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Que gagne-t-on a perdre ses illusions ?

Publié le 27/02/2005

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■ Un constat : On dit « se bercer d'illusions «, « dire adieu à ses illusions « ; on parle d'illusions « agréables «, jamais d'illusions « désagréables «. En revanche, on parle de « dure vérité « et on dit que « la vérité blesse «, que « toute vérité n'est pas bonne à dire «. Ainsi, pour le langage ordinaire comme pour la sagesse des nations, l'illusion est perçue comme une certaine forme de bonheur, que détruit la vérité.

■ Le problème se pose alors de savoir ce que l'on gagne à perdre ses illusions, pourquoi il faudrait préférer la vérité qui dérange à l'illusion qui nous rend heureux.

« 2.

La vérité comme illusion Pourquoi vouloir le vrai ? Nietzsche s'interroge sur la volonté philosophique de vérité qui se manifesteen particulier chez Socrate.

On peut se demander s'il existe un savoir «objectif », neutre, impersonnel, si toute vérité ne reflète pas nécessairementles exigences vitales de ceux qui la posent.A travers le savoir s'expriment des dispositions physiologiques, une certainerelation du corps et de la volonté à la réalité.

Ainsi, le projet philosophique(ou scientifique) tout entier, qui est projet de privilégier le savoir, d'affirmer lasupériorité du savoir sur le non-savoir, sur l'illusion, etc., constitue un pointde vue, une évaluation qui sont rendus nécessaires par l'état de ceux qui leforment (l'état de leur Volonté de Puissance).

Nietzsche nomme idiosyncrasiecette disposition des êtres qui entraîne leurs réactions propres. « Je cherche à comprendre de quelle idiosyncrasie provient cette équationsocratique : Raison = Vertu = Bonheur » (Crépuscule des idoles, Il, 4).

Enposant cette question, Nietzsche se demande donc, non pas si ce que ditSocrate est vrai ou faux, mais pourquoi il le dit.

Dans l'entreprisephilosophique conçue comme recherche rationnelle assurant un certainbonheur, il faut voir une certaine neutralisation des puissances de l'existence,une méfiance envers le corps, ses passions, sa partialité, sa richesse et soninsaisissable aventure.

Le désir de connaître masque la méconnaissance d'undésir que l'être n'a pas la force de rencontrer ; la « vérité », le « savoir » nesont que des illusions substituées à d'autres illusions, une surestimation desseules valeurs qui puissent rendre « heureux » ceux qui, à travers elles, évitent de rencontrer l'insupportabletragédie du devenir, de la vie.

Ce bonheur par le savoir-illusion engourdit comme un narcotique. Fuir la Vérité est vital Ainsi, l'entreprise philosophique tout entière, dans cette problématique, apparaît comme une fuite de la Vérité quidérange.

L'amour philosophique du vrai doit être compris comme une recherche de « vérités » illusoires mais utilespuisque capables de réconforter des hommes malades.

Nietzsche peut écrire que « la vérité est une sorte d'erreur,faute de laquelle une certaine espèce d'êtres vivants ne pourraient vivre.

Ce qui décide en dernier ressort, c'est savaleur pour la vie » (La Volonté de Puissance, t.

I, 1.

II, § 308).

La Vérité est une erreur dans la mesure où elle nedévoile pas la Vérité originaire, la Vérité propre de l'Etre, qui est « le flux éternel de toutes choses ».On voit qu'à l'illusion, Nietzsche paraît donc encore préférer la Vérité : même s'il montre que celle-ci doit être voiléepour que la vie reste possible, même s'il souligne que l'apparence est nécessaire pour vivre, sa philosophie, quidévoile l'illusion, tente d'en exposer l'ultime Vérité, si dérangeante qu'elle puisse être. Des illusions heureuses Selon Nietzsche, les illusions de l'art peuvent jouer un rôle comparable à celui des illusions du «avoir » celui-ci estcaptivé par le plaisir socratique de la connaissance et l'illusion de pouvoir guérir par ce moyen l'éternelle blessure del'existence, celui-là s'embarrasse dans les plis séduisants du voile de la beauté » (Naissance de la Tragédie, coll.Médiations, p.

116).

L'art, en ce sens, est voile d'illusion ; il nous donne quiétude ou euphorie parce qu'il nousdivertit de l'abîme, le rend, parfois, invisible.

Ici, l'art est un narcotique au même titre que le « savoir ».« Et nous ne disons rien des illusions plus communes, et presque plus puissantes encore » (id.).

Idéologies,mauvaise foi, rationalisations, paradis artificiels, il serait inutile d'analyser successivement toutes les techniques,minuscules ou grandioses, par lesquelles nous préférons l'illusion à la vérité, dans nos conduites ordinaires : toutesces tactiques fonctionnent de la même façon.

Mais l'art peut aussi ne pas masquer le jeu créateur de l'Etre ; il peutparticiper de la puissance interprétative de la vie ; ses fictions, ses jeux constituent alors comme un savoirtragique. Conclusion Nous préférons l'illusion qui réconforte à la vérité qui dérange, ce constat est finalement celui de toute philosophie.Mais toute philosophie s'interroge sur la valeur de cette attitude.

Nietzsche montre que nous sommes hostilementdisposés envers la vérité dès qu'elle est préjudiciable et destructrice.

Mais il ne nous invite pas plus que ceux quil'ont précédé à nous abandonner aux leurres de l'illusion : se vouer à l'illusion, en effet, c'est s'exposer aux plusamères désillusions.

Ainsi, à perdre ses illusions, ne gagne-t-on guère autre chose qu'à s'épargner des désillusions.. »

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