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Philosopher, est-ce apprendre à vivre ?

Publié le 28/10/2009

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Incipit : A l’intitulé de l’énoncé s’associe immédiatement la définition contraire, donnée par Montaigne dans ses Essais, de la philosophie comme apprentissage à mourir. Ceci se rapporte au traumatisme par lequel, d’une certaine manière, l’acte de philosopher s’est institué en tant que profession de foi faite à l’endroit du savoir, c’est-à-dire, à la mort de Socrate rapportée dans le Phédon de Platon. L’opportunité de l’énoncé consiste donc dans la possibilité qu’il offre de réfuter une appréhension mortifère de la philosophie dont, parfois, elle se trouve accusée (chercher refuge dans les idéaux de la raison abstraite, illusion dénoncée tout au long de l’œuvre de Nietzsche, de La généalogie de la morale à Ecce homo). Si le problème de la mort, et l’échec de la philosophie à l’intégrer sereinement, est contemporain de la fondation sacrificielle de la philosophie (Socrate s’exclamant en la quittant : “ Sacrifions un coq à Asclepios ! ”, comme si la mort était guérison), le problème de l’apprentissage à vivre l’est également, et certainement même est plus caractéristique encore de la démarche philosophique comme désir de la sagesse, d’une sagesse sue inatteignable (Cicéron allant jusqu’à dire, dans les Tusculanes, que Socrate est père de la philosophie en tant qu’avec lui la raison descend du ciel divin pour se préoccuper des conditions d’existence des humains).

 

Thèmes : L’énoncé se décompose sur le mode d’une prédication dont il s’agit d’évaluer la validité (philosopher = apprendre à vivre ?). Une analyse thématique plus précise doit procéder en deux notions à examiner, qui constituent le prédicat de l’énoncé : (i) apprendre : l’apprentissage se définit d’une part par son caractère actif (en quoi il reprend l’activité du verbe “ philosopher ”), et d’autre part, par le fait d’être constitué de règles, au sens le plus général de cette notion. Les règles sont l’objet de l’apprentissage, et ceci est certainement toujours le cas (apprendre un vocabulaire consiste par exemple à apprendre un système de règles lexicales qui doivent permettre, conjointes à la syntaxe, d’user d’un langage donné, apprendre des dates est apprendre à les employer relativement à leur contexte d’inscription historique, etc.) ; (ii) vivre : dans le cas de la vie, l’apprentissage des règles (notez qu’on parle des ‘règles de vie’, ou ‘du savoir-vivre’) doit être compris comme ayant une vocation technique, au sens propre du terme. C’est-à-dire que l’apprentissage des règles (consistant à vivre) doit permettre la réalisation optimale d’une fin, dans notre cas la vie bonne, par l’application pratique correcte des règles apprises. La vie devient ici art, ‘art de vivre’ (ars est traduit du grec technè, qui donne technique (n.b. : la définition présentée ici de la notion de technique est celle d’Aristote dans l’Organon)). Et si vivre peut avec raison être qualifié d’art, et donc rapproché d’une dimension technique consistant en l’apprentissage de règles, c’est qu’elle est foncièrement une activité. Une alternative peut alors servir à son analyse précisément comme technique : la dimension éthique de la vie (bien vivre), ce qui est son acception la plus évidente dans le cadre de notre énoncé, et sa dimension épistémique, la vie comme connaissance ou savoir – ceci est à rapporter au fait que le propre de l’âme humaine, toujours selon Aristote (De l’âme) est sa rationalité, or la rationalité consiste dans la pensée, et la pensée a pour vocation le savoir. Dans les deux cas, éthique et connaissance, vivre se détermine par son caractère actif.

 

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