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Thomas HOBBES: Se l'origine des sociétés

Publié le 27/02/2008

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Tout le plaisir de l'âme consiste en la gloire (qui est une certaine bonne opinion qu'on a de soi-même) ou se rapporte à la gloire). Les autres plaisirs touchent les sens, ou ce qui y aboutit, et je les embrasse tous sous le nom de l'utile. Je conclus donc derechef, que toutes les sociétés sont bâties sur le fondement de la gloire et des commodités de la vie ; et qu'ainsi elles sont contractées par l'amour-propre, plutôt que par une forte inclination que nous ayons pour nos semblables. Cependant il y a cette remarque à faire, qu'une société fondée sur la gloire ne peut être ni de beaucoup de personnes, ni de longue durée ; parce que la gloire, de même que l'honneur, si elle se communique à tous sans exception, elle ne se communique à personne ; la raison en est, que la gloire dépend de la comparaison avec quelque autre, et de la prééminence qu'on a sur lui ; et comme la communauté de l'honneur ne donne à personne occasion de se glorifier, le secours d'autrui qu'on a reçu pour monter à la gloire en diminue le prix. Car on est d'autant plus grand et à estimer, qu'on a eu de propre puissance, et moins d'assistance étrangère. Mais bien que les commodités de cette vie puissent recevoir augmentation par l'assistance mutuelle que nous nous prêtons, il est pourtant certain qu'elles s'avancent davantage par une domination absolue, que par la société ; d'où il s'ensuit, que si la crainte était ôtée de parmi les hommes, ils se porteraient de leur nature plus avidement à la domination, qu'à la société. C'est donc une chose tout avérée, que l'origine des plus grandes et des plus durables sociétés, ne vient point d'une réciproque bienveillance que les hommes se portent, mais d'une crainte mutuelle qu'ils ont les uns des autres. Thomas HOBBES

Dans ce texte extrait du Léviathan, Thomas Hobbes pose l’une des questions fondamentales de la philosophie politique : celle de l’origine de la société. En effet, l’un des préalables à l’analyse des moyens adoptés par la puissance de l’Etat pour maitriser les individus, est la considération du fondement de l’institution sociale elle-même. La réflexion politique et historique de Hobbes (historique, car ce sont les fondements de la société que le philosophe prétend étudier) est inséparable d’une anthropologie. Hobbes distingue entre les différents types de plaisirs que les individus sont capables de connaître, avant de mettre en évidence le sentiment qui les conduit à se rapprocher, à sortir de cet état de « guerre contre tous «, où « l’homme est un loup pour l’homme « comme le dit la formule célèbre, pour former une association qui prend le nom de société.

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« il n'est pas possible de connaître ce sentiment sans fréquenter autrui.

Nous voici donc en présence d'un candidatpossible pour expliquer le fondement de la société : la gloire, qui nous pousse à rechercher autrui, car sans autruinous ne pouvons éprouver ce plaisir de l'âme.

Le second type de plaisir est celui qui correspond au corps : il s'agitpour Hobbes de tout ce qui est utile.

En effet, toutes les choses utiles sont agréables à notre corps, car ellesparticipent à la préservation de notre être dans le temps.« Je conclus donc derechef, que toutes les sociétés sont bâties sur le fondement de la gloire et des commodités dela vie ; et qu'ainsi elles sont contractées par l'amour-propre, plutôt que par une forte inclination que nous ayonspour nos semblables ».

Hobbes tire donc la conclusion suivante : dans la mesure où la gloire et l'utile sont les deux plaisirs propres del'homme, les sociétés sont bâties sur le fondement de ces deux types de plaisir.

Nous recherchons les autres, carsans les autres nous ne pouvons acquérir l'estime dont nous avons besoin pour nous estimer nous-mêmes ; et leconcours des autres nous permet d'obtenir un degré de bien être auquel nous ne pourrions prétendre en restantseuls.

Les autres nous permettent en effet de créer des biens évolués, d'être en sécurité (ils peuvent veiller pournous quand nous dormons) et ainsi de favoriser notre bien être.

Ce n'est pas autrui que nous recherchons : ce sontles bienfaits moraux et physiques qu'ils peuvent nous procurer.

« Cependant il y a cette remarque à faire, qu'une société fondée sur la gloire ne peut être ni de beaucoup depersonnes, ni de longue durée ; parce que la gloire, de même que l'honneur, si elle se communique à tous sansexception, elle ne se communique à personne ; la raison en est, que la gloire dépend de la comparaison avecquelque autre, et de la prééminence qu'on a sur lui ; et comme la communauté de l'honneur ne donne à personneoccasion de se glorifier, le secours d'autrui qu'on a reçu pour monter à la gloire en diminue le prix ».

La suite du texte montre bien que la société ne peut se fonder, d'après Hobbes, sur le seul plaisir de la gloire.

Eneffet, la gloire ne peut être un sentiment éprouvé par l'ensemble des membres d'une société, puisque la gloire de l'undépend de l'absence de gloire de l'autre.

Pour le dire autrement, le sentiment de la gloire est un sentiment graduel,qui pour être élevé chez l'un demande de l'abaissement chez l'autre.

C'est un sentiment qui nait tout entier de lacomparaison avantageuse de soi même avec autrui : dans une société où chacun serait digne d'éloge et d'envie, oùchacun serait dominant, le plaisir de la gloire deviendrait inconnu.

Allant plus loin, Hobbes montre que le désir degloire ne peut favoriser le rapprochement des hommes, puisque le plaisir de la gloire dépend de l'orgueil que l'on a àmériter seul la louange des autres.

« Car on est d'autant plus grand et à estimer, qu'on a eu de propre puissance, et moins d'assistance étrangère ».

Hobbes explique dans cette dernière phrase que le plaisir de la gloire est un plaisir que l'on doit obtenir par ses seulsmérites, et non avec l'aide d'autrui, puisque nous voulons nous faire estimer nous-mêmes par les autres.

Parconséquent, le désir de gloire ne peut conduite à la fondation des sociétés, puisque la conquête de la gloire parl'individu doit être une conquête individuelle.

II.

Le fondement de la société est la crainte « Mais bien que les commodités de cette vie puissent recevoir augmentation par l'assistance mutuelle que nous nousprêtons, il est pourtant certain qu'elles s'avancent davantage par une domination absolue, que par la société ; d'oùil s'ensuit, que si la crainte était ôtée de parmi les hommes, ils se porteraient de leur nature plus avidement à ladomination, qu'à la société ».

Dans le second mouvement de ce texte, Hobbes montre bien que le second type de plaisir, celui qui touche au corpspar le moyen des choses utiles, est mieux servi par la domination que par l'entraide.

En effet, pour nous procurerdes plaisirs utiles à la conservation de notre vie, le moyen le plus efficace n'est pas d'obtenir d'autrui une aideconditionnée : en effet, l'assistance que nous procure notre voisin est toujours sous tendue par la promesse d'uneaide de notre part en retour, qui nous coutera des peines.

Au contraire, le moyen le plus efficace est bien ladomination : tout obtenir d'autrui, sans rien donner en échange.

Le seul frein qui empêche les hommes d'essayer des'entre dominer est la crainte : c'est parce que j'ai peur qu'autrui me résiste, me blesse, me tue, que je ne cherchepas ouvertement à le dominer, à asservir sa volonté aux intérêts de la mienne.. »

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