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Publié le 23/05/2014

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KANT IDÉE D'UNE HISTOIRE UNIVERSELLE AU POINT DE VUE COSMOPOLITIQUE1 Quel que soit le concept que, du point de vue métaphysique, on puisse se faire de la liberté du vouloir, il reste que les manifestations phénoménales de ce vouloir, les actions humaines, sont déterminées selon des lois universelles de la nature, exactement au même titre que tout autre événement naturel. L'histoire, qui se propose de raconter ces manifestations phénoménales, quelle que puisse être la profondeur en laquelle sont cachées leurs causes, donne cependant à espérer qu'en considérant globalement le jeu de la liberté du vouloir humain, elle peut y découvrir un cours régulier et que, de cette façon, ce qui chez les sujets particuliers paraît confus et irrégulier pourra cependant être reconnu au niveau de l'espèce entière comme étant un développement constant, bien que lent, de ses dispositions originelles. Ainsi, par exemple, les mariages, les naissances qui en résultent et la mort, étant donné que la libre volonté des hommes exerce sur eux une si grande influence, ne semblent pouvoir être soumis à aucune règle d'après laquelle on pourrait en calculer le nombre par avance ; et, pourtant, les tableaux qu'on en dresse chaque année dans les grands pays prouvent qu'ils se produisent tout aussi bien selon des lois naturelles constantes, que les si inconstantes variations atmosphériques qui, prises isolément, ne sont pas prévisibles, mais qui pourtant, dans leur ensemble, ne manquent pas de maintenir le cours uniforme et ininterrompu de la croissance des plantes, de l'écoulement des fleuves et de bien d'autres formations naturelles. Les hommes pris isolément et même des peuples entiers, ne songent guère au fait qu'en poursuivant leurs fins particulières, chacun selon son avis personnel, et souvent l'un à l'encontre de l'autre, ils s'orientent sans le savoir au dessein de la nature, qui leur est lui-même inconnu, comme à un fil conducteur, et travaillent à favoriser sa réalisation ; ce qui, même s'ils le savaient, leur importerait pourtant assez peu. Étant donné que les hommes, dans les efforts qu'ils entreprennent en vue de réaliser leurs aspirations, ne procèdent pas dans l'ensemble de façon simplement instinctive, mais pas non plus cependant comme des citoyens raisonnables du monde selon un plan concerté, il semble également qu'une histoire planifiée (comme par exemple celle des abeilles et des castors) soit impossible en ce qui les concerne. On ne peut se défendre d'une certaine humeur lorsqu'on voit exposés leurs faits et gestes sur la grande scène du monde et que, à côté de quelques manifestations de sagesse ici ou là pour certains cas particuliers, on ne trouve pourtant dans l'ensemble, en dernière analyse, qu'un tissu de folie, de vanité infantile, souvent même de méchanceté et de soif de destruction puériles : de sorte qu'à la fin on ne sait plus quel concept on doit se faire de notre espèce si imbue de sa supériorité. Le philosophe ne peut tirer de là aucun autre enseignement que le suivant : étant donné qu'il ne peut supposer dans l'ensemble chez les hommes et dans leur jeu aucun dessein personnel raisonnable, il lui faut chercher s'il ne peut découvrir dans la marche absurde des choses humaines un dessein de la nature à partir duquel serait du moins possible, à propos de créatures qui procèdent sans plan personnel, une histoire selon un plan déterminé de la nature. Nous voulons examiner s'il nous sera possible de trouver un fil conducteur pour une telle histoire ; nous laisserons ensuite à la nature le soin de produire l'homme capable de rédiger l'histoire selon ce fil conducteur. N'a-t-elle pas produit un Kepler, qui soumit d'une façon inattendue les orbites excentriques des planètes à des lois déterminées, et un Newton qui expliqua ces lois en vertu d'une cause naturelle universelle ? Première proposition Toutes les dispositions naturelles d'une créature sont destinées à se déployer un jour de façon exhaustive et finale. Cela est confirmé chez tous les animaux, aussi bien par l'observation externe que par l'observation interne, ou dissection. Un organe qui ne doit pas être utilisé, un agencement qui n'atteint pas son but sont des contradictions au regard de la doctrine téléologique de la nature. En effet, si nous nous écartons de ce principe, nous n'avons plus affaire à une nature conforme à des lois, mais à une nature qui joue sans aucun but ; et l'indétermination désolante vient prendre la place du fil conducteur de la raison. Deuxième proposition Chez l'homme (en tant que seule créature raisonnable sur terre), les dispositions naturelles qui visent à l'usage de sa raison ne devaient être développées complètement que dans l'espèce, mais non dans l'individu. Chez une créature, la raison est un pouvoir permettant d'étendre bien au-delà de l'instinct naturel les règles et les desseins qui président à l'usage de toutes ses forces, et ses projets ne connaissent pas de limites. Elle n'agit cependant pas elle-même de façon instinctive, mais elle a besoin du tâtonnement, de l'exercice, de l'enseignement afin de progresser peu à peu d'un degré d'intelligence à un autre. Par suite, il faudrait que chaque homme ait une vie illimitée pour apprendre comment il doit faire un usage complet de toutes ses dispositions naturelles ; ou alors si la nature ne lui a assigné qu'une courte durée de vie (comme c'est effectivement le cas), c'est qu'elle a besoin d'une série peut-être incalculable de générations, dont chacune transmet aux suivantes ses lumières, pour conduire finalement le développement de ses germes dans l'espèce humaine jusqu'au niveau qui est parfaitement conforme à son dessein. Et cet instant final doit être, au moins dans l'idée de l'homme, le but de ses efforts, car, sans cela, les dispositions naturelles devraient être considérées pour la plupart comme vaines et sans finalité, ce qui supprimerait tous les principes pratiques, la nature serait alors suspecte d'un jeu puéril en l'homme seul, alors que sa sagesse doit être admise par ailleurs comme un principe pour le jugement de toutes les autres formations naturelles. Troisième proposition La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l'ordonnance mécanique de son existence animale, et qu'il ne prenne part à aucune autre félicité ou perfection que celles qu'il s'est lui-même créées, indépendamment de l'instinct, par sa propre raison. La nature, en effet, ne fait rien de superflu, et elle n'est pas prodigue dans l'usage des moyens pour atteindre ses buts. En donnant à l'homme la raison ainsi que la liberté du vouloir qui se fonde sur elle, elle indiqua déjà clairement son dessein en ce qui concerne la dotation de l'homme. Il ne devait pas en effet être guidé par l'instinct, ni non plus être instruit et pris en charge par une connaissance innée ; il devait bien plutôt tirer tout de lui-même. La découverte de ses moyens de subsistance, son habillement, sa sécurité et sa défense extérieures (pour lesquelles elle ne lui donna ni les cornes du taureau ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais seulement des mains), tout divertissement qui peut rendre la vie agréable, même son intelligence et sa prudence, et jusqu'à la bonté de son vouloir, devaient être entièrement son ?uvre propre. La nature semble même s'être ici complue à sa plus grande économie, et avoir mesuré sa dotation animale au plus court et au plus juste en fonction du besoin le plus pressant d'une existen...

