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Qui est mon semblable ?

Publié le 18/03/2009

Extrait du document

Qui est mon semblable ?

  • Bien définir les termes du sujet :

 

- « Mon semblable « : littéralement, mon semblable est celui qui me ressemble, c’est un autre moi. Dans le langage philosophique, un tel être est appelé « Autrui «. Celui-ci est un autre moi, juridiquement reconnu mon égal, mais distinct de moi. C’est un « je « que je ne suis pas, une autre subjectivité.

- « Qui « : pose la question de l’identité.

 

  • Construction de la problématique :

 

            On pourrait croire que parce que nous sommes tous semblables, il nous suffit de nous connaître et de nous regarder pour connaître autrui. Or, c’est n’est pas le cas, et c’est exactement ce que cherche à mettre en évidence le sujet. En effet, même si tous les hommes semblent égaux du point de vue de leur constitution, il n’en reste pas moins qu’ils sont tous différents de par la subjectivité particulière qu’ils développent, chacun de leur côté. Du fait de leur conscience, les hommes peuvent donc cultiver une personnalité qui leur est propre, et de ce fait, la seule chose que je puis légitimement dire d’autrui, c’est qu’il a une conscience, une subjectivité, une pensée, mais le contenu de cette dernière reste opaque. Il y a donc malgré cette identité, une altérité, autrui est à la fois mon semblable et différent. 

            è Se pose donc la question de savoir en quoi consiste cette subjectivité qui fait de nous des êtres différents malgré une constitution semblable. Autrement dit, malgré nos similitudes, il est très difficile d’accéder à l’intériorité d’une conscience qui occupe sur elle-même et sur le monde un point de vue qui lui est propre, qui est différent du mien. Comment de ce fait est-il possible de caractériser cet être qui m’est semblable et qui peut pourtant m’apparaître parfois comme profondément étranger ?

  • I/ Mon semblable est avant tout un rival :
  • II/ Autrui me permet de me construire moi-même : 

  • III/ La relation à autrui permet la construction du monde et de l’humanité :

 

« semblable est avant tout un rival.

II/ Autrui me permet de me construire moi-même : Si mon semblable est un rival, on pourrait penser qu'il serait plus agréable de vivre sans lui, autrement dit,complètement seul.

Autrui serait ainsi considéré comme nuisible à mon bien-être.

Mais il peut sembler étrange quecette évidence ne soit pas devenue la norme.

En effet, si vivre seul est le seul moyen de parvenir au bonheur,pourquoi cherchons-nous à vivre en société ? Il semblerait en réalité que nous ne puissions pas nous passer d'autrui,il est nécessaire pour me permettre de garder mon intégrité : je me vois dans le regard d'autrui qui me donne uneimage de moi-même.

Mon semblable est ainsi celui m'aide à me construire comme tel, à définir mon identité.

● C'est ce que montre Michel Tournier dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique.

Lorsque l'homme seretrouve seul sur son île, il est tenté par l'animalité, la crasse – se rouler dans la boue – et le seul moyen pour yéchapper, pour rester un homme, consiste dans le fait d'écrire.

« Je sais ce que je risquerais en perdant l'usage dela parole, et je combats de toute l'ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance.

» Ecrire, c'est mettre sapensée sur papier, s'obliger à avoir un certain recul par rapport à elle, et donc entrer dans une sorte de dialogueavec soi-même.

Ce dialogue permet un recul par rapport au monde, une conscience de celui-ci, et évite ainsi desombrer dans la folie.

Autrui permet cette distance, il est celui qui, en imposant un nouveau point de vue, oblige àvoir le monde différemment et remettre en cause ma propre conception.

« Je mesure chaque jour ce que je lui [àautrui] devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice personnel.

[…]Les personnages […] constituentdes points de vue possibles, qui ajoutent au point de vue réel de l'observateur d'indispensables virtualités.

» ● Hegel va dans le même sens lorsqu'il montre dans Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiquesque j'ai besoin de me représenter autrui comme semblable à moi pour me construire et exister en tant que tel.

Mesjugements, mes émotions, n'ont de signification que si d'autres peuvent en être les témoins ou les garants, ce quisuppose qu'ils sont capables de porter les mêmes jugements ou d'éprouver les mêmes sensations que moi.

