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Suffit-il d'être soi-même pour être différent des autres ?

Publié le 27/02/2005

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Être soi-même, c'est être une personne La conscience d'être une personne vient essentiellement du sentiment d'être différent des autres. D'ailleurs, selon Émile Durkheim, c'est au terme d'une évolution sociale qui instaure la division du travail et individualise le rôle de chacun dans la production que tout homme devient capable de se sentir une personne. Être soi-même, c'est être unique Au sens strict, la personne, c'est le sujet singulier, unique. C'est ce que montre Marcel Mauss, dans ses analyses sur les Esquimaux, en insistant sur l'importance du nom dans le sentiment d'être soi-même. Tous les Esquimaux qui portent le même nom se considèrent, paraît-il, comme à peu près interchangeables. Ce qui singularise l'individu dans le groupe, c'est la différenciation des fonctions. [Être différent ne suffit pas. Être soi-même, c'est aussi être un homme semblable à tous les autres hommes. Pour être moi-même, il faut que je sois différent des autres, mais il faut aussi que je leur ressemble. Chacun est une individualité originale, mais, pour être une personne, il faut être semblable aux autres.
Les premières expériences infantiles sont liées, notamment, à la rencontre des autres. Confusément à la recherche de lui-même, l'enfant tend à s'identifier, à imiter. Prisonnier de ses sens et de ses impressions, mais aussi d'envies mal maîtrisées, il fait se succéder oppositions et identifications. Le propre de la relation éducative, et de l'instruction, est de l'aider à sortir de lui-même, à discipliner ses propres mouvements. Mais la relation multiforme à autrui peut être aussi bien soumission et conditionnement qu'émancipation et affranchissement. Les préjugés se constituent, dès l'enfance, en même temps que les valorisations propres à chaque être. Comment s'affirmer soi-même, et se dégager de la succession des oppositions et des identifications qui marquent, de toute façon, une dépendance ? Première tendance, au moment de l'adolescence : tout rejeter. « Se poser en s'opposant «. Mais ne reconnaît-on pas ainsi une référence, par rapport à laquelle on cherche à se définir négativement ? La généralisation d'une telle attitude (s'opposer systématiquement à tous pour se conquérir soi-même) n'est-elle pas à la fois illusoire et intenable ? Cultiver la différence jusqu'à rompre toute possibilité de communication semble aussi néfaste que nier la différence pour instaurer une communauté truquée. L'enjeu, c'est la possibilité d'une personnalité suffisamment accomplie et ouverte sur la vie sociale. Suffit-il, pour être soi-même, d'être différent des autres ?

« Être soi-même, c'est être conscient de soiOr, être conscient de soi, c'est être conscient de soi comme homme.

Pour être conscient de soi commehomme, il faut avoir été reconnu comme tel par un autre homme.

Donc, pour être soi-même, il faut d'abordêtre comme l'autre, et ce n'est qu'ensuite que l'on peut s'en différencier. Je ne suis qu'un élément dans un ensembleLorsque je m'interroge sur mon être propre, je m'aperçois que je me réduis facilement à n'être que l'élémentd'une catégorie.

L'orgueil de famille, de caste ou de patrie n'est rien d'autre que l'affirmation qu'être soi-même, c'est d'abord appartenir à un groupe et se définir comme ayant, avec les autres et comme eux, lesqualités dont le groupe se targue.

Pour être soi-même, il faut alors être comme les autres. Être soi-même, c'est se sentir existerL'expérience prouve que la plupart des personnes ne se sentent exister que lorsqu'elles sont reconnues par lesautres.

Et, pour être reconnu, il faut être comme tout le monde.

Les sociétés d'enfants (école et terrain dejeu) le manifestent avec évidence.

Elles sont impitoyables pour celui qui n'est pas habillé, bâti comme tout lemonde. [] Concevoir son propre accomplissement personnel sur le mode d'une affirmation individualiste, c'estméconnaître la nécessaire solidarité des personnes humaines.

La personne est une valeur en tant qu'elle semanifeste comme étant la même en moi et en l'autre.

C'est pour cela, d'ailleurs, qu'elle doit être défendue.En fait, la distinction entre moi et l'autre n'est pas obligatoire, et, pour le moins tardive, tant dans la vie del'individu que dans l'histoire des cultures.

Comme le fait remarquer Max Scheler dans Nature et formes de lasympathie: «L'homme vit tout d'abord et principalement dans les autres, non en lui-même; il vit plus dans lacommunauté que dans son propre individu».

Autrui est, à la fois, le même et l'autre.

Il y a donc deux façonsde méconnaître l'homme: nier que l'autre soit différent ou nier qu'il soit semblable.. »

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