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Peut-on soutenir avec Cioran qu'espérer c'est démentir l'avenir ?

Publié le 27/02/2008

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Peut-on soutenir avec Cioran qu'espérer c'est démentir l'avenir ?

Espérer désigne une opération du psychisme humain qui consiste à désirer au présent la réalisation d’une chose dans l’avenir sur laquelle notre action n‘a plus de prise. L’avenir est une dimension du temps, qui contrairement au passé et au futur, est tournée vers le futur, et il se distingue lui-même du futur dans sa relation au présent. Démentir, c’est contredire quelque un en prétendant qu’il n’a pas dit la vérité et ainsi affirmer la fausseté de cette assertion. Cela suppose de personnifier l’avenir; le discours que ce denier tiendrait, l’espoir aurait pour tâche de le contredire et d’en démontrer la fausseté. Ainsi le problème s’inscrit dans un contexte dialogique entre l’espoir humain et l’avenir : l’avenir dirait une vérité et l’espoir prétendrait s’inscrire en faux contre elle. Mais le démenti de l’avenir n’est lui-même qu’une prétention de l’espoir , qui pourrait à son tour être démenti par l’avenir. Ainsi de la confrontation entre l’espoir et l’avenir, on peut se demander qui aura le dernier mot. Il s’agit de savoir si le fait de démentir l’avenir constitue l’opération essentielle de l’espoir pouvant tenir lieu de sa définition.

Tout d’abord, on peut s’étonner de l’ordre impliqué par cette expression paradoxale. En effet plutôt que de mettre en premier l’avenir et l’espoir en second, en générale, on dit plutôt : « l’avenir n’a pas démenti mes espoirs «, ce qui suppose une primauté de l’espoir que l’avenir vient seulement ensuite confirmer ou infirmer. En ce sens espérer, ce serait plutôt démentir le présent en se tournant vers l’avenir. Néanmoins dans la mesure où l’avenir de toutes choses constitue une vérité universelle connue de tous, l’espoir tenterait d’opposer un démenti à cette vérité. Cependant puisque  l’avenir adviendra de toutes manières, il ne semble pas que l’espoir soit en mesure de ne fournir un démenti qu’illusoire. Nous sommes alors confrontés à ce problème : espérer doit-il être défini comme la tentative illusoire de contredire un avenir inéluctable ou bien au contraire  le démenti de l’avenir est-il une expression inadéquate pour caractériser le fait d’espérer ?

 

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« rapport l'espoir entretient-il alors avec l'avenir ? III Espérer, c'est démentir le passé et le présent en pour inventer l'avenir _ L'espoir est une opération du psychisme humain qui consiste à désirer dans le présent la réalisation d'une chosequi peut advenir sans que l‘on puisse intervenir sur elle.

Aussi Il est premier par rapport à l'avenir Il entretient doncun lien constitutif avec l'avenir, mais sans posséder de statut négatif.

En effet on ne voit pas comment, ni pourquoil'espoir démentirait l'avenir.

Tout d'abord l'avenir n'existe pas encore au moment où l'individu se met à espérer.

Ordans la mesure où cet avenir est encore inexistant au moment où l'individu décide se confier à lui, on ne voit pascomment espérer consisterait à démentir l'avenir.

Ainsi si on analyse l'expression au passé « l'avenir n'a pas démentimes espoirs », on peut énumérer les différentes étapes du processus : tout d'abord, on commence par espérer dans le présent en forgeant un avenir selon nos vœux, un laps de temps passe, et l'avenir en advenant réalise ceque nous désirions.

Il peut très bien aussi démentir nos espoirs et nous devons alors éprouver l'amertume de ladéception.

Par conséquent l'espoir entretient un rapport de primauté chronologique sur l'avenir et ce rapport reposeplus sur une complicité désirée que sur une rivalité._ Si l'espoir doit être défini par le démenti, alors espérer consiste bien plus à démentir le passé et le présent quel'avenir.

En effet si l'avenir dans son incertitude constitutive peut constituer un support à nos désirs, le passé et leprésent seraient des temps contre lesquels s'oppose l'espoir.

L'avenir que nous espérons, nous le désirons souventpar opposition à ce qui dans le présent ne nous satisfait pas ou nous fait souffrir.

On peut ainsi se référer au contedes frères Grimm Blanche-neige où l'héroïne enfermée dans sa prison se répète à elle-même : « un jour mon prince viendra » en tentant de se convaincre qu'elle passera d'une situation de détention, de solitude et de malheur àl'amour et à la liberté._ Espérer, c'est projeter dans le temps un élément de nouveauté radicale.

Si l'espoir est une modalité du désir, il nese satisfait pas de ce qui est déjà qui se fait au présent, il a en effet pour tâche de contredire un avenir qui seréduirait à la conséquence de ce qui est déjà présent si on n'agit pas , c'est-à-dire un avenir qui se contenterait derépéter le passé et le présent sans rien lui ajouter de nouveau.

C'Est-ce que l'on peut soutenir avec le livre de laBible l 'Ecclésiaste : « il n'y a rien de nouveau sous le soleil : ce qui est est ce qui a été et ce qui a été, c'Est-ce qui sera ».

Cette formule pourrait résumer ce qui constitue l'absurdité cyclique du désespoir : désespérer, c'est êtredans l'impossibilité de désirer quelque chose qui ne soit pas déjà passée ou présente.

Par opposition espérer, c'estcréer un avenir.

Conclusion :L'espoir oppose un démenti à la dimension dépossédante de l'avenir.

Néanmoins ce démenti est à son tour démentipar la réalité de l'avenir dont la fin ultime est la mort.

Si l'espoir ne peut opposer de démenti à la mort, le pensercomme un démenti face à l'inéluctable nous amène à le réduire à une illusion.

Dans sa réalité effective, l'espoir est lemoteur dynamique qui nous permet de faire advenir un horizon nécessaire à notre action.

Ainsi espérer, ce n'est pasdémentir l'avenir, mais le passé et le présent.. »

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