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Peut-on desirer autre chose que d'être heureux ?

Publié le 27/02/2008

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Il semble évident, de prime abord, que nous désirons une foule de choses à côté du bonheur. Ne désirons-nous pas exercer tel métier ou bien partir en vacances avec des amis ? Cependant, le bonheur ne reste-t-il pas l'horizon sur lequel se détachent tous nos désirs particuliers ? En effet, si je pars me reposer à la mer, n'est-ce pour y trouver quelque chose du bonheur ? Ainsi, nous devons d'abord déterminer le rapport qu'entretient notre désir au bonheur, pour ensuite nous demander à quoi revient le fait de désirer autre chose que d'être heureux. Dès lors, nous pourrons nous interroger sur la « possibilité » pour l'homme de désirer autre chose que le bonheur, sur sa capacité ou non à se détacher du désir.

« La question est équivoque du fait de la position de la négation : en se questionnant, on peut en effet se demander : (1) Pouvons-nous désirer ne pas être heureux ? Alors on questionne la possibilité du désir positif dumalheur.

(2) Pouvons-nous ne pas désirer être heureux ? Alors on questionne négativement le bonheur, ce qui nerevient pas au malheur positif mais seulement à l'indifférence possible du désir face au bonheur.

Il s'agira donc dequestionner le rapport entre le désir et le bonheur. A première vue, le désir est simplement spontané (conscient ou non) et dirigé vers une fin.

C'est donc uneintention, une tendance à quelque chose.

Quand je désire du chocolat, j'éprouve un manque que je veux combler,précisément en mangeant du chocolat.

Quant au bonheur, c'est un état de satisfaction complète, la sérénité den'éprouver aucun manque.

On voit bien le rapport entre les deux par la notion de manque : en désirant le bonheur,on comble nécessairement le manque que l'on éprouve quand on désire.

Cependant, l'exemple du chocolat nousmontre que le désir se donne souvent et même tout le temps un objet plus particulier que la recherche du bonheur.Le désir semble ainsi avoir un lien plus direct avec le plaisir.

Pourtant, on ne peut pas simplement rejeter lapossibilité de désirer être heureux puisque la question met en avant le pronom « que » qui signifie ici « seulement »et donc suppose que, de fait, il est possible de désirer être heureux. Le rapport entre désir et bonheur n'est-il pas plus complexe qu'un simple désir du bonheur ou désir d'autrechose que le bonheur ? Notre réflexion sera composée de trois moments : (1) D'abord comment mettre en rapport leplaisir spontané et le bonheur pour sauver l'idée de pouvoir désirer être heureux ? (2) ensuite cette spontanéité(manque de réflexion) du désir et du plaisir ne conduit-elle pas au contraire à des souffrances, c'est-à-dire à désirer(inconsciemment) être malheureux ? (3) Enfin, en introduisant la réflexion et la conscience de ce qu'est un désir, ledésir permet-il, en prenant du recul, de conduire au bonheur ? I/ Le lien entre le plaisir et le bonheur Thèse : le désir comme recherche spontanée des plaisirs est toujours un désir d'être heureux. Est-ce à dire que le bonheur se limite aux plaisirs ? Nous nous appuierons sur les §§127-129 de la Lettre à Ménécée d'Epicure pour dévoiler le lien entre plaisir et bonheur.

Epicure commence en effet au § 127 par classifier les désirs : il distingue d'abord les désirs vides des désirs naturels, ensuite les désirs naturels se distinguent à leurtous en contingents et nécessaires, enfin les nécessaires se distinguent en nécessaires au bonheur, à la santé ducorps, à la vie.

Comme au § 128, Epicure nous explique que la vie bienheureuse est celle qui a choisi les bons désirs(à savoir les nécessaires), on est conduit à penser que certains désirs ne sont pas des désirs d'être heureux.Pourtant, si l'on regarde pourquoi et comment Epicure produit sa classification, on remarque que son principe estd'abord négatif (rejet des souffrances) pour devenir positif au § 129 (recherche des plaisirs).

Il développe donc uneanthropologie où l'action est gouvernée par le plaisir érigé comme principe de la vie bienheureuse.

Or désirer estaussi une action, donc comme toute action, selon Epicure, elle est gouvernée par la recherche des plaisirs.

Parconséquent, quand bien même on aurait un désir qui entre dans la catégorie des désirs vides, le plaisir seraitrecherché en tant que fin ; et étant le principe de la vie bienheureuse, en le recherchant comme fin, notre désir esttoujours en fin de compte, un désir d'être heureux.

La seule différence entre les désirs nécessaires et les désirsvides n'est que dans le fait que les premiers ont des moyens adaptés à la fin contrairement aux seconds.

C'est laraison pour laquelle Epicure fait une classification des désirs : non pas parce qu'il y a des désirs d'être heureux etdes désirs de ne pas l'être mais parce que certains désirs n'aboutissent pas. Prenons l'exemple du Roméo et Juliette de Shakespeare : leur situation est un dilemme puisque quoi qu'il arrive, ils seront malheureux.

Dès lors, leur amour entendu comme désir l'un de l'autre, tout en sachant qu'ilconduisait au malheur était-il un désir d'être malheureux ? Si nous réinterprétons ce désir dans l'anthropologieépicurienne, nous voyons qu'au contraire ils désiraient être heureux.

En effet, étant fous amoureux l'un de l'autre, ilsne pouvaient se résoudre à la haine de leurs familles.

Le dilemme était qu'en ne se fréquentant pas, ils éprouvaientune souffrance ; mais en se fréquentant, ils souffraient de la colère de leurs familles respectives.

Alors ils agirent enconséquence : ils décidèrent de se marier (1) pour éprouver le plaisir et le bonheur d'être ensemble ; (2) enespérant que cette union calmerait la haine des deux familles et permettrait ainsi le bonheur qu'ils recherchent.

Lafin tragique répond à l'éventuelle objection du suicide comme désir du mal absolu : en effet Roméo croyant Juliettemorte, se suicide, et Juliette le voyant mort se suicide également.

Mais le principe de cette action est toujours leplaisir (ici considéré négativement comme rejet de la souffrance) : comme on recherche et désir naturellement sanscesse être heureux, ils jugèrent que leur vie n'avait plus de sens et désiraient avant tout mettre fin à leursouffrance insupportable et inguérissable.. »

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