« illimitée pour apprendre comment il doit faire un usage complet de toutes ses dispositions naturelles ; ou alors si la nature ne lui a assigné qu’une courte durée de vie (comme c’est effectivement le cas), c’est qu’elle a besoin d’une série peut-être incalculable de générations, dont chacune transmet aux suivantes ses lumières, pour conduire finalement le développement de ses germes dans l’espèce humaine jusqu’au niveau qui est parfaitement conforme à son dessein.

Et cet instant final doit être, au moins dans l’idée de l’homme, le but de ses efforts, car, sans cela, les dispositions naturelles devraient être considérées pour la plupart comme vaines et sans finalité, ce qui supprimerait tous les principes pratiques, la nature serait alors suspecte d’un jeu puéril en l’homme seul, alors que sa sagesse doit être admise par ailleurs comme un principe pour le jugement de toutes les autres formations naturelles.

Troisième proposition La nature a voulu que l’homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l’ordonnance mécanique de son existence animale, et qu’il ne prenne part à aucune autre félicité ou perfection que celles qu’il s’est lui-même créées, indépendamment de l’instinct, par sa propre raison.

La nature, en effet, ne fait rien de superflu, et elle n’est pas prodigue dans l’usage des moyens pour atteindre ses buts.

En donnant à l’homme la raison ainsi que la liberté du vouloir qui se fonde sur elle, elle indiqua déjà clairement son dessein en ce qui concerne la dotation de l’homme.

Il ne devait pas en effet être guidé par l’instinct, ni non plus être instruit et pris en charge par une connaissance innée ; il devait bien plutôt tirer tout de lui-même.

