Umwelt, c'est la méthode, c'est le chemin pour trouver accès au phénomène du monde. Mais non. Dès le début l'écriture s'infléchit, suit une rupture. Elle ne parle pas tout simplement de trouver accès au phénomène, mais de trouver l'issue pour l'accès : « la bonne issue phénoménale ...pour l'accès au phénomène de la mondialité «. Un peu d'attention, pour ainsi dire montagnarde, à ce qui relie cet étrange Ausgang fur Zugang d'une part aux indications méthodologiques du contexte immédiat, d'autre part à nos remarques sur la circularité du chemin, doit nous conduire
La césure est pour Feuerbach celle qui se produit à la profondeur où nous avons notre « coeur «. Cette profondeur immédiatement posée comme celle à laquelle la philosophie ne descend pas est aussi immédiatement désignée comme « religieuse «. « Religieux « signifie seulement ici le « niveau « où l'histoire se fait originellement, le niveau de l'historicité de l'histoire. La césure elle-même est le résultat de l'irruption de cette historicité en tant que telle dans l'histoire, c'est pour ainsi dire l'apparition de notre coeur. Dans son apparition cependant notre coeur apparaît comme sa propre absence : que nous n'avons plus de coeur, et donc plus d'histoire, est en effet ce qui apparaît lorsqu'il apparaît que le « religieux « disparaît.
Devant quoi cependant le « religieux « (le « christianisme «) disparaît-il ainsi? Devant l'apparition du « politique «. C'est sous la forme du politique que désormais se soulève et que surgit (en provoquant la cassure de notre histoire) l'historicité fondamentale elle-même à laquelle la philosophie n'atteint jamais.
Regardons cependant attentivement ici ce qu'est pour Feuerbach le « politique «. Le politique est l'unité autonome, absolument fondée sur elle-même, d'un monde des hommes au sein duquel chaque homme, dans son rapport avec autrui et avec la nature, resterait auprès de lui-même dans la pure présence à soi. La considération de l'homme comme citoyen (Bürger) d'un « monde « déterminé par la présence originelle à soi, c'est-à-dire par la subjectivité comme être de l'homme — une telle considération est celle qui définit
le plus proprement la « philosophie «. Elle est la philosophie elle-même telle qu'elle apparaissait à Kant « sous sa dimension cosmopolitique « (in weltbürgerlicher Absicht).
Ainsi l'apparition du niveau de l'historicité elle-même dans notre histoire et comme césure de celle-ci marque-t-elle en vérité l'apparition du philosophique comme constituant l'essence de cet « Avenir « à partir duquel pense uniquement la pensée de Feuerbach. La métaphysique règne ainsi déjà dans cet en-deçà ou cet autre de la philosophie où Feuerbach tente de prendre pied, et même elle en fournit toute la détermination. Cette permanence, ou plutôt cette ubiquité du philosophique, est plus profonde que toute la tentative de la pensée pour faire apparaître « le concret «, et d'autant plus profonde qu'elle se fait elle-même oublier.
Peu importe alors que la philosophie, sous la forme de celle de Hegel, reçoive sa critique en tant que critique de son « commencement «. Feuerbach montre pourtant bien que dans son commencement, que ce soit celui de la Logique ou, aussi bien, celui de la Phénoménologie, la philosophie hegelienne « commence avec elle-même « et non avec le « concret « (l'histoire, la vie, le sensible, le besoin); il montre bien qu'entièrement passée dans la forme de son exposition, la philosophie des modernes éloigne la pensée de la présence originelle à soi-même qui est sa matière, c'est-à-dire son étoffe et sa subsistance mêmes, et qui doit se retrouver aussi dans la matière que la forme spéculative a d'avance ignorée ou réduite : l'ici et le maintenant réels, et d'une façon générale l'être déterminé qui ne passe pas dans le néant. Cependant une telle critique de la philosophie par son commencement oppose simplement l'exposition philosophique à l'essence du philosophique, c'est-à-dire à l'être comme pure présence (et, puisqu'il s'agit ici plus proprement du philosophique moderne, à l'être comme pure présence à soi de l'être de l'homme). La nature du « politique « et l'âme de l' « Avenir « sont l'irruption du métaphysique comme tel.
« Die methodische Anweisung hierfür (c'est-à-dire : pour gagner l'issue-pour-l'-accès) wurde schon gegeben. Das in-der-Welt-sein und sonach auch die Welt sollen im Horizont der durschnittlichen Alltiiglichkeit als der nâch-sten Seinsart des Da-seins zum Thema werdenl. « La méthode semble donc bien consister à prendre un point de départ existential, par opposition à tout point de départ subs(is)tantial, lequel est responsable du fait que toute ontologie jusqu'ici das Phiinomen der Weltlichkeit überspringt : « saute le phénomène de la mondialité «. Nous voici donc renvoyés apparemment à un concept classique de la méthode comme décision de principe, attitude fondamentale dans laquelle on se « place «, etc. La même apparence se renforce du recours, ici bien manifeste, à un sol primitif antérieur à toute élaboration déjà philosophique : qu'est-ce d'autre en effet que recouvre l'expression die nâchste Seinsart des Daseins? Ce « plus proche « signifie couramment : qui est le plus immédiatement donné, qui tombe sous la main. Il s'agirait donc tout simplement de changer d'horizon ontologique par rapport à toute la métaphysique, afin de ne plus manquer un « phénomène « fondamental que toute la tradition a « sauté « (le phénomène du monde), et ce sur une base phénoménologique au sens husserlien, c'est-à-dire sur la base d'un donné incontournable et immédiatement accessible.
Mais ces deux derniers mots nous arrêtent. Car l'immédia-tement accessible husserlien ne Pest cependant qu'au sein de la « réduction s, c'est-à-dire dans la réflexion absolue (réflexion de la conscience et réflexion à la conscience : réflexion de la conscience à elle-même, le Bewusstsein étant comme chez Hegel à la fois l'objet, le sujet et l'élément de la réflexion 2). Au contraire la niichste Seinsart des Daseins ignore absolument la réduction à la conscience et pour cette