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Qu'est-ce que l'empirisme ?

Publié le 05/08/2004

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DARBON à propos de l'expérience morale : « L'immédiat que nous pouvons atteindre n'est jamais un véritable immédiat... Notre expérience est toujours une expérience pensée «. C'est la même remarque que fait PRADINES à propos des doctrines de l'intuition : « L'immédiat et le primitif est précisément ce qui ne peut jamais être donné, ayant servi à faire tout ce qui est donné; c'est ce qui ne peut jamais être un objet d'intuition «. C'est enfin de la même façon qu'on a reproché à la prétendue « expérience directe « des phénoménologues d'exprimer, en réalité, pour l'essentiel, les « interprétations toutes personnelles du sujet «. En un mot, toutes ces doctrines méconnaissent, tout comme l'empirisme pur, l'activité de l'esprit dans l'expérience. - C'est pourquoi aussi, toujours comme l'empirisme, elles laissent échapper ce qu'il y a de spécifique aussi bien dans la moralité que dans la connaissance de la vérité. C'est ainsi que SCHELER se refuse à faire une place spéciale aux valeurs morales, que GUSDORF nie toute différence de nature entre conscience morale et conscience psychologique, voire « conscience biologique «; et L. HUSSON (3 e Congrès des Soc. de philosophie, 1947, p.

 

 

  • empirisme:

   Du grec empeiria, « expérience «. Doctrine professée en particulier par Locke et Hume, selon laquelle toutes nos idées et connaissances sont dérivées de l'expé­rience sensible. Les empiristes refusent les Idées innées de Descartes.

   Kant s'opposera à eux en affirmant l'existence de structures a priori de l'esprit qui rendent possibles des connaissances non empiriques.

« II.

L'empirisme moderne. De nos jours, l'empirisme a pris des formes moins sommaires et mieux adaptées aux progrès de la pensée (etnotamment de la science) moderne.

Pour les classer, nous distinguerons ici aussi leur aspect psychologique et leuraspect gnoséologique ou philosophique.A.

— Aspect psychologique1.

Une des théories les plus en vogue de la psychologie contemporaine est la théorie de la forme ou Gestaltisme.Cette théorie constitue une réaction utile contre l'ancienne psychologie atomiste et affirme, contrairement à celle-ci, que nous percevons d'emblée, non des éléments, mais des « formes » ou, plus exactement, des ensemblesstructurés.

Mais elle va parfois jusqu'à faire de ces « formes », non seulement « des caractères immédiats du donné» (KOHLER), mais des propriétés mêmes du monde physique.

Par là, comme l'a remarqué J.

PIAGET, elle « en revientau fond, quoique par des voies beaucoup plus raffinées, à l'empirisme classique ».

Comme lui en effet, elle dissout «l'activité opératoire » de l'esprit dans le sensible, et elle suppose donné dans Y objet une structuration qui est, enréalité, l'oeuvre de l'intelligence et dont la psychologie de l'enfant nous montre l'émergence graduelle. B.

— Aspect philosophique. Sur le plan proprement philosophique, plusieurs théories modernes de la connaissance ou de l'action sont aussi d'inspiration nettement empiriste.1° C'est ainsi que le Pragmatisme, qui définit la vérité par la réussite, s'est présenté lui-même comme un « empirismeradical ».

Son principal représentant, W.

JAMES, écrit dans L'idée de vérité, p.

108 : « L'expérience, dans sonensemble, se suffit par elle-même et ne repose sur rien.

» Cet « empirisme radical » se distingue, selon JAMES, del'empirisme classique, celui de HUME par exemple, par le fait que celui-ci est une « doctrine des atomes psychiques» et nie que nous percevions jamais « aucune connexion réelle entre des existants distincts », tandis que, pour lePragmatisme, l'expérience forme un tout et « les relations de toute sorte : temps, espace, différence, ressemblance,changement, mesure, cause, etc., font partie intégrante du flux des sensations autant que les sensations elles-mêmes ».

L'empirisme classique maintenait une dualité entre les choses et l'esprit, celui-ci étant le décalque decelles-là, pour l'empirisme « radical », au contraire, l'un et l'autre font partie du même ensemble et c'est dans « leflux primitif de la vie sensible » qu'il faut aller chercher « le véritable aspect de la réalité ». Discussion. On pourrait s'étonner que le Pragmatisme — qui est essentiellement une philosophie de l'action et qui a précisément reproché aux théories classiques une définition statique de la vérité, conçue comme une simple « copiedu réel » — puisse se réclamer lui-même de l'empirisme qui professe, nous l'avons vu, la thèse de la passivité del'esprit.

