qu'une société de vrais chrétiens pratiquant les vertus évangéliques ne saurait subsister durablement.
Publié le 21/10/2012
Extrait du document
«
de cinquate ans, des études diverses, une correspondance, forment une œuvre d' lwn nête lwmme plus que de véritable écrivain.
Cet « honnête lwmme », qui critiquait le style de Molière, n'est pas seulement un moraliste; moraliste, il l'est contre La
Rochefoucauld, puisqu'il réhabilite l'lwm me et les passions, d'une manière d'ail leurs toute laïque.
(« Aimez; les passions
nobles », seules sources de l'action, de la gloire).
Il repousse une morale qui ne soit pas une morale de l'action dans le monde.
S'éloignant ainsi de l'ataraxie,
idéal stoïcien, il se rapproche de l'esprit
du stoïcisme en définissant le bien comme « ce qui est estimable à l'égard de toute la terre », joignant par là Montesquieu
à ce que sera Kant.
Mais il est aussi philosophe : c'est
un systématique qui apporte, dans l'étude
de l'esprit, un idéal newtonien : «l'esprit étendu considère les êtres dans leurs rap ports mutuels ...
les réunit à leur source et dans un centre commun, et les met sous un même point de vue ».
La réalisation de cet enchaînement universel est entravée par la multiplicité des « types d'esprit ».
Il y a rapport inversement proportionnel
entre l'unité de l'esprit et l'étendue des connaissances (chère aux encyclopédistes);
rapport qui ne peut être nié que par
l'exception du génie, qui bouleverse l'ordre intellectuel, tout en s'éloignant
parfois de l'ordre moral : « Il y a de grandes qualités qui s'éloignent de la vertu »; la règle du héros de Vauve nargues, réunissant la gloire et l'esprit,
est fort proche de la règle même énoncée à propos du finalisme contre la recherche des causes finales : « Tout ce qui a de l'être a de l'ordre >>.
VOLTAIRE François-Marie
Arouet,
dit (1694-1778) On le sépare difficilement de sa légende, et cette légende tient toute dans son sou rire.
Il se moque du duc d'Orléans.
Mais il n'est pas permis de sourire : à la
Bastille! Le chevalier de Rohan-Chabot,
qui n'aime pas le sourire insolent de cet Arouet transformé en Monsieur de Voltaire, lui fait donner la bastonnade.
La Bastille une seconde fois.
Puis l'exil en Angleterre.
Il sourit encore, mais avec bienveillance, devant les Quakers, devant Shakespeare, ce barbare inspiré.
Il rit
à la face de Jeanne d'Arc, il ironise sur
Pascal, il tourne la Bible en dérision.
Il fait en souriant l'apologie du luxe et du plaisir.
La mode s'engoue de ce sourire.
Frédéric l'attirera à Berlin.
Mais ce grand prince apprendra à ses dépens qu'il n)> a pas loin du sourire à
la morsure.
Et Rousseau, parmi tant
d'autres, fera la même expérience :
dans ses moins bons moments, le satiriste
devient dénonciateur.
La terre tremble à Lisbonne, trente mille
personnes périssent.
Le sourire devient
sarcasme : qui ose encore prétendre que tout est bien? Qui ose encore parler du meilleur des mondes possibles? Tant de clwses vont mal ; mais nous pouvons en améliorer quelques-unes.
Au travail!
Ecrasons l'infâme! Confondons le fana tisme et l'intolérance ! Accablons de lwnte les juges qui condamnèrent Calas
et La Barre! .•• Le sourire vengeur se
creuse et se fige un peu.
Souvent le mot
pour rire tient lieu de dernier mot.
La
lutte veut cela.
A vrai dire, Voltaire eût
pu mettre sa gloire à profit pour finir ses jours dans l'inaction.
Mais il prifère les dangers et la comédie d'une demi clandestinité; il se met en situation
d'échapper à toutes les persécutions et vient régner à Ferney, lieu-frontière entre deux Etats et deux religions.
Toute
l'Europe accourra en pèlerinage.
Elle a fait son idole de ce pourfendeur d'idoles,
elle vient adorer cette mâclwire, ces rides, ces yeux souriants.
Il paraît immor tel, et se croit toujours mourant.
Mais le jour vient où Paris l'accueille en triomphe.
Il assiste à son apothéose; on couronne son buste sur la scène de la Comédie-Française.
Devenu écrivain offi ciel, il n'a plus de puissants contre qui
sourire, et par conséquent il meurt, âgé de quatre-vingt-trois ans, le 30 mai 1 778.
Mais, chemin faisant, il a imposé
Locke et Newton aux Français.
Dans
l'Essai sur les Mœurs, il a rompu avec la traditionnelle histoire des princes
et des guerres, pour lui opposer cette nouveauté : l'histoire de la culture et de la
civilisation.
Il a affirmé le progrès de l'humanité, tout en proclamant l'unité
permanente et l'universalité de l'esprit
humain : contradiction sensible, mais
qui invite à réfléchir...
Il a soutenu que tout se fait nécessairement dans
l'univers.
