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Une culture peut-elle être objectivement jugée ?

Publié le 09/04/2009

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Dans son célèbre ouvrage Race et Histoire, Claude Lévi-Strauss critique l’ethnocentrisme, c’est-à-dire le fait de considérer que sa culture est supérieure aux autres. Il relève que cette attitude est profondément enracinée dans la mentalité des hommes, quelle que soit leur civilisation. Les ethnies amérindiennes se traitent entre elles de « singes de terre « ou d’« oeufs de pou «, ce qui revient à dénigrer à l’autre le rang d’être humain. Il s’agit donc en vérité de racisme. La culture de l’étranger est niée comme culture et reléguée au rang d’un phénomène naturel. Les mots « barbare « et « sauvage « évoquent respectivement le chant des oiseaux et la vie des bêtes dans la forêt. Dans les deux cas, on refuse l’appartenance de l’autre au genre humain. Il ne parle pas mais il émet des sons inarticulés, il n’a pas inventé ses propres règles de vie communes mais il les a reçues instinctivement de la nature. « Le barbare, dit Lévi-Strauss, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie. « La violence et la fréquence de ce comportement nous forcent à réfléchir. Si les hommes ont tant de difficultés à se reconnaître comme des hommes, il semble hautement improbable qu’une culture puisse être jugée objectivement. Cependant, que signifie ce terme ? 

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« A.

Culture et tradition Les Grecs identifiaient parfois la « culture » à la « nourriture » en employant le mot trophè.

Ceci nous sensibilise àune autre dimension du mot.

La culture est ce qui façonne l'esprit de tout enfant et le marque sa vie durant.

Elleimplique une éducation à des valeurs, l'apprentissage de codes de conduite dont la famille est le premier vecteur.Dans le Criton de Platon, les lois d'Athènes parlent à Socrate pour lui rappeler qu'elles l'ont élevé mieux qu'une mère.Il est leur fils par l'esprit et leur doit donc l'essentiel.

Elles lui ont enseigné ce qui est interdit, obligatoire et permis.Les Latins associaient la culture à l'idée du soin que l'on prend pour entretenir quelque chose, ce qui implique lesidées de conservation et de transmission.

N'est-ce pas exactement ce que signifie « cultiver » ? L'homophonie entreculture et culte n'est pas non plus le fait du hasard.

La relation au sacré fut, pendant des siècles, ce qu'il fallaitentourer des plus grands égards car la communauté y trouvait le principe de son identité et l'assurance de sapermanence à travers le temps.

Les rites avaient justement pour tâche de garantir le maintien de ce lien.

Latradition est donc une valeur fondamentale.

Un peuple y puise des raisons de marquer sa spécificité.

La métaphoredes racines le dit bien.

Mais cette appartenance semble empêcher toute objectivité.

Nous serons toujours lesenfants d'une culture particulière qui a imprégné jusqu'à nos attitudes corporelles.

Marcel Mauss note en ce sensque les façons de dormir, de marcher, de manger sont toutes le fruit d'un apprentissage, que nous avons oublié caril s'est transformé en habitudes. B.

La mise en question de soi Ceci permet de comprendre que l'ethnologie du 20e siècle ait constitué un foyer actif de critique del'ethnocentrisme.

Lévi-Strauss polémique contre le « faux évolutionnisme » des philosophies de l'histoire qui jugentles cultures selon des critères très relatifs.

L'Europe et les États-Unis occuperont la première place si l'on décide deconsidérer la quantité d'énergie disponible par habitant mais rétrograderont si l'on se fonde sur la capacité de survieen milieu hostile.

Les techniques médicales liées au souffle ou au yoga ont été développées en Chine et en Indequand la civilisation européenne en ignorait tout.Nous voyons ainsi la fragilité et même la vanité d'un jugement de valeur qui se prétendrait objectif.

Il apparaît mêmeimpossible d'évaluer correctement sa propre culture.

On peut, par souci d'éviter l'ethnocentrisme, tomber dans ledéfaut inverse et dénigrer systématiquement le milieu dans lequel on a grandi.Toutefois, les mêmes savants qui contestent le droit de porter des jugements de valeur ont développé desméthodes pour connaître les modes d'organisation des cultures qu'ils étudient et cette démarche les a conduit àremettre en cause, de façon réfléchie, leur subjectivité.

Lévi-Strauss fut ainsi amené à interroger sa situationd'Européen ayant choisi de quitter son pays pour découvrir les règles de fonctionnement des cultures indiennes.

Ilparle de son « moi », perdu dans un monde étranger et qui se découvre « physiquement et moralement meurtri parla fatigue, la faim, l'inconfort, le heurt des habitudes acquises, le surgissement de préjugés dont il n'avait pas lesoupçon.

» Cette expérience radicale met en question son identité au moment où il s'efforce de connaître un universdifférent du sien.

Le sujet connaissant se découvre étranger à lui-même et il comprend qu'il ne peut séparerl'objectivité recherchée de la subjectivité.

Mais le fait même d'avoir été meurtri permet au moi qui enquête decomprendre que cette blessure est la condition d'un jugement objectif.

Il faut savoir « se refuser en soi » pour quel'évaluation portée sur les autres ait une certaine rigueur. Comment cette rigueur se manifeste-t-elle ? Le cas des sciences humaines offre ici matière à penser. 3.

Jugement scientifique et jugement philosophique A.

La notion de structure Considérons pour commencer l'apport de l'épistémologie, c'est-à-dire de la réflexion sur les caractéristiques de lapensée scientifique.

Les sciences ne sont-elles pas le modèle de la pensée objective ? Bachelard insiste sur le faitque l'objectivité n'est pas une donnée immédiate mais toujours le résultat d'une position de problèmes.

Lescientifique sait que le réel n'est pas simple et qu'il ne le connaîtra qu'à la condition de construire desexpérimentations soigneusement contrôlées.L'ethnologue est dans une situation semblable.

La réalité sociale qu'il découvre lui paraît de prime abordincompréhensible.

Cependant, Lévi-Strauss a cherché à promouvoir l'ethnologie au rang de science de l'homme enélaborant le concept de structure.

Ce terme ne désigne pas une forme qui s'appliquerait de l'extérieur à une matière,mais un modèle rendant intelligible des manifestations culturelles fondamentales des sociétés primitives.Ses travaux l'ont mis en évidence dans le cas des règles du mariage et des récits mythiques.

Les mythes obéissentà des lois constantes et assignables de composition, quelle que soit la nature des agents qu'ils mettent en scène(dieux, hommes, animaux, plantes, objets).

En ce sens, la structure est bien le contenu même du réel présenté defaçon logique et systématique.

Elle fait apparaître des régularités là où une vue courte ne perçoit que de la fantaisieet du désordre.

La méthode structurale présente ainsi des garanties d'objectivité.

Le chercheur, conscient de seslimites, décrit et ordonne des règles culturelles qui organisent la vie collective.

Il sait que ses connaissances sonttoujours perfectibles mais ce point n'autorise pas à les tenir pour illusoires ou issues de ses préjugés.Néanmoins, il faut ici souligner que notre sujet parle de jugement de valeur.Or les sciences humaines se sont interdits de prononcer de telles appréciations.

Elles pratiquent une neutralitéaxiologique pour éviter les pièges de l'idéologie.

Devons-nous nous en tenir à cette pratique ?. »

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