Et pourtant, il est bien vrai que, sur des points essentiels, le Pragmatisme est un empirisme plus « radical »que l'empirisme classique.

L'action dont il parle est purement utilitaire et ne réserve à l'esprit aucun rôle original.

Car,selon lui, « l'expérience ne peut comporter qu'un seul plan : la raison se trouve ainsi placée sur le même plan que lasensibilité; la vérité, sur le même plan que la sensation et les instincts » (DURKHEIM, Pragmatisme et Sociologie, p.143); le Pragmatisme «nivelle tout » et ne reconnaît pas la prééminence de l'esprit.

D'autre part, comme toutes lesdoctrines empiristes, il méconnaît le problème du fondement de la connaissance : car il ramène le critère de la véritéà la réussite, critère extrêmement vague et purement positif qui en fait un simple « utilitarisme logique » (Ibid., p.153).

Pourquoi telle idée réussit-elle, tandis que telle autre ne réussit pas ? Il ne nous fournit sur ce point essentielaucune explication. 2° Enfin les théories contemporaines ou récentes, qui font appel à l'expérience immédiate pour résoudre le problèmemoral ou le problème gnoséologique, présentent assurément des affinités avec l'empirisme, a) II faut distinguer parmiles théories de l'expérience morale.

Une théorie comme celle de RAUX, qui fait de cette expérience une véritableexpérimentation et qui accorde un rôle capital à la raison, est fort loin de l'empirisme.

Au contraire, des théoriescomme celles de SCHELER ou, de nos jours, de GUSDORF s'en rapprochent davantage par le fait qu'elles mettentl'accent sur l'immédiateté ou sur le caractère vécu de cette expérience; b) Parmi les théories de la connaissance,on retrouve le même caractère dans les théories de l'intuition, que ce soit l'intuition bergsonienne ou l'intuitionphénoménologique.

Mais nous nous trouvons, en réalité, ici fort loin de l'empirisme, surtout dans le second caspuisque, chez HUSSERL, l'intuition des essences ne peut être atteinte qu'à la suite d'une « réduction » qui met entreparenthèses toutes les données empiriques. Discussion. Toutes ces théories ont cependant en commun avec l'empirisme la notion d'une expérience immédiate, c'est-à-dire d'une expérience qui ne devrait rien à l'expérience antérieure et qui ne serait à aucun degré mûrie,interprétée, réfléchie.

Or c'est là une illusion.

C'est ce que fait observer A.

DARBON à propos de l'expérience morale: « L'immédiat que nous pouvons atteindre n'est jamais un véritable immédiat...

Notre expérience est toujours uneexpérience pensée ».

C'est la même remarque que fait M.

PRADINES à propos des doctrines de l'intuition : «L'immédiat et le primitif est précisément ce qui ne peut jamais être donné, ayant servi à faire tout ce qui est donné;c'est ce qui ne peut jamais être un objet d'intuition ».

C'est enfin de la même façon qu'on a reproché à la prétendue« expérience directe » des phénoménologues d'exprimer, en réalité, pour l'essentiel, les « interprétations toutespersonnelles du sujet ».

En un mot, toutes ces doctrines méconnaissent, tout comme l'empirisme pur, l'activité del'esprit dans l'expérience.

— C'est pourquoi aussi, toujours comme l'empirisme, elles laissent échapper ce qu'il y a despécifique aussi bien dans la moralité que dans la connaissance de la vérité.

C'est ainsi que SCHELER se refuse àfaire une place spéciale aux valeurs morales, que GUSDORF nie toute différence de nature entre conscience moraleet conscience psychologique, voire « conscience biologique »; et L.

HUSSON (3 e Congrès des Soc.

de philosophie,1947, p.

169) remarque que la plupart des théories de l'expérience morale méconnaissent le caractère d'obligationdes valeurs et semblent juger impossible toute justification ultérieure de nos préférences : elles en viennent ainsi àune simple constatation de données à laquelle manque l'idée organisatrice d'une finalité, d'une destinée de l'être. »

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