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Pourquoi rêver d'utopie ?

Publié le 04/01/2020

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cacité minimale, puisqu’elle invite son lecteur à modifier ou à faire varier sa propre conception du monde.

On répliquera qu’une telle efficacité reste bien idéaliste, et qu’elle ne saurait suffire pour « changer le monde ». Et, dans les reproches classiques que l’on adresse aux constructions utopiques, on souligne que les organisations politiques qu’elles prétendent proposer sont bien souvent trop artificielles pour avoir la moindre chance de voir un jour un début de réalisation. La cité utopique est en général présentée comme à l’écart de toute autre réalité : elle est protégée — c’est souvent une île — de tout contact avec d’autres systèmes, vit en autarcie ; dans la présentation qu’on en donne, il est fréquent qu’on l’ait découverte par hasard, après une tempête — tous éléments fictifs qui interdiraient de la prendre trop au sérieux.

Pire : certains esprits utopistes seraient carrément nostalgiques de sociétés restreintes bien impossibles désormais : petites collectivités à la Fourier (les phalanstères), micro-sociétés fondées sur une combinatoire des passions ou des conduites sans doute intéressante ou amusante du point de vue théorique ou intellectuel (littéraire), mais qui s’affirme immédiatement comme étrangère à toute histoire. On comprend pourquoi Marx a pu critiquer les socialistes utopistes : c’est qu’ils lui paraissaient refuser ce qui était à ses yeux fondamental, le devenir historique. À trop rêver de société parfaite, ne risque-t-on pas de se désintéresser du réel, de le supporter passivement, et de ne plus être un acteur de l’histoire ? La rêverie utopique ferait le jeu des forces conservatrices au moment même où elle prétend les critiquer : elle ne serait que de l’idéologie, dont l’efficacité, en tant que telle, serait exactement l’inverse de celle qu’elle prétend offrir.

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