Peut-on souhaiter être ignorant ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
« Tous les hommes
désirent naturellement savoir ; ce qui le montre, c?est le plaisir causé par les
sensations, car, en dehors même de leur utilité, elles nous plaisent par
elles-mêmes » écrit Aristote (Métaphysique, A, 1). Non seulement le désir
de connaissance serait naturel aux hommes, mais ceux-ci seraient mêmes
« incapables d?ignorer absolument », tout autant que « de savoir certainement »
(Pascal, Pensées, §164 ed. Sellier ; §434 ed. Brunschvicg).
Deuxième
partie
- Mais ne peut-on pourtant vouloir être vraiment ignorant,
c?est-à-dire non seulement ne pas prétendre savoir ni détenir le vrai ou le
faux, mais se contenter de son état d?ignorance sans chercher la vérité, quelle
qu?elle soit ? N?est-ce pas ainsi que l?on dit que certains préfèrent encore ne
rien savoir plutôt que d?apprendre une mauvaise nouvelle ? On opposerait alors
la connaissance au bonheur. Or, puisque tout homme veut nécessairement être
heureux, le bonheur étant un bien en soi, « toujours désirable en soi-même »
(Aristote, Ethique à Nicomaque, I, 5), ne peut-on affirmer que certains
souhaiteraient réellement être ignorants afin de préserver ou d?obtenir leur
bonheur ? La Modernité n?a-t-elle pas ainsi disjoint éthique et connaissance,
permettant ainsi ce mot de Stuart Mill, selon lequel il vaudrait mieux « être
Socrate malheureux plutôt qu?un porc satisfait » ?
- Rousseau oppose ainsi les sciences et les arts à la vertu et au
bonheur : « Peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu vous préserver
de la science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son
enfant ; que tous les secrets qu'elle vous cache sont autant de maux dont elle
vous garantit, et que la peine que vous trouvez à vous instruire n'est pas le
moindre de ses bienfaits.
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