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Sadi Carnot

Publié le 26/02/2010

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Lazare Carnot était, en 1796, au sommet de sa carrière. Seul, il avait géré pendant près de quatre années les finances de la France en guerre, organisé son armée, fourni des plans de campagne, choisi et poussé des généraux vainqueurs. Silencieux, sans amis, il avait survécu aux pires attaques. Pendant les mauvais soirs de la Terreur et de Thermidor il avait, par délassement, commencé d'écrire ses Réflexions sur la Métaphysique du Calcul Infinitésimal. Le livre venait de s'imprimer à Paris. Lazare Carnot était Directeur, coiffé de plumes, habillé de velours et d'or. Il vivait au Luxembourg ; c'est là, le 1er juin, que naquit Nicolas-Léonard-Sadi. Lazare, déiste convaincu, n'accepta les deux premiers prénoms que sur les instances de sa femme. Le troisième est de lui ; c'est un hommage au vieux Persan lyrique et élégiaque (nous orthographions aujourd'hui son nom Saadi), que le Directeur admirait dans ses moments d'effusion cachée. L'enfant ne connut point le cadre somptueux du Petit-Luxembourg : il n'avait que treize mois quand le coup d'État de Fructidor en chassa sa famille. Lazare partit seul pour l'Allemagne ; l'enfant et sa mère revinrent à Saint-Omer, où les parents de Mme Carnot vivaient encore, ils y attendirent la fin du temps de disgrâce : il ne dura pas trop. Ayant affermi son pouvoir, le Premier Consul put accepter la présence en France du plus pur des républicains. Joséphine de Beauharnais qui aimait l'enfance et les enfants eut Sadi à la Malmaison. L'enfant était vif, audacieux, curieux. La tradition conserve ses remontrances à Napoléon, ses questions adressées un jour au meunier voisin sur le fonctionnement de son moulin.

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« journées.

On le voit danser, patiner même : non pour devenir bon danseur, mais pour être souple et pour étudier parle menu la technique de la chose ; ainsi de l'escrime, ainsi de l'équitation, ainsi sans doute de la musique.

Il ne joueque du violon, mais mieux que bien.

Il a pourtant des penchants, des préférences que son éclectisme veut masquermais ne supprime pas : il aime la musique de Corelli et de Viotti, et dans ses lectures immenses, il revient sans cesseà La Fontaine, à Molière, à Pascal. On le trouve partout où l'on traite des choses de l'esprit ; au Collège de France, à la Sorbonne, à l'École des Mines,au Muséum, au Conservatoire des Arts et Métiers où il hante le laboratoire de Desormes.

Il fréquente les courslittéraires comme les conférences scientifiques.

Sa dispersion méthodique n'admet aucun lien : Sadi Carnot ne sefixe pas et ne veut pas se fixer.

S'il pénètre dans un laboratoire, il ne s'y installe point ; on ne le voit pas poursuivredes expériences méthodiques et longues : son système de vie ne le lui permet pas. A deux reprises pourtant cette exploration du savoir humain s'arrêtera un peu.

Deux fois il se fixera longuement surle même sujet.

En 1823, il semble avoir passé une année à réfléchir sur la chaleur et sa transformation en travailutilisable.

Le résultat de cette méditation tient dans un opuscule qu'il fit éditer à ses frais chez le libraire Bachelier :c'est le livret de soixante-quatre pages qui porte en titre Réflexions sur la puissance motrice du feu, tiré en 1824 àdeux cents exemplaires...

Une seconde fois, après 1830, il revient sur son ouvrage ; il le sait incomplet etcommence une série de recherches théoriques sur les propriétés des gaz et des vapeurs.

Tout ce qui nous en restetient dans les quelques feuillets jaunis d'un petit carnet de notes aux pages quadrillées ; des pensées en désordre,des sujets d'expérience parmi lesquels beaucoup qu'il n'eut pas le temps de faire ; quelques figures tracées aucrayon dans la marge.

On n'a connu ce carnet que très tard : le fac-similé publié par l'Académie des Sciences estde 1907. En juin 1832, Sadi fut atteint d'une scarlatine grave.

Convalescent fin juillet, il eut une rechute qui dégénéra en cequ'on appelait alors une fièvre cérébrale.

