Devoir de Philosophie

REMARQUES SUR L'ACCES A LA PENSÉE DE MARTIN HEIDEGGER : "SEIN UND ZEIT"

Publié le 10/02/2015

Extrait du document

heidegger

Umwelt, c'est la méthode, c'est le chemin pour trouver accès au phénomène du monde. Mais non. Dès le début l'écriture s'infléchit, suit une rupture. Elle ne parle pas tout simplement de trouver accès au phénomène, mais de trouver l'issue pour l'accès : « la bonne issue phénoménale ...pour l'accès au phénomène de la mondialité «. Un peu d'attention, pour ainsi dire montagnarde, à ce qui relie cet étrange Ausgang fur Zugang d'une part aux indications méthodologiques du contexte immédiat, d'autre part à nos remarques sur la circularité du chemin, doit nous conduire

La césure est pour Feuerbach celle qui se produit à la profondeur où nous avons notre « coeur «. Cette profondeur immédiatement posée comme celle à laquelle la philosophie ne descend pas est aussi immédiatement désignée comme « religieuse «. « Religieux « signifie seulement ici le « niveau « où l'histoire se fait originellement, le niveau de l'historicité de l'histoire. La césure elle-même est le résultat de l'irruption de cette historicité en tant que telle dans l'histoire, c'est pour ainsi dire l'apparition de notre coeur. Dans son appa­rition cependant notre coeur apparaît comme sa propre absence : que nous n'avons plus de coeur, et donc plus d'his­toire, est en effet ce qui apparaît lorsqu'il apparaît que le « religieux « disparaît.

Devant quoi cependant le « religieux « (le « christianisme «) disparaît-il ainsi? Devant l'apparition du « politique «. C'est sous la forme du politique que désormais se soulève et que surgit (en provoquant la cassure de notre histoire) l'historicité fondamentale elle-même à laquelle la philo­sophie n'atteint jamais.

Regardons cependant attentivement ici ce qu'est pour Feuerbach le « politique «. Le politique est l'unité autonome, absolument fondée sur elle-même, d'un monde des hommes au sein duquel chaque homme, dans son rapport avec autrui et avec la nature, resterait auprès de lui-même dans la pure présence à soi. La considération de l'homme comme citoyen (Bürger) d'un « monde « déterminé par la présence originelle à soi, c'est-à-dire par la subjectivité comme être de l'homme — une telle considération est celle qui définit

le plus proprement la « philosophie «. Elle est la philosophie elle-même telle qu'elle apparaissait à Kant « sous sa dimen­sion cosmopolitique « (in weltbürgerlicher Absicht).

Ainsi l'apparition du niveau de l'historicité elle-même dans notre histoire et comme césure de celle-ci marque-t-elle en vérité l'apparition du philosophique comme constituant l'essence de cet « Avenir « à partir duquel pense uniquement la pensée de Feuerbach. La métaphysique règne ainsi déjà dans cet en-deçà ou cet autre de la philosophie où Feuerbach tente de prendre pied, et même elle en fournit toute la déter­mination. Cette permanence, ou plutôt cette ubiquité du philosophique, est plus profonde que toute la tentative de la pensée pour faire apparaître « le concret «, et d'autant plus profonde qu'elle se fait elle-même oublier.

 

Peu importe alors que la philosophie, sous la forme de celle de Hegel, reçoive sa critique en tant que critique de son « commencement «. Feuerbach montre pourtant bien que dans son commencement, que ce soit celui de la Logique ou, aussi bien, celui de la Phénoménologie, la philosophie hegelienne « commence avec elle-même « et non avec le « concret « (l'histoire, la vie, le sensible, le besoin); il montre bien qu'entièrement passée dans la forme de son exposition, la philosophie des modernes éloigne la pensée de la présence originelle à soi-même qui est sa matière, c'est-à-dire son étoffe et sa subsistance mêmes, et qui doit se retrouver aussi dans la matière que la forme spéculative a d'avance ignorée ou réduite : l'ici et le maintenant réels, et d'une façon générale l'être déterminé qui ne passe pas dans le néant. Cependant une telle critique de la philosophie par son commencement oppose simplement l'exposition philoso­phique à l'essence du philosophique, c'est-à-dire à l'être comme pure présence (et, puisqu'il s'agit ici plus propre­ment du philosophique moderne, à l'être comme pure présence à soi de l'être de l'homme). La nature du « poli­tique « et l'âme de l' « Avenir « sont l'irruption du méta­physique comme tel.