La découverte de ses moyens de subsistance, son habillement, sa sécurité et sa défense extérieures (pour lesquelles elle ne lui donna ni les cornes du taureau ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais seulement des mains), tout divertissement qui peut rendre la vie agréable, même son intelligence et sa prudence, et jusqu’à la bonté de son vouloir, devaient être entièrement son œuvre propre.

La nature semble même s’être ici complue à sa plus grande économie, et avoir mesuré sa dotation animale au plus court et au plus juste en fonction du besoin le plus pressant d’une existence à ses débuts comme si elle voulait que l’homme, lorsqu’il serait parvenu un jour à passer de l’état le plus brut à celui de la plus grande habileté, de la perfection intérieure du mode de pensée et, par là (pour autant que cela est possible sur terre), jusqu’au bonheur, n’en doive attribuer le mérite qu’à lui seul et n’en être redevable qu’à lui-même ; tout se passant comme si elle avait davantage visé son estime raisonnable de soi que son bien-être.

Car ce cours des affaires humaines est jalonné d’une multitude d’épreuves qui attendent l’homme.

La nature semble cependant ne s’être nullement attachée à ce qu’il vive agréablement, mais au contraire à ce qu’il travaille à s’élever jusqu’au point où, par sa conduite, il devient digne de la vie et du bien-être.

Demeure toujours étrange ici le fait que les générations antérieures ne semblent poursuivre leur pénible labeur qu’au profit des générations ultérieures, afin précisément de leur préparer un échelon à partir duquel elles pourraient élever plus haut l’édifice que la nature a en vue, alors que seules les générations les plus tardives doivent avoir la chance d’habiter l’édifice auquel a travaillé une longue lignée de devanciers (il est vrai sans l’avoir intentionnellement voulu) qui ne pouvaient pourtant eux-mêmes prendre part à la joie qu’ils préparaient.

Mais, si énigmatique que cela soit, c’est bien également nécessaire, dès lors qu’on admet ce qui suit : une espèce animale doit être pourvue de raison, et, en tant que classe d’êtres raisonnables qui tous meurent, mais dont l’espèce est immortelle, elle doit pourtant parvenir jusqu’à la plénitude du développement de ses dispositions.

Quatrième proposition Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leur antago - nisme dans la société, pour autant que celui-ci se révèle être cependant en fin de compte la cause d’un ordre légal de celle-ci .

J’entends ici par antagonisme l’ insociable sociabi lité des hommes, c’est-à-dire leur tendance à entrer en société, tendance cependant liée à une constante résistance à le faire qui menace sans cesse de scin der cette société.

Cette disposition réside manifestement dans la nature humaine.

L’homme possède une inclination à s’associer, car dans un tel état il se sent plus homme, c’est-à-dire ressent le dévelop pement de ses dispositions naturelles.

Mais il a aussi une forte tendance à se singulariser (s’isoler), car il rencontre en même temps en lui-même ce caractère insociable qu’il a de vouloir tout diriger seulement selon son point de vue ; par suite, il s’attend à des résistances de toute part, de même qu’il se sait lui-même enclin de son côté à résister aux autres.

Or, c’est cette résistance qui éveille toutes les forces de l’homme, qui le conduit à surmonter sa tendance à la paresse et, sous l’impulsion de l’ambition, de la soif de domination ou de la cupidité, à se tailler un rang parmi ses compagnons qu’il supporte peu volontiers, mais dont il ne peut pourtant pas non plus se passer.

Or c’est précisément là que s’effec tuent véritablement les premiers pas qui mènent de l’état brut à la culture, laquelle réside au fond dans la valeur sociale de l’homme ; c’est alors que se déve loppent peu à peu tous les talents, que se forme le goût et que, par une progression croissante des lumières, commence même à se fonder une façon de penser qui peut avec le temps transformer la gros sière disposition naturelle au discernement moral en principes pratiques déterminés et, finalement, con vertir ainsi en un tout moral un accord à la société pathologiquement extorqué.

Sans ces qualités, certes en elles-mêmes peu sympathiques, d’insociabilité, d’où provient la résistance que chacun doit néces - sairement rencontrer dans ses prétentions égoïstes tous les talents resteraient à jamais enfouis dans leurs germes au milieu d’une existence de bergers d’Arcadie, dans un amour mutuel, une frugalité et une concorde parfaites : les. »

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