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Que peuvent les mots?

Publié le 07/04/2005

Extrait du document

L'un des privilèges les plus incontestables du milieu dirigeant est précisément de conserver la langue. Le langage de la culture se confond avec celui de la classe dirigeante. Les faits langagiers montrent la capacité "performative" des classes dirigeantes. Et, le propre de ces dernières est d'éviter ou d'intégrer la "ghettoïsation" du langage: culture jeune (BD, musique, expressions "branchées"...). Dès lors, si le pouvoir manifeste son emprise sur le langage, ce dernier à son tour influence le Pouvoir, à tel point que l'évolution des phénomènes langagiers a une signification historique et politique considérable: l'invasion du franglais traduit ainsi notre infériorité à l'égard de l'Amérique anglophone, lorsque la France était puissante, on parlait français à Saint-Pétersbourg. De même, à la limite, on obtient le phénomène de la langue de bois qui est une conséquence de la glaciation du langage et/ou de la glaciation du Pouvoir. Aussi, il faut bien qu'un jour, change ce langage jugé rétrograde. Et, la révolution se manifeste aussi par un acte de langage. La prise du pouvoir ne s'accompagne pas par hasard de déclarations solennelles, de thèses ou de profession de foi.

 

Analyse du sujet :

  • Le mot est l’élément de base à partir duquel on peut, lorsqu’il est écrit, composer des textes (romans, slogans, liste de courses, etc.), lorsqu’il est prononcé, tenir des conversations, produire des discours, etc. On dira donc qu’il est le constituant ultime du discours au sens large.
  • Un discours, pour mériter ce nom, ne doit pas être absurde : il doit posséder une signification. Aussi ne se réduit-il pas à un ensemble anarchique de mots. Si, au sein du discours, certains mots peuvent être isolés, comme des interjections (« aie ! «), des ordres (« debout ! «) ou des approbations (« oui «, « miam «), la plupart d’entre eux sont organisés en propositions en dehors desquelles on ne peut pas déterminer leur signification. L’ensemble des règles qui régissent l’organisation des mots est la grammaire.
  • On peut distinguer plusieurs types de mots, en particulier : les noms, les adjectifs et les verbes. Les noms peuvent renvoyer à des choses, des personnes, des idées, concepts, etc. Les adjectifs désignent des propriétés de ce à quoi renvoient les noms. Les verbes désignent entre autres des actions.
  • D’une manière générale, le mot possède cette capacité de renvoyer à quelque chose parce qu’il est un signe linguistique, c'est-à-dire l’union d’un signifiant (forme graphique ou phonique du mot) et d’un signifié (la signification à laquelle il renvoie).

Problématisation :

Le sujet nous interroge sur le pouvoir des mots, ce qu’ils sont capables de faire. Nous sommes alors invités à examiner leur fonction, c'est-à-dire, ce qu’on attend d’eux, mais également ce qu’ils font sans qu’on le leur demande. Par exemple, comment expliquer que les mots peuvent blesser, sans même que nous le voulions ?

 

I – Quelle est la fonction des mots ?

 

L’exemple de la possibilité de blesser nous conduit à nous intéresser plus précisément au rapport entre le mot et le sentiment. Il semble avoir le pouvoir imprévisible d’éveiller de l’émotion (penser à la poésie par exemple), de produire des sensations bien réelles (par exemple, nous parlons d’un discours qui « donne la chair de poule «). Comment expliquer ce pouvoir mystérieux des mots ?

II – Quel est le rapport du mot au sentiment ?

 

« Transition :Le mot, dans cette perspective possède une fonction pragmatique, c'est un outil.

Il est donc utilisé, par exemplepour traduire nos pensées, donner des ordres, fournir des descriptions etc., et ce dans un but pratique.

Il a doncune fonction d'expression.

Mais alors, qu'exprime-t-il justement ? Est-il l'expression d'une pensée qui serait elle-même composés d'autres mots muets qui attendraient de venir à la parole ? Dans ce cas, quel est le statut de cesautres mots dont on pourrait dire qu'ils sont « intérieurs » ? II – Les mots nous permettent-ils d' exprimer nos pensées ? Référence : Merleau-Ponty « Nos analyses de la pensée font comme si, avant d'avoir trouvé ses mots,elle était déjà une sorte de texte idéal que nos phrases chercheraient àtraduire.

Mais l'auteur lui-même n'a aucun texte qu'il puisse confronter avecson écrit, aucun langage avant le langage.

Si sa parole le satisfait, c'est parun équilibre dont elle définit elle-même les conditions, par une perfection sansmodèle.

