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Peut-on ne pas désirer être sage?

Publié le 18/02/2005

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Le sage est une figure paradigmatique de la philosophie : celui qui possède la sagesse. Or qu'est-ce qu'être sage si ce n'est posséder la sagesse ? La sagesse suppose un état de connaissance plein et parfait, dont il faut interroger la pertinence et la validité ;  mais c'est surtout à travers la question et le débat définitionnel que se pose le sujet « peut-on désirer ne pas être sage ? ». Dans cette question, le terme essentiel à n'en pas douter est le verbe « désirer » qui porte en lui-même une équivoque. « Désirer » évoque sémantiquement immédiatement l'idée de désir et non pas celle de préférence ou de volonté. Or c'est pourtant bien en ce sens que l'on peut l'entendre est qu'il sera porteur. Dès lors la question nous interroge sur un choix de vie et engage alors notre existence ou l'idée que nous nous en faisons. Ainsi nous ne pouvons non plus ne pas évoquer la part psychologique de la question. Or s'il apparaît semble-t-il bien un thème récurrent en philosophie c'est bien la définition de la meilleure vie à vivre comme étant celle du sage bien que les définitions divergent, ce qu'il faudra étudier aussi. Mais plus radicalement, cela questionne la légitimité ou la pertinence d'un discours philosophique sur la philosophie et son paradigme : c'est exiger du discours philosophique une auto-reflexion, une auto-référence qui peut être les limites d'un tel sujet. Or si la question se pose c'est que cette évidence que semble poser la doxa philosophique ne va nullement de soi. En effet, on peut tout à fait envisager le fait que l'on ne désire pas être sage notamment si l'« être sage » entre en conflit avec la satisfaction de mes désirs. Et c'est bien souvent ce qu'implique la recherche de la sagesse.             Ainsi s'il paraît impossible de ne pas désirer être sage telle que la doxa philosophique le prône (1ère partie), il faudra s'interroger sur la valeur et le fondement de cette critique que peut être le refus de cet « être sage » et de sa pertinence (2nd partie) ce qui nous amènera à nous interroger sur les fondements de cette critique et de son discours en nous questionnant sur le fait de savoir si faire la critique du sage, ce ne serait pas au fond fait l'apologie ou proposer un autre paradigme de sagesse (3ème partie). 

« II – La critique du sage a) C'est notamment avec Nietzsche dans la Généalogie de la morale que l'on peut voir s'installer cette suspicion envers cette volonté d'« être sage ».

En effet, qu'est-ce que cela signifie ? Principalement, c'est vivre une vieascétique, monacale, en refusant l'extérieure et la puissance du désir.

Et de ce point de vue, il est intéressant defaire un lien entre l'expression que nous utilisons pour les enfants « sois sage » et « être sage ».

Il y a bel et bienun rapport non seulement sémantique mais surtout dans l'idée de discipline que cela invoque.

« Etre sage » c'estdonc se discipliner, refuser les plaisirs et le désir.

Or « être sage » dans ce cas n'est-ce pas avoir en haine le désir ?b) Et en effet, c'est notamment pour cela que Nietzsche cette idée conçue comme telle d'être savoir, puisque pour lui le sage, comme le sage grec ou stoïcien c'est l'apanage de la faiblesse.

C'est pourquoi on peut désirer ne pasêtre sage si c'est avoir en haine le désir et comme il le note dans le Crépuscule des Idoles , § 1 & 2 : « Pourquoi la philosophie et la religion mettent-elles si souvent en garde contre le désir, au lieu d'en glorifier la puissancecréatrice ? » Sous le non de nihilisme, Nietzsche dénonce la condamnation a priori de tout désir et de toute passion,qui domine selon lui la tradition judéo-chrétienne.

A la volonté de puissance, qui est créatrice et élève l'homme au-dessus de sa condition première, s'opposerait depuis des siècles, selon lui, une volonté de néant, qui prônelâchement le renoncement et le sacrifice dont les morales successives en seraient l'exemple: « attaquer les passionsà la racine, c'est attaquer la vie à la racine : la pratique de l'Eglise est hostile à la vie ».

Le désir est l'essencemême de la vie tout comme les passions.