Mais il n'a pu accepter la présence du mal, et, pour l'expliquer, il n'a pu accepter non plus l'idée du péché originel.
Que croire? Qu'on ne peut rien croire.
Micromégas promet de révéler « le bout des clwses », mais son livre est
tout blanc.
Seulement cette blancheur en dit encore trop long.
Voltaire n'est pas
sceptique par principe.
Il est celui qui,
devant toute affirmation, et même celle du livre blanc, dit encore Mais, à la
façon de Zadig.
« Comme il disait Mais, l'ange prenait déjà son vol vers la
dixième sphère.
»
JEAN STAROB1NSK1
DIDEROT Denis (1713-1784)
L'expérience! Avec son siècle, à partir de Hobbes et de Locke, Diderot ne cesse d'invoquer ce qui peut tomber sous le sens comme seul principe de connaissance valable.
Il s'agit là, bien entendu, d'un
idéal, d'une philosophie, plus que d'une métlwde réellement appliquée.
Cette notion
d'expérience devait exclure la considé ration des causes et des substances :
l'ontologie métaphysique.
Elle n' em pêche pas Diderot d'opter pour le maté rialisme.
Dans l'espace absolu, la matière, partout
présente,
se distribue, non en atomes, qui
supposent le vide, mais en corpuscules ou molécules.
Ce n'est pas le mécanisme
corpusculaire de Descartes.
La matière ne se réduit pas à l'étendue lwmogène et
uniforme : elle implique la force, ses molécules sont hétérogènes, il n'en est
pas deux identiques.
Un dynamisme, donc, plus proche de Leibniz; que de Des cartes.
Et un vitalisme, sans doute.
De
la pierre à l'homme, la Nature doit
être une.
Diderot fait de la sensibilité
tantôt une propriété inhérente à la force moléculaire
- ainsi la perception, dans la monade, ne se sépare pas de l'appéti tion - tantôt la conséquence de l' orga nisation
(résultant elle-même d'une com position des forces primitives).
En tout
cas, les instincts qui différencient les espèces dépendent de l'organisation.
Parmi ces instincts : la raison.
Elle n'est appa rue, dans l'évolution de l'espèce, qu'avec une infinité d'expériences ancestrales pas sées en habitudes et, ces habitudes, en instinct, dans la nuit de l'inconscient.
La
raison peut changer encore.
D'ailleurs, si son origine est biologique, son déve loppement n'est possible que dans et par une société qui lui en offre les loisirs.
L' lwmme n'est pas tombé par accident
dans la vie sociale, il ne s'est élevé à
la raison que par elle, elle lui est conna turelle.
De même qu'un tout organique
est un consensus de tendances où chaque organe a son intérêt propre, de même la
société, harmonisant les tendances indi viduelles, qui cherchent leur satisfaction dans le bonheur, devrait subordonner les
intérêts privés à l'intérêt général.
Il fau drait donc que l'intérêt commandât le droit civil, politique et pénal.
Par malheur, trop de conventions, nées de l'ignorance, ont perverti les règles naturelles de la
société.
D'où le fanatisme religieux,
l'esclavage de la pensée, l'inégalité par
la loi, les injustices de l'impôt, la mau vaise organisation du commerce, l'absur dité d'un enseignement sans rapport avec les exigences techniques du présent, etc.
Le remède? Pour Diderot, un libéra lisme éclairé.
En morale, l'expérience - ici, comme partout, synonyme de la nature - enseigne un naturalisme utilitaire.
Egoïsme et
cruauté, voilà, semble-t-il, le fonds
primitif.
C'est que le bon et le mauvais,
variables selon la constitution des êtres, se définissent d'abord par l'utile à l'es pèce et à l'individu : l'amour-propre
est principe de conservation, la cruauté
exprime l'énergie, principe d'expansion.
Plaisir,
douleur règlent nos premières démarches.
Cependant, par notre nature
sociale, le bon et le mauvais sont changés en bien et en mal.
Grâce à « je ne sais
quelle singerie des organes », la sympa thie élève l'amour-propre à l'intérêt
général et fait de l'énergie vitale un
facteur de progrès.
Ce n'est pas un Dieu
illusoire, c'est la société qui nous laisse
entrevoir une morale universelle sans
transcendance, sans innéité, patiemment
conquise et apprise dans le mouvement même de l'évolution sociale.
Cette dernière n'est pas fatale.
Elle est nécessaire.
Diderot veut dire : soumise, comme tout, au déterminisme.
Nous n'avons pas besoin du libre-arbitre, cette chimère.
La
liberté consiste à découvrir, utiliser les lois de la nature et de notre nature pour
promouvoir, par la science et par la
politique, le progrès moral.
En art également, il faut imiter la
nature.
Le génie est une création de la vie.
Le beau a l'unité d'un organisme et il se place sous le principe de l'utile :
mais, comme l'énergie vitale peut s' exal ter en cruauté, le beau s'exalte parfois au sublime, par delà les plaisirs du goût, jusqu'à « quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage » qui dénonce.
»
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