Beaucoup plus qu'un moyen, le langage est quelque chose comme unêtre et c'est pourquoi il peut si bien nous rendre présent quelqu'un : la paroled'un ami au téléphone nous le donne lui-même comme s'il était tout danscette manière d'interpeller et de prendre congé, de commencer et de finir sesphrases, de cheminer à travers les choses non dites.

Le sens est lemouvement total de la parole et c'est pourquoi notre pensée trame dans lelangage.

» Merleau-Ponty s'appuie sur l'exemple de l'écrivain : une oeuvre littéraire est-elle l'expression de la pensée d'un auteur ? Autrement dit, le mot n'a-t-ilqu'une fonction expressive ? Cela présupposerait qu'une autre parole, unautre ensemble de mots, précède la parole « réelle ».

Mais alors cette parolene doit-elle pas être elle-même l'expression d'une troisième parole ? Dans cecas, où la situer ? A l'évidence, présupposer que la parole est expression d'une pensée qui serait elle-même de nature linguistique nous fait tomber dans une régression à l'infinie : il seraitimpossible de trouver un point d'arrêt, une parole originelle.Le langage, au contraire, jouit d'une relative autonomie selon Merleau-Ponty : il « est quelque chose comme unêtre ».

Son rôle à l'égard de la pensée n'est pas d'exprimer celle-ci mais au contraire de la constituer, ou du moinsde participer à sa constitution.

C'est un des pouvoirs des mots.

L'exemple de la conversation téléphonique qui rendprésent l'interlocuteur, qui l'amène à être en quelque sorte perçu par notre conscience, est convaincant.

Le mot parconséquent est un medium, un milieu à travers lequel notre pensée peut se constituer.

Son pouvoir n'est pas celuid'un outil : le est plus fondamentalement un constituant de la pensée.

III – Quel est le rapport du mot au sentiment ? Ludwig Wittgenstein s'intéresse à l'expression des sentiments dans le langage : celle-ci est selon lui impossible.Partons d'un exemple : si nous disons à quelqu'un « je t'aime », comment être certain que notre sentiment est bienle sentiment amoureux et pas un quelconque désir, ou même tout à fait autre chose ? Nous pouvons toujoursdemander à quelqu'un d'autre pour comparer : « que ressens-tu lorsque tu es amoureux ? ».

S'il nous fournit uneliste de sensations ou de sentiments qui constitueraient en quelque sorte l'analyse du sentiment amoureux, alors leproblème n'a été que déplacé, puisqu'il faudra encore pouvoir identifier ces sentiments « constitutifs ».

Ce quemontre Wittgenstein, c'est que les sentiments sont absolument incomparables entre eux : ils sont privés.

Quandbien même ils seraient semblables, ils nous est impossible de savoir si nous ressentons la même chose que notrevoisin lorsque nous disons éprouver tel ou tel sentiment.

Puisque aucune comparaison n'est possible, personne n'aplus de légitimité qu'un autre à prétendre qu'il sait ce qu'est tel ou tel sentiment.

Autrement dit, le sentiment estabsolument privé, il est du domaine de l'inexprimable.

Il est donc impossible de le traduire dans le langage.Pour reprendre notre exemple, comment alors savons-nous que nous sommes amoureux ? Comment d'une manièregénérale identifier un sentiment ? Comment le mot peut-il « coller à un sentiment », le désigner ? Wittgensteinrépondrait que le sens d'un mot, c'est son usage concret.

Le sens n'est pas seulement déterminé par l'usagegrammaticalement correct d'un mot dans une proposition, mais par le contexte concret qui entoure la proposition.Par exemple, le sens du mot « marteau » dans la proposition « le marteau est défectueux » diffère selon que l'on setrouve dans un atelier ou que l'on soit accordeur de piano.C'est donc l'usage concret, qui englobe la situation réelle, qui détermine la signification des mots.

C'est également lasituation concrète qui fait que nous éprouvons tel ou tel sentiment.

Par exemple, un discours politique crée sansdoute plus d'émotion, comme la peur ou l'enthousiasme, si l'on se trouve en face de l'orateur lui-même.

Si aucontraire, nous lisons ce discours dans un journal, l'émotion sera moindre.

Ce n'est donc pas le mot qui exprime lesentiment, de même qu'à l'inverse, il ne produit pas le sentiment.

C'est la situation concrète qui, premièrementpermet de dire qu'un mot est utilisé de manière approprié ou non, deuxièmement produit tel ou tel sentiment.

La. »

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