« Die methodische Anweisung hierfür (c'est-à-dire : pour gagner l'issue-pour-l'-accès) wurde schon gegeben. Das in-der-Welt-sein und sonach auch die Welt sollen im Horizont der durschnittlichen Alltiiglichkeit als der nâch-sten Seinsart des Da-seins zum Thema werdenl. « La méthode semble donc bien consister à prendre un point de départ existential, par opposition à tout point de départ subs(is)tantial, lequel est responsable du fait que toute ontologie jusqu'ici das Phiinomen der Weltlichkeit überspringt : « saute le phénomène de la mondialité «. Nous voici donc renvoyés apparemment à un concept classique de la méthode comme décision de principe, attitude fondamentale dans laquelle on se « place «, etc. La même apparence se renforce du recours, ici bien manifeste, à un sol primitif antérieur à toute élaboration déjà philosophique : qu'est-ce d'autre en effet que recouvre l'expression die nâchste Seinsart des Daseins? Ce « plus proche « signifie couramment : qui est le plus immédiate­ment donné, qui tombe sous la main. Il s'agirait donc tout simplement de changer d'horizon ontologique par rapport à toute la métaphysique, afin de ne plus manquer un « phé­nomène « fondamental que toute la tradition a « sauté « (le phénomène du monde), et ce sur une base phénoménolo­gique au sens husserlien, c'est-à-dire sur la base d'un donné incontournable et immédiatement accessible.

 

Mais ces deux derniers mots nous arrêtent. Car l'immédia-tement accessible husserlien ne Pest cependant qu'au sein de la « réduction s, c'est-à-dire dans la réflexion absolue (réflexion de la conscience et réflexion à la conscience : réflexion de la conscience à elle-même, le Bewusstsein étant comme chez Hegel à la fois l'objet, le sujet et l'élément de la réflexion 2). Au contraire la niichste Seinsart des Daseins ignore absolument la réduction à la conscience et pour cette

heidegger

« 174 LA PHILOSOPHIE Ir sophie " de plus : elle n'appartient plus du tout à la méta­ physique.

Elle n'appartient cependant pas non plus à l'une de ces dimensions connues déjà de nous et qui, dans l'histoire occidentale, se sont trouvées à plusieurs reprises «en rapport >l avec la métaphysique : la religion, ou l'art, ou l'histoire.

La pensée de Heidegger n'appartient plus du tout à la métaphysique, et pourtant elle n'appartient à rien d'autre.

Elle est tout entière tournée vers la métaphysique, comme ces :figures de l'f:gypte qui avancent généralement le cou tourné et le regard derrière elles.

A quel avenir répond cependant leur marche, et le présent que leurs mains déjà offrent, à quel Dieu? Leur sagesse semble être de laisser de telles questions aux humains.

Cette tranquille énigme ne peut cependant qu'augmenter dans nos esprits la folie de « savoir ».

Folie qui reste folie, non seulement parce que l'avenir d'où provient la pensée heideggerienne reste caché, mais parce que plus caché encore et plus inassignable est le lien qui nécessairement attache cet avenir au regard-en-arrière.

Heidegger pense à partir d'un sens de l'être qui tantôt s'appelle« Monde» et tantôt« Différence», et tantôt encore de quelques-uns de ses autres noms, mais qui est toujours «plus ancien » que le sens métaphysique.

Non pas qu'il soit un sens archaïque, subsistant dans le passé comme Sumer, et que la métaphysique aurait recouvert, et qu'enfin la tâche d'aujourd'hui consisterait à exhumer.

S'il. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles