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Sous quelles formes le passé revit-il dans le présent

Publié le 16/09/2014

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A première vue, le rêve semblerait nous fournir le type idéal de la reviviscence du passé. En effet, lorsque, au milieu de mon sommeil, mon imagination est complètement occupée par une scène dont j'ai été le témoin au cours de la journée, je crois m'y comporter comme si j'y étais encore. Je vois ce qui se passe, j'entends ce qui se dit, mes perceptions sont si vives et si nettes que l'idée ne me vient pas de mettre en doute la réalité du spectacle que j'observe. Bien plus, j'ai l'impression de pren­dre aux événements une part effective et affective : je parle ou je cours; je suis content ou irrité, et mes sentiments s'extériorisent par des gestes ou des rires, des éclats de voix ou des coups de poing.

« LA MÉMOffiE 1.17 D'ailleurs, il est bien douteux que dans nos rêves nous évoquions le passé pour le revivre.

Sans doute, les souvenirs alimentent le rêve, et nous sommes bien souvent capables d'expliquer le déclenchement de la fonction ~mirique par le retour à la conscience endormie d'une impres­ sion récemment enregistrée.

Mais si les données de la mémoire entrent dans nos rêves comme éléments, l'imagination transforme ces données avec une liberté telle que le produit constitue une création nouvelle.

Nos rêves réalisent donc des situations tout à fait originales, et il ne faut pas chercher en eux une reproduction du passé.

Ainsi, le rêve ne vérifie pas deux caractéristiques essentielles au fait psychique dont nous cherchons les diverses formes : ce n'est pas dans le présent qu'il nous fait vivre et ce qu'il nous fait vivre avec une tèlle intensité ce n'est pas le passé.

A l'opposé, le souvenir proprement dit, ce que BERGSON appelait la mémoire-souvenir.

Installé consciemment dans mon présent par exem­ ple, aujourd'hui 4 octobre 1.944, à 9 h.

30, occupé à rédiger cette disser­ tation pour Je baccalauréat de Philosophie-Lettres - je me vois peinant, en juin dernier, à un travail analogue, pour l'examen de Mathématiques élémentaires.

Des images de ce passé voltigent devant les yeux de mon esprit : je revois l'amphithéâtre de la Faculté des Science'!! où je com­ posais, le professeur à barbe poivre et sel qui présidait, quelques candi­ dats dont la tête ou quelque détail vestimentaire m'avait frappé ...

Mais ce passé, je me le représente : je ne le vis pas.

Ces images qui m'en reviennent défilent devant moi ou restent fixées à je ne sais quel fond mystérieux: : elles ne s'intègrent .pas dans ma vie réelle.

Ma vie réelle, c'est le présent : cette dissertation à mettre sur pied d'ici une heure; ce serait, plutôt que le passé, l'avenir que je prévois ou celui que, je rêve - ! 'Ecole Polytechnique, puis les constructions navales - car c'est vers lui que s'avance le présent, tandis qu'il s'éloigne constamment du passé.

Le passé est bien mort.

C'est parce qu'il est fixé dans une immobilité cadavérique que nous en conservons des souvenirs précis.

Ces souvenirs constituent un retour du passé dans le présent : ils ne nous font pas revivre 1e passé; à strictement parler, nous ne vivons que le présent.

Nous ne pouvons donc pas compter parmi les évocations faisant revivre le passé dans le présent, les ·souvenirs qui n'en sont que la représentation.

Nous voilà donc, semhle-t-il, enfermés dans cette alternative : ou bien l'évocation du passé le fait revivre, mais alors elle constitue une évasion hors du présent; ou bien, elle nous laisse dans le présent et, dans ce cas, elle nous donne du passé une représentation qui ne le fait pas revivre.

A ce compte, le passé ne revivrait jamais dans le présent.

* ** Or, les faits sont contraires à cette conclusion.

Sans doute, la revi- r viscence parfaite est impossible · aucune de nos minutes ne reproduira jamais exactement une autre minute des années écoulées.

Il ne nous en arrive pas moins, sans quitter le présent, d'évoquer un moment du passé _ avec quelque chose de cette chaleur qne donne la vie.

C'est que dans les pages qui précèdent nous nous en sommes tenus à l'examen des cas extrêmes : d'une part, l'inconscience totale du présent. »

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