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Sartre: L’artiste transforme et invente

Publié le 05/10/2018

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L’artiste transforme et invente

 

Il y a le vert, il y a le rouge, c’est tout ; ce sont des choses, elles existent par elles-mêmes. Il est vrai qu’on peut leur conférer par convention la valeur de signes. Ainsi parle-t-on du langage des fleurs. Mais si, après accord, les roses blanches signifient pour moi « fidélité », c’est que j’ai cessé de les voir comme roses : mon regard les traverse pour viser au-delà d’elles cette vertu abstraite ; je les oublie, je ne prends pas garde à leur foisonnement mousseux, à leur doux parfum croupi ; je ne les ai pas même perçues. Cela veut dire que je ne me suis pas comporté en artiste. Pour l’artiste, la couleur, le bouquet, le tintement de la cuiller sur la soucoupe sont choses au suprême degré ; il s’arrête à la qualité du son ou de la forme, il y revient sans cesse et s’en enchante ; c’est cette couleur objet qu’il va transporter sur sa toile et la seule modification qu’il lui fera subir c’est qu’il la transformera en objet imaginaire. Il est donc le plus éloigné de considérer les couleurs et les sons comme un langage. Ce qui vaut pour les éléments de la création artistique vaut aussi pour leurs combinaisons : le peintre ne veut pas tracer des signes sur la toile, il veut créer une chose.

 

Sartre

QUESTIONS

 

1. Dégagez la thèse de Sartre en indiquant ce qui caractérise pour lui le langage.

 

2. Expliquez :

 

a. « Pour l’artiste, la couleur, le bouquet, le tintement de la cuiller sur la soucoupe sont choses au suprême degré. »

 

b. « [...] le peintre ne veut pas tracer des signes sur la toile, il veut créer une chose. »

 

3. Un langage de l’art est-il inconcevable ? Argumentez et développez votre réponse.

QUESTION 1

 

Le véritable artiste ressemble à Rimbaud : il est visionnaire, voyant, dans le sens qu’il donne son existence au monde, qu’il l’opacifie, le rend pesant. Non pas d’une lourdeur qui entrave la pensée, le regard, mais au sens que le monde prend vraiment sa place, qu’il prend son importance, qu’il se montre et s’installe. Comment ? à la fois concrètement et symboliquement mais pas conventionnellement.

 

Le langage est une convention : il sert à « viser au-delà » des choses, abstraitement. Lorsqu’on parle du langage des fleurs, c’est qu’on a oublié la fleur. Les conventions permettent de s’accorder et de communiquer. Mais le langage, qu’il soit des fleurs ou qu’il soit la langue française, oublie le concret, les choses qui habitent le monde et sont le monde. Le langage ne nous donne des choses que leur transparence, leur absence. Il remplace les choses. Au fond, le langage appauvrit le réel ou du moins il reflète notre vision plate, sans intérêt, de la réalité : on oublie le « foisonnement mousseux » des fleurs, leur subtilité. Seul l’artiste voit les choses concrètes : c’est pourquoi il sait les transformer et leur donner toutes leurs forces.

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« RÉAGIR •Mots clés • conférer: accorder en vertu d'une autorité; attribuer, donner.

• convention : accord, entente, protocole.

• signe : du latin signum, « marque, signe ».

On peut distinguer : - Les signes naturels : tout ce qui évoque un phénomène non perçu et permet de le reconnaître, tout ce qui dépend des seules lois de la nature, comme la fumée est signe du feu.

- Les signes conventionnel ou artificiels : ils permettent d'évoquer un élément absent, une idée, tel 7t, signe du rapport de la circonférence du cercle à son diamètre.

- Les signes linguistiques : éléments d'un système de communication purement conventionnel et ayant un sens.

• langage : fonction d'expression verbale de la pensée.

Le langage appa­ raît comme une institution culturelle universelle.

C'est la faculté de com­ muniquer la pensée par un système de signes et par le moyen de la langue associée à la parole.

La langue est un ensemble de conventions adoptées par le corps social.

• vertu: qualité, propriété d'une chose.

• abstraite : détachée de.

L'abstraction est une opération intellectuelle qui consiste à isoler un élément à l'exclusion des autres, dont on fait alors abstraction.

• imaginaire: qui n'existe que dans l'imagination, qui est sans réalité.

• Idée directrice Le peintre est créateur : il imagine et voit ce que les autres ne voient pas.

C'est un voyant.

• Structure du texte • «Il y a le vert[ ...

] en artiste ».

Dans la vie courante, on ignore généralement les choses qui nous entourent.

Elles sont là, posées, sans fondement.

On les ignore.

Elles sont transparentes.

C'est le monde de l'homme qui n'est pas un artiste.

• « Pour l'artiste [ ...

] une chose ».

Au contraire, l'artiste donne consistance au monde.

Le monde n'est plus transparent.

Il est imaginaire : l'artiste nous le fait comprendre sym­ boliquement.. »

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