Hegelexplique dans ce texte que ma conscience de soi ne peut exister en tant que telle que si elle reconnaît l'existenced'autres consciences de soi.

Ce faisant, la conscience de soi perd pourtant sa liberté, c'est un processus nécessairede reconnaissance réciproque sans laquelle la constitution de soi comme sujet serait impossible.

Autrement dit, jen'existe comme sujet conscient, comme conscience de soi, que si un autre sujet conscient me reconnaît comme tel.« La conscience générale de soi est l'affirmative connaissance de soi-même dans l'autre moi […] de telle sorte quechacun se sait reconnu dans l'autre moi libre et qu'il le sait, à condition de reconnaître l'autre moi et de le savoirlibre.

» Exister, c'est donc s'affirmer face à l'autre.

Pour Hegel, l'affirmation de chacun passe par l'opposition àautrui.

C'est ce qu'il explique dans la Phénoménologie de l'Esprit.

J'ai besoin de quelqu'un qui reconnaisse monexistence, quelqu'un que je puisse affronter et qui reconnaisse de ce fait ma valeur « Ce qui pour elle [la consciencede soi] est autre chose, est, en tant qu'objet inessentiel, marqué du caractère négatif ».

Pour que cettereconnaissance soit viable, il faut que celui que j'affronte me soit égal, car la reconnaissance ne vaut rien si ellevient d'un individu que l'on considère comme inférieur.

Les deux individus cherchent à s'affirmer par la négationd'autrui : « accomplir l'un pour l'autre le mouvement de l'abstraction absolue, qui consiste à anéantir tout êtreimmédiat.

» Celui qui sortira vainqueur de cette confrontation, celui qui sera considéré comme ayant le plus devaleur, comme étant le meilleur, sera celui qui n'a pas peur de mourir.

Celui qui sera considéré comme faiblerenoncera au moment où il verra la mort, et l'autre sera considéré comme le meilleur.

Il lui faudra alors trouver unautre partenaire qui puisse affirmer sa supériorité – car quel mérite retire t-on d'être vu comme le meilleur par unindividu qui a peur de mourir, et qui est donc inférieur ? Autrui est donc ce qui me permet de me construire moi-même comme conscience.

III/ La relation à autrui permet la construction du monde et de l'humanité : Cet autrui, mon semblable qui me permet d'exister, de me construire, n'est pas uniquement un être osé audehors de moi et qui se contente de me regarder de loin.

Autrui est avant tout un être avec lequel j'entretiens desrapports, c'est un être avec lequel j'entre sans cesse en relation, notamment par le langage.

En effet, c'est grâce àautrui que je eux me constituer comme une subjectivité, mais c'est surtout grâce aux échanges que j'entretiensavec lui que je peux penser.

● C'est ce que pense Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception.

Tant qu'autrui ne parle pasou ne révèle pas sa capacité à communiquer, je le vois comme un objet, un corps : « Si j'ai affaire à un inconnu quin'a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sontpas dignes de figurer.

» Dans ce cas, je suppose qu'il me voit comme un objet, et cela ne m'est pas pénible tant queje ne sais pas qu'il est capable de communication.

« Le regard d'un chien sur moi ne me gêne guère.

» Autrementdit, pour Merleau-Ponty, le langage joue un rôle essentiel dans ma relation à autrui, surtout le dialogue, même si jepeux en retirer l'impression de perdre ma liberté.

En effet, dans le dialogue je vérifie qu'autrui m'est absolumentindispensable : mes pensées ne prennent vraiment forme que dans la confrontation avec celles d'au moins un demes semblables.

Ce semblable est alors dans la discussion un collaborateur, il y a une réciprocité, mais une fois ladiscussion terminée, autrui rentre dans son absence, il me reste présent, et est alors senti comme étant unemenace.

Autrement dit, autrui est toujours présent, même lorsqu'il est absent.

Le sage retiré du monde, seul, vit enréalité un dialogue, parce que le simple fait d'habiter le monde, d'avoir un point de vue suffit.

● Merleau-Ponty dans la préface de Signes confirme son propos en l'approfondissant.

En effet, la parole selon lui permet non seulement de connaître et d'éclaircir nos pensées, mais elle est en même temps une. »

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