Or puisque l'éthos du sage a pour but de s'abstraire de la passion et dudésir on peut dire alors comprendre pourquoi l'on ne voudrait pas désirer être sage puisque ce serait nier sa viemême.

Et ce n'est pas en vain que Montaigne dans les Essais définit la philosophie « comme un exercice à la mort ».

C'est pourquoi les attitudes, les sacrifices n'ont pas pour effets d'élever l'humanité, mais de l'empêcherd'user de ses forces les plus vives.c) En ce sens être sage ce serait plutôt pour Nietzsche comme on peut le voir dans la Volonté de puissance ce serait exacerber la puissance des forts, la puissance de leurs désirs jusqu'à atteindre l'avènement du surhommen'ayant plus besoin des anciennes idoles comme Dieu, dont on peut voir la préfiguration dans le Gai savoir avec lefameux « Dieu est mort et nous l'avons tous tuer ».

Etre sage comme le souligne la philosophie ascétique c'estméconnaître « alors l'essence de la vie, la volonté de puissance ; alors on néglige la prééminence de principe que possèdent les forces spontanées, agressives, envahissantes qui réinterprètent, réorientent et forment, dont l'« adaptation » ne fait que suivre les effets, alors on dénie dans l'organisme même le rôle dominateur des instancessuprêmes, dans lesquelles la volonté vitale apparaît active et formatrice.

» ( Généalogie de la morale , 2nd partie). Transition : Ainsi on peut ne pas désirer être sage légitiment dans la mesure où l'idéal de sagesse entre en conflit avec la viemême.

Pourtant, Nietzsche ne produit-il pas lui aussi un modèle de l'« éthos » du sage ? Dès lors toute critique nepose-t-elle pas en creux ou de manière consciente un autre paradigme de sagesse ? III – Critiquer la sagesse c'est encore faire preuve de sagesse a) Or comme le remarque très justement Pascal dans les Pensées : critiquer la philosophie c'est faire encore de la philosophe.

Donc produire une critique du sage qui est le paradigme duphilosophe c'est vouloir développer un autre modèle du sage, ou plusexactement produire un modèle concurrent.

Et c'est bien ce que faitNietzsche comme on vient de le voir.

Tout critique du sage c'est faire montrede sagesse soi-même.

En ce sens, on ne désire pas tant refuser d'êtresagesse que refuser une certaine définition du sage comme dans le cas deNietzsche qui refuse le sage ascétique qui refuse la vie.

Ce refus est donc unecritique mais non un refus absolue.

C'est pourquoi ce désir de ne pas êtresage est impossible, au moins logiquement, puisque cela suppose déjàl'acquisition d'une première sage qui permet de critiquer cette vision de lasagesse, c'est-à-dire produit une réflexion sur le sage ce qui constitue déjàune sagesse.b) Dès lors, ce qu'il faut remarquer c'est que le sage n'est pas en lui-mêmeune définition stricte.

Plus exactement, le sage est une figure, il est unereprésentation que chacun peut se former.

Il est un type, une modèle àsuivre.

En ce sens, cela signifie que dans le vocabulaire de Kant , dans la Critique de la raison pure , on pourrait dire que le sage est un idéal ou plutôt une Idée de la raison c'est-à-dire ayant un usage régulateur pourl'entendement.

Et d'autant plus régulateur que cette quête de la sagessesemble être justement un idéal, une quasi utopie pour l'homme ; un état deperfection quasi divin qu'il ne saurait atteindre et pourtant auquel il doittendre.

Ne pas désirer être sage ce serait donc en fait proposer une autre définition du sage et non pas refusertoute sagesse absolument et strictement.

Car dans ce cas, et c'est là que le terme « désirer » peut prêter àconfusion dans la mesure où il signifie à la fois vouloir mais aussi avoir le désir de.

Dans ce cas, désirer au sens devouloir doit donc développer la liberté et l'autonomie de la volonté comme le montre la Critique de la raison pratique . Mais si par désirer on entend se soumettre à ses passions alors oui il semble que l'on puisse désirer ne pas êtresage, c'est-à-dire rester ignorant mais dans ce cas, comme le stigmatise Kant ce serait vivre une vie indigne de. »

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