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Sartre, Situations philosophiques, « La liberté cartésienne »

Publié le 11/04/2012

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sartre

« Un homme ne peut être plus homme que les autres, parce que la liberté est semblablement infinie en chacun. En ce sens, nul n'a mieux montré que Descartes la liaison entre l'esprit de la science et l'esprit de la démocratie, car on ne saurait fonder le suffrage universel sur autre chose que sur cette faculté universellement répandue de dire non ou de dire oui Et sans doute nous pouvons constater entre les hommes beaucoup de différence : l'un aura la mémoire plus vive, l'autre l'imagination plus étendue, celui-ci mettra plus de promptitude à comprendre, celui-là embrassera un champ de vérité plus large. Mais ces qualités ne sont pas constitutives de la notion d'homme: il faut y voir des accidents corporels. Et ce qui nous caractérise comme créature humaine, c'est seulement l'usage que nous faisons librement de ces dons. li n'importe point en effet que nous ayons compris plus ou moins vite, puisque la compréhension, de quelque manière qu'elle nous vienne, doit être totale chez tous ou ne pas être. Alcibiade et l'esclave, s'ils comprennent une même vérité, sont entièrement pareils en ceci qu'ils la comprennent. De la même façon, la situation d'un homme et ses pouvoirs ne sauraient accroître ou limiter sa liberté. Descartes a fait ici, après les stoïciens, une distinction capitale entre la liberté et la puissance. Être libre, ce n'est point pouvoir faire ce que l'on veut, mais c'est vouloir ce que l'on peut. «

sartre

« la liaison entre l'esprit de la science et l'es prit de la démocratie, car on ne saurait fonder le suffrage universel sur autre chose que sur cette faculté universellement répandue de dire non ou de dire oui Et sans doute nous pouvons constater entre les hommes beaucoup de différence : l'un aura la mémoire plus vive, l'autre l'imagination plus étendue, celui-ci mettra plus de promptitude à comprendre, celui-là embrassera un champ de vérité plus large.

Mais ces qualités ne sont pas constitutives de la notion d'homme: il faut y voir des accidents corporels.

Et ce qui nous caractérise comme créature humaine, c'est seulement l' usage que nous faisons librement de ces dons.

li n'importe point en effet que nous ayons compris plus ou moins vite, puisque la compréhension, de quelque manière qu'elle nous vienne, doit être totale chez tous ou ne pas être.

Alcibiade et l'esclave, s'ils comprennent une même vérité, sont entièrement pareils en ceci qu'ils la comprennent.

De la même façon, la situation d'un homme et ses pouvoirs ne sauraient accroître ou limiter sa liberté.

Descartes a fait ici, après les stoïciens, une distinction capitale entre la liberté et la puissance.

Être libre, ce n'es t point pouvoir faire ce que l'on veut, mais c'est vouloir ce que l'on peut. >> La portée de l'œuvre d'un philosophe, évaluée par un autre philo­ sophe.

Sartre convoque Descartes pour penser la liberté humaine et dire en quel sens cette liberté doit faire d'un homme l'égal de tout autre.

Il s'agit sans doute d'un idéal, reconduisant à l'égalité essentielle de tous les hommes dans ce pouvoir de distance et de compréhension que représente l'indépendance de l'esprit à l'égard des situations.

La variation de celles-ci - esclavage ou condition d'homme libre - ne doit pas affecter cette indépendance.

Pourtant, en fait, il semblerait bien qu'elle le fasse.

Descartes dit lui -mê me, dans la Lettre à Élisabeth du l er septembre 1645, que certaines « indispositions du corps» peuvent tendre à affecter la libre disposition des pensées et de soi.

Mais il pose en principe que, à l'exception de ces situations limitées de détresse qui compromettent «l' usage libre de la raison, la liberté est et doit être de tout homme ».

Sartre rappelle cette thèse décisive et construit une problématique de la liberté «e n situation», précisant que la liberté humaine doit toujours se saisir dans un contexte singulier qui n'est pas choisi, et dont le «coe fficient d'adversité » peut être lourd, sans pour autant obérer la liberté elle-même.

Irréalisme? Non.

Plutôt simple réaffirmation de l'essentielle dignité de l'homme.

On se gardera d'interpréter ce texte comme l'éloge d'un fatalisme déterministe - puisqu 'il s'agit justement de penser la liberté comme telle et de l'imputer à la nature profonde de tout homme .

Alcibiade, l'homme « libre » au sens juridique et social, et l'esclave , sont métaphysiquement libres, ce qui veut dire que la liberté est en eux puissance inaliénable.

Ainsi peut se dire et se fonder le droit contre la violence du fait.

La liberté est de l'ordre de l'être, non du seul avoir.

Elle est en ce sens inaliénable.. »

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