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(Politique III, 4, 1 276 b 16-35)

Publié le 23/03/2015

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À la suite de ce qui précède, il faut examiner si l'excellence [morale] d'un homme de bien et [l'excellence] d'un bon citoyen sont, ou non, la même chose. Cependant, si ce point doit effectivement donner lieu à une recherche, il convient de commencer par cerner typiquement ce qu'est l'excellence du citoyen. Disons donc que, de même que le marin est l'un des membres d'une communauté, ainsi en est-il du citoyen. Et, bien que les marins diffèrent entre eux par leurs fonctions (car l'un est rameur, un autre est pilote, un autre timonier, alors qu'un autre reçoit quelqu'autre nom de ce genre), en sorte qu'il est clair que la définition la plus précise de l'excellence de chacun sera [à chaque fois] singulière, il est, d'un autre côté, tout aussi clair qu'une certaine définition commune conviendra à tous : la sauvegarde de la navigation est, en effet, rceuvre de tous, car c'est ce que chacun des marins désire. Et pour les citoyens aussi il en est de même : bien qu'étant différents, la sauvegarde de la communauté est leur œuvre, et la communauté, c'est la constitution. C'est pourquoi l'excellence du citoyen est nécessairement relative à la constitution. Donc, puisqu'il y a plusieurs espèces de constitutions, il est clair qu'il n'est pas possible qu'il y ait une excellence unique du bon citoyen, l'excellence parfaite. [En revanche] nous parlons de l'homme de bien relativement à une excellence unique, la [vertu morale] parfaite.

Il est donc manifestement possible, lorsqu'on est un bon citoyen, de ne pas posséder la vertu qui fait qu'on est homme de bien.

(Politique III, 4, 1 276 b 16-35)

 

« Textes commentés 51 Aristote vient d'établir, au chapitre précédent, que la politeia constitue l'essence formelle de la cité, son eidos.

La cité est donc une « communauté de constitution entre des citoyens » (koinônia politôn politeias, 3, 1 276 b 2).

C'est dire que la « constitution » ne se réduit pas à des institutions légales, mais s'élargit jusqu'à un mode d'être et d'agir en commun.

Le présent passage entreprend de préciser ce qu'est la meilleure modalité de cet agir commun.

Loin de procéder démonstrativement, Aristote use d'une analogie pour déterminer « typiquement » (tupôi) l'excellence politique (politikè aretè) du bon citoyen.

On aurait pu s'attendre à une analogie morale, puisque la politique et l'éthique relèvent toutes deux de la praxis ; mais Aristote se garde bien d'avoir recours à une telle comparaison, car il veut montrer que l'excellence politique est «relative à la constitution» (et non à un critère d'évaluation univoque, comme en morale).

Au premier abord, l'analogie est technique : de même que tous les bons marins œuvrent à « la sauvegarde de la navigation », de même tous les bons citoyens œuvrent à celle de la constitution sous laquelle ils vivent ; on met, par ce biais, en évidence le trait typique de toute excellence politique : elle s'évalue en fonction de la nature de la politeia.

Toutefois, l'analogie s'avère être plus finement travaillée.

En effet, à strictement parler, la «navigation» n'est aucune tâche concrète, aucun ergon technique, ni aucune chose: ce n'est ni ramer ni barrer, et ce n'est pas non plus le bâteau lui-même.

La navigation est la tournure d'ensemble, l'horizon de sens des tâches spécifiques.

Par analogie donc, la « sauvegarde de la constitution » ne saurait être assimilée à des tâches économiques ou gouvernementales ; elle relève davantage d'une appréciation globale de ce qui convient à la constitution du vivre-ensemble ; elle relève plus d'une praxis que d'une poièsis et d'un partage des tâches.

Si partage il y a, c'est un partage du sens où le discernement de la fin va de pair avec celui des moyens de l'agir.

Reste que la praxis politique n'est pas une généralisation de la morale individuelle, et que l'empreinte typique de l'excellence politique est donnée par la seule constitution.. »

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