Souvenirs d'enfance de SAINT AUGUSTIN
Publié le 09/01/2020
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Écrivant au IVe siècle de notre ère, saint Augustin est l'un des tout premiers à avoir mêlé, dans ses Confessions, réflexion philosophique et autobiographie. Il prétend dans ce texte expliquer comment il a appris à parler. Exercice bien périlleux: comment peut-il s'en souvenir ?...
Comment j’ai appris à parler, je l’ai remarqué par la suite. Ce n’étaient pas les grandes personnes qui me l’enseignaient en me fournissant des mots selon l’ordre déterminé d’une science, comme, peu après, pour les lettres. Mais c’est moi-même qui, grâce à l’esprit que tu m’as donné, mon Dieu, l’apprenais, lorsque par des gémissements et des cris variés, ainsi que par des mouvements variés de mes membres, je voulais mettre au jour les sentiments de mon cœur afin que l’on obéît à ma volonté, et que je ne pouvais ni exprimer tout ce que je voulais, ni l’exprimer à tous ceux que je voulais. Lorsqu’ils dénommaient quelque chose et mouvaient leur corps vers un objet en accord avec cette parole, je m’en emparais dans ma mémoire ; je voyais et je retenais que telle chose était appelée du nom qu’ils faisaient résonner lorsqu’ils voulaient la montrer. Que c’était là ce qu’ils voulaient, me le révélaient le mouvement de leur corps, aussi bien que ce langage naturel de tous les peuples qui apparaît sur le visage, dans les signes des yeux, les autres gestes et le ton de la voix, dénotant les sentiments que l'âme éprouve en recherchant, en possédant, en rejetant ou en évitant les choses. Ainsi recueillais-je peu à peu de quelles choses étaient les signes ces mots qui les représentaient dans des phrases variées, et fréquemment entendues. Grâce à eux, j’énonçais mes volontés désormais, par une bouche dressée à l’usage de ces signes.
C’est ainsi qu’avec ceux parmi lesquels je me trouvais, j’ai échangé les signes destinés à énoncer mes volontés, et que je suis entré plus profondément dans la société orageuse des hommes, en dépendant de l’autorité de mes parents et du caprice des grandes personnes.
Saint Augustin, Confessions, I, 8, trad. J.-C. Fraisse, coll. «Profil - Textes philosophiques», 1989, pp. 40-41.

«
Je mou vement de leµr corps, aussi bien que ce lan gage naturel
de tou s les peuples qui apparaît sur le visag e, dans les sig nes
des yeux, les autres gestes et Je ton de la voix, dénotant les
sentimen ts que l'âme éprouve en recherchant, en possédant,
en rejetant ou en évitant les choses.
Ainsi recueillais-je peu à
peu de quelles choses étaient les signes ces mo ts qui les repré
sentaient dans des phrases variée s, et fréquemment entendues.
Grâ ce à eux, j'é nonçais mes volontés désormais, par une bou
che dressée à l'usage de ces signes.
C'est ainsi qu'avec ceux parm i lesque ls je me trouva is, j'ai
échangé les signes destinés à énonce r mes volon tés, et que je
suis entré plus profondément dans la société orageuse des hom
mes , en dépendant de l'autorité de mes parents et du caprice
des grandes personnes.
SAINT AUGUSTIN, Confessions, ], 8, !rad.
J.-C .
Fraisse, c:oll.
«Profil -Textes philos ophiques», 1989, pp.
40-4 1.
Il découle à l'évidence des analyses déve loppées dans les
textes qui précèdent que l'usage des signes* linguist iques,
tou t comme la conna issance du code* qui en est la condi
tion de poss ibilité, doivent faire l'ob jet d'un appren tissage.
La concep tion de cet apprent issage exposée par sai nt
Augustin est très « classique », au sens où ses fondements
implicites prévaudront fort longtemps dans beaucoup des
analyses développées sur le même sujet; d'après le psycho
logue Jérôme Bruner (cf.
texte 11 ), elle est encore sous
jacente à certai ns débats contemporains.
Ces fondements sont de trois ordres :
1.
Ap pre ndre à parler, ce serait d'abord imite r sans compren
dre .
L'association entre les mots entendus ·et les choses cor
respo ndantes sera it dans un pre mi er temp s comme « auto mat ique ».
2.
La langue * elle -m ême serait donc en que lque sorte une
liste de cc mots-ét iquettes ».
correspondant terme à terme
à une liste de choses, d'idées, de sentiments ....
»
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