Tous les objets
n'ont qu'une valeur conditionnelle ; car si les inclinations et
les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait
sans valeur. Mais les inclinations mêmes, comme sources du
besoin, ont si peu une valeur absolue qui leur donne le droit
d'être désirées pour elles-mêmes, que, bien plutôt, en être
pleinement affranchi doit être le souhait universel de tout être
raisonnable. Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par
notre action est toujours conditionnelle. Les êtres dont
l'existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais
de la nature, n'ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus
de raison, qu'une valeur relative, celle des moyens, et voilà
pourquoi on les nomme des choses ; au contraire, les êtres
raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature
les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-à-dire comme
quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme
moyen, quelque chose qui par suite limite d'autant toute faculté
d'agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect).
Ce ne sont donc pas là des fins simplement subjectives, dont
l'existence, comme effet de notre action, a une valeur pour nous
: ce sont des fins objectives, c'est-à-dire des choses dont
l'existence est une fin en soi-même, et même une fin telle
qu'elle ne peut être remplacée par aucune autre, au service de
laquelle les fins objectives devraient se mettre, simplement
comme moyens. Sans cela, en effet, on ne pourrait trouver jamais
rien qui eût une valeur absolue. Mais si toute valeur était
conditionnelle, et par suite contingente, il serait complètement
impossible de trouver pour la raison un principe pratique
suprême. Si donc il doit y avoir un principe pratique suprême, et au
regard de la volonté humaine un impératif catégorique, il faut
qu'il soit tel que, par la représentation de ce qui, étant une
fin en soi, est nécessairement une fin pour tout homme, il
constitue un principe objectif de la volonté, que par conséquent
il puisse servir de loi pratique universelle. Voici le fondement
de ce principe : la nature raisonnable existe comme fin en soi.
L'homme se représente nécessairement ainsi sa propre existence ;
c'est donc en ce sens un principe subjectif d'actions humaines.
Pour le sens commun, la morale consiste à énoncer un certain nombre de règles d'action comme « tu ne tueras point «, « respecte- t-on prochain «.C'est parce qu'elle énonce des normes, des règles qu'on dit de la morale qu'elle est une discipline normative. D'où vient la morale, Quelle est l'origine de la morale ? La morale qui édicte en nous les valeurs de bien et de mal est elle innée en nous ou fait-elle l'objet d'une acquisition, d'un apprentissage ?