Il se rétablit pourtant, mais il était à peine debout que débutait à Paris lagrande épidémie de choléra de l'été 1832.

L'esprit d'investigation de Sadi Carnot le perdit.

Il voulut se rendre comptepar lui-même des progrès et de la marche de la maladie : elle le gagna.

Le 24 août 1832, à l'âge de trente-six ans,Sadi Carnot mourut.

Avec lui disparaissait un idéal que bien des polytechniciens d'hier et d'aujourd'hui reconnaissentpour leur. Le carnet de notes de 1831 contient un énoncé très clair, quoique implicite, du principe de l'équivalence de lachaleur et du travail : “...

d'après les quelques idées que je me suis formées sur la chaleur, la production d'une unitéde puissance motrice représente la destruction de 2,7 unités de chaleur." La phrase est capitale ; mais l'histoire diraque, restée ignorée comme les recherches de Cavendish sur l'électricité, elle souligne le génie particulier de sonauteur sans servir à l'avancement de la science.

Le petit livre de 1824 exprime pour la première fois le deuxièmeprincipe de la Thermodynamique, auquel chacun donne aujourd'hui son nom.

L'homme qui ne voulait pas sespécialiser a fondé une science nouvelle, universelle en effet, mais qu'il faut être spécialiste pour bien comprendre. Quelles circonstances l'ont dirigé dans cette voie ? La machine à vapeur était née depuis peu, des mains de Watt,sous sa forme quasi définitive ; peu répandue en Europe jusqu'à la fin de l'épopée napoléonienne, les machinesnouvelles se multiplièrent dès 1800, causant l'admiration et la curiosité universelle.

Sadi Carnot, là comme ailleurs, ad'abord voulu s'instruire. Il est évident aujourd'hui pour nous que la machine à vapeur transforme en énergie mécanique de la chaleur fourniepar son foyer.

Il n'en était nullement de même à l'époque : les discussions sur le phlogistique étaient à peine closeset l'on ne soupçonnait guère la vraie nature de ce qu'on appelait toujours le fluide calorique.

Avant Sadi Carnot,deux hommes seulement paraissent s'être occupés passagèrement des rapports entre la chaleur et le mouvement,Humphrey Davy et cet étrange Yankee qui s'appelait Benjamin Thompson et qu'on vit un jour paraître à Londrescomme ambassadeur du roi de Bavière sous le nom pompeux de comte Rumford.

C'est peu de dire que l'ignoranceétait complète sur ce sujet : la plupart des savants ne soupçonnaient pas même qu'il y eût là quelque chose àconnaître. Dans un tel climat, il ne pouvait être question de faire une théorie du fonctionnement de la machine à vapeur : lesmécanismes seuls de l'engin retenaient l'attention des inventeurs.

James Watt fut d'abord guidé par desconsidérations pratiques et économiques ; il a créé les machines modernes en recherchant d'abord l'économie ducombustible, puis l'obtention d'un mouvement de rotation.

Le premier mérite de Sadi est d'avoir aperçu l'existence duproblème. Le second est dans la manière dont il l'a abordé.

Elle caractérise l'homme et son ascendance.

Les démarches de lapensée de Sadi au cours de ces recherches de 1823 sont calquées sur celles de Lazare composant cinquante ansauparavant son livre fondamental, Principes généraux de l'Équilibre et du Mouvement.

Le premier Carnot étudiait lesrègles de fonctionnement des machines mécaniques : le fils écrit un chapitre final sur les machines à feu.

Lazare necommence l'étude du mouvement qu'après avoir épuisé l'examen des conditions d'équilibre d'un système : Sadi faitde même.

Le père considère tout mouvement mécanique comme le retour à un équilibre rompu ; le fils écrit : "Laproduction du mouvement dans les machines à feu est toujours accompagnée d'une circonstance sur laquelle nousdevons attirer l'attention.

Cette circonstance est le rétablissement de l'équilibre du calorique, c'est-à-dire sonpassage d'un corps A où la température est la plus élevée, à un corps B où la température est la plus basse." La filiation de méthode est flagrante ; elle est voulue : le livre du fils est un monument à la gloire de la pensée du. »

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