrons s'il ne nous est pas possible de faire la synthèse de ces positions antithétiques. I. — L'AMOUR N'EST PAS UN MODE DE CONNAISSANCE (Thèse) Exposé. — La conception classique du mécanisme psychique est assez simple et assez connue pour que nous n'ayons pas besoin de nous attarder à son analyse. Au point de départ du psychisme, il y aurait un fait de connaissance : par exemple, je vois Pierre et je porte un jugement sur l'ensemble de sa personne, physique ou morale. Des perceptions et des jugements résulte une attitude affective : attitude négative d'indifférence, lorsque rien dans l'individu qui se présente n'excite mon intérêt ; attitude positive de sympathie ou d'antipathie, d'amour ou de haine, suivant que le jugement est favorable ou défavorable. Enfin, l'idée que je me fais de Pierre et les sentiments que j'éprouve pour lui déterminent ma conduite à son égard. Ainsi, la connaissance détermine l'affectivité et l'amour ; ensuite, connaissance et affectivité déterminent l'action volontaire. Si nous en tenons à la conception classique, l'amour résulte de la connaissance ; il n'est pas lui-même une connaissance.

amour

« phénoménologie veut substituer une étude plus objective fondée sur l'expérience immédiate et concrète: «Reveniraux choses elles-mêmes », tel est le mot d'ordre du fondateur de la phénoménologie, Edmond Husserl (1859-1938).Mais Husserl avait appris de son maître Franz Brentano (1838-1917) le caractère intentionnel de la conscience,thèse que tous les phénoménologistes font leur.

Une des données les plus évidentes de l'expérience, avant soninterprétation discursive et sa traduction en concepts, est que la conscience ne se renferme pas Sur elle-même,elle tend essentiellement vers un objet; tout fait de conscience, qu'il soit d'ordre cognitif ou d'ordre affectif, est uneattitude à l'égard d'un objet et implique par conséquent une certaine connaissance de cet objet.

La conscience,répètent les phénoménologistes, est « conscience de quelque chose ».Nous retrouvons la même idée chez les phénoménologistes contemporains, en particulier chez Jean-Paul Sartre :«Tout sentiment est sentiment de quelque chose, c'est-à-dire qu'il vise son objet d'une certaine manière et projettesur lui une certaine qualité.

Avoir de la sympathie pour Pierre, c'est avoir conscience de Pierre commesympathique».Ainsi, la sympathie est un mode de connaissance.

Sans doute elle est elle-même déclenchée par une perception quiconstitue ce qu'on pourrait appeler un mode de connaissance pure.

Mais, une fois déclenchée, elle projette surl'objet qui l'a provoquée une qualité nouvelle, un sens qu'il n'avait pas pour nous jusque-là, elle le fait connaîtreautre.« Le sentiment de haine n'est pas conscience de haine il est conscience de Paul comme haïssable; l'amour n'est pas,avant tout, conscience de lui-même: il est conscient des charmes de la personne aimée.

(...) En un sens, lesentiment se donne donc comme une espèce de connaissance.

(...) Mais ce n'est pas une connaissanceintellectuelle ».Que penser de ces observations et de la thèse que les phénoménologues fondent sur elles ?Leurs observations et leurs analyses sont fort justes et elles mettent heureusement en relief des faits trop négligéspar les psychologues.Il ne semble pas cependant qu'on doive se rallier à la thèse d'après laquelle l'amour serait un mode de connaissance.L'affectivité sensibilise nos fonctions cognitives, oriente le regard de l'esprit, mais c'est toujours l'esprit qui connaîtet non le coeur: « quand le coeur a des yeux, c'est l'intelligence qui lui prête son regard». III.

— AMOUR ET CONNAISSANCE SONT DEUX SPÉCIFICATIONS D'UN DONNÉ PRIMITIF INDIFFÉRENCIÉ(Synthèse) Ces discussions sur le pouvoir cognitif de l'amour et d'une façon générale de l'affectivité nous semblent résulterd'une interprétation réaliste de la distinction des facultés.

On a compartimenté l'âme humaine en servicesindépendants les uns des autres, par exemple en sensibilité, intelligence et volonté, puis, lorsque, dans un casconcret, on constate dans un compartiment autre chose que ce que porte l'étiquette, on se trouve embarrassé etles interprétations s'opposent.

Ainsi, lorsque, dans un fait d'affectivité, on observe quelque chose de cognitif, lesuns disent' cette connaissance provient des fonctions cognitives, dont l'action précède ou accompagne celle desfonctions affectives, c'est la conception classique exposée en premier lieu.

Les autres, au contraire, attribuent ceséléments cognitifs à l'affectivité, qui serait, comme telle, dotée d'un certain pouvoir de connaître.En réalité, l'homme n'est pas composé d'une intelligence, d'une sensibilité et d'une volonté : ces diverses facultés,et d'autres qu'on pourrait lui reconnaître, ne sont que divers pouvoirs d'une âme incarnée dans un corps.

C'est l'âmequi sent, connaît, veut et aime.

On ne peut pas plus attribuer la connaissance à l'amour qu'on ne peut attribuer à lachaleur le pouvoir d'éclairer : c'est la flamme qui à la fois chauffe et éclaire.Mais le jeu de nos diverses facultés n'est pas toujours aussi distinct de celui des autres que la psychologie classiquesemble le prétendre : de là les faits qui ont fait croire à un pouvoir cognitif spécial de l'amour.Chez l'enfant qui vient de naître, en particulier, on ne peut pas parler de connaissance ni d'affectivité au senspropre de ces termes, qui désignent des états de conscience de l'adulte.

Le psychisme à ses débuts n'est qu'uneréaction de l'irritabilité.

Cette réaction nous apparaît comme étant essentiellement d'ordre affectif, mais l'affectivitédu nouveau-né est bien différente de la nôtre : lui n'a pas, comme nous, conscience de souffrir, ni conscience descauses de sa souffrance.

Plus tard seulement apparaîtra la connaissance, non pas comme un pouvoir qui viendraitse juxtaposer à l'irritabilité primitive, mais comme une différenciation de celle-ci.

On comprend donc comment onpeut attribuer à ce que nous appelons l'affectivité du nouveau-né un certain mode de connaissance : ce n'est pasl'affectivité qui connaît, mais l'intelligence n'existant encore qu'en germe à un stade de la vie que nouscaractérisons, d'après la fonction qui se différencie la première, comme purement affectif.Nous observons des états analogues à l'âge adulte.

Les intuitions, les pressentiments fortement chargésd'affectivité, passent facilement pour des vues débordant le pouvoir de l'intelligence et que certains attribuent aucoeur.

Mais lorsque l'analyse revient sur ces opérations intuitives, elle parvient souvent, sinon à reconstituerl'enchaînement des pensées qui a conduit à quelqu'une de ces découvertes dont la spontanéité apparente surprend,du moins à constater, indistinct et fondu avec les états affectifs qui dominent dans la conscience, un travail sous-jacent de pensée discursive. Conclusion. — C'est en somme pour sauvegarder la clarté des notions que nous faisons une réponse négative à la question posée : comment s'entendre si on voit dans l'amour une fonction cognitive en même temps qu'une fonctionaffective ?Mais si, au lieu de l'amour, nous considérons celui qui aime, nous reconnaîtrons que, du fait de son amour, il a desconnaissances qu'il n'aurait pas sans lui.

L'amour est, si l'on veut, un facteur indirect de connaissance : ce n'est paslui qui connaît, mais il exerce sur l'intelligence une telle action qu'on ne saurait le négliger quand on veut expliquer lapensée humaine.. »

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