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Une morale peut-elle être laïque ?

Publié le 05/11/2009

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morale

... Comment garantir, en l'absence de Dieu, une législation universelle? la morale épicurienne propose peut-être le meilleur exemple  d'une conception qui ne se soucie guère d'aboutir à une conduite universelle. C'est d'abord parce que les épicuriens, de manière globale, son volontairement indifférents à une vie sociale qui leur paraît illusoire, sinon dérangeante dans son essence même et peu apte à procurer la tranquillité qu'ils recherchent. Mais c'est aussi parce que, en faisant du corps individuel le critère de la souffrance et du bien-être, ils aboutissent nécessairement à une diversité des appréciations. Si la quête du bonheur nécessite de manger frugalement, la définition de cette frugalité dépend de chacun. Dès lors, le principe général se disperse en applications éminemment subjectives, et la conduite morale dépend du jugement de chacun.

  • 1) La vraie morale se moque de la religion.
  • 2) La religion comme seul fondement de la morale.
  • 3) Une laïcité religieuse ou la Religion de l'humanité.

morale

« nécessairement à une diversité des appréciations.

Si la quête du bonheur nécessite de manger frugalement, ladéfinition de cette frugalité dépend de chacun.

Dès lors, le principe général se disperse en applications éminemmentsubjectives, et la conduite morale dépend du jugement de chacun.De plus, il y a un risque d'aboutir à des morales locales.

Toutefois, inscrite la conduite dans un ensemble collectifn'aboutit pas automatiquement à formuler des lois immédiatement universelles.

Là ou Kant évoquait l'exemple deMandeville et d'une "constitution civile" civilisant le corps social à la façon dont la ruche civilise les abeilles, on peutaussi bien évoquer les conceptions sociologiques qui, à la suite de Durkheim, considèrent que les principes morauxne sont que l'expression des valeurs qu'exige la société pour persister.

On constate dans ce cas que des sociétésdifférentes suscitent des valeurs et des conceptions morales également différentes, ce qui mène à un relativismemorale d'où disparaît par définition toute préoccupation d'universalité.

Si l'on admet au contraire que la morale doit,au moins en droit, être universelle, on ne peut se contenter de telles conceptions.La solution kantienne consiste à situer dans tout sujet humain la capacité d'être législateur pour l'ensemble del'humanité.

L'universalité de la loi ne provient plus alors de Dieu, mais de l'homme lui-même et de ce qui lecaractérise: la raison.

C'est parce que tout homme est un être rationnel qu'il trouve en lui-même la capacité delégiférer pour tous, et puisque la raison est la même chez tous, on ne risque aucunement d'aboutir à des loisdifférentes.

De la sorte, la morale ne se fonde plus sur la religion, et la relation va même s'inverser selon Kant: loinde devoir d'abord croire en Dieu pour être moral, c'est à force d'être moral que l'homme pourra obtenir (par unegrâce divine) la croyance.

La morale n'est plus une conséquence ou une application de la foi, elle en constitue aucontraire un préparation.

Liberté et responsabilité: devant Dieu ou devant les hommes? Loin de nécessiter un tutorat, la raison desLumières est capable de décider seule de la conduite à suivre.

Mais Dieu ne s'efface pas pour autant de laphilosophie de Kant, puisqu'il est réintroduit par un postulat de la raison pratique, en même temps que l'immortalitéde l'âme et la liberté.

Le rôle de ces postulats est de garantir la cohérence de la pensée: si la morale humaineexiste, ce ne peut être en vain.

Il est alors nécessaire d'affirmer, non seulement que l'âme est immortelle (pouratteindre un éventuel bonheur) et que Dieu existe (comme juge suprême), mais aussi que l'homme libre, faute dequoi son existence morale perdrait son sens puisqu'elle révélerait d'un déterminisme niant sa responsabilité.

Qued'ailleurs l'homme puisse faire le mal indique sa liberté, en même temps que sa perversion.Que peut devenir la morale sans de tels postulats? "Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis", écrit Dostoievski, etrappelle Sartre.

Son existentialisme, qui affirme en effet que Dieu n'existe pas, aboutit, lorsqu'il s'agit d'élaborer unemorale, à une difficulté majeure: en l'absence de toute transcendance, il n'y pas de valeurs absolues, et même l'idéed'une universalité de la raison paraît contestable.

Il en résulte que la conduite dépend intégralement du sujet, alorsque celui-ce ne dispose d'aucun système de valeurs auquel se raccrocher.

C'est l'envers en quelque sorte inquiétantde la liberté, qui obligé à une autodéfinition ou à une auto-invention permanente.

C'est dans chaque situation que jedois choisir ce que je ferai et ce que je deviendrai, et personne ne peut choisir à ma place.

La multiplication, dans lequotidien, de tels choix aboutirait à une telle tension qu'il est compréhensible que l'individu se réfugie souvent dansles attitudes conventionnelles ou dans la "mauvaise foi", qui lui permettent d'échapper à ce que le choix implique deresponsabilité.

Mais s'il est vrai que "l'existentialisme est un humanisme", c'est aussi parce qu'il donne à l'homme lapossibilité de se constituer lui-même par la succession de ses paris que ce qu'il faut faire.Enfin, il ne suffit pourtant pas que je choisisse seul.

Il faut aussi que, ce faisant, j'aie conscience de choisir dumême coup une version de l'humanité.

Se choisir voleur, c'est en effet définir dans ma propre personne la possibilitéd'une humanité voleuse.

Dès lors la responsabilité individuelle devient absolue (l'absolu, qui n'est pas en Dieu, sedéplace en quelque sorte dans l'homme), et elle est d'autant plus écrasante que j'appartiens à une histoire, à unesociété, relativement auxquelles je dois aussi prendre position, faire connaître les valeurs que je privilégie.

Il nesuffit pas que je décide de ma conduite (et implicitement, de la conduite de tout homme placé dans la mêmesituation: il y a là comme un écho à l'exigence d'universalité de kant), il convient aussi que je formule des jugementssur ce qui a été choisi avant moi (en quelque sorte pour moi, et c'est pourquoi il m'appartient de faire connaître monaccord ou mon rejet).

Le cas de la morale existentialiste permet de comprendre, plus encore que l'interprétation kantienne dans lamesure ou l'absurde des conduites y est assumé, la séduction des morales fondées sur la religion: la présence deDieu, comme le rappelait Freud, indique la possibilité d'une justice ou d'un bonheur futurs.

Simultanément,l'obéissance à sa loi peut sembler plus facile parce qu'elle est dotée d'infaillibilité, et parce qu'elle garantit au sujet. »

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