Une théorie scientifique peut-elle être confirmée ou infirmée par les faits ?
Publié le 17/01/2022
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la théorie de la gravitation universelle de Newton : la loi de pesanteur, les lois de Kepler sur les mouvements de planètes, etc., y sont déductibles mathématiquement).La théorie scientifique.Pour être scientifique, il ne suffit cependant pas qu'une théorie soit constituée de propositions, hypothèses ou lois articulées de façon rigoureusement logique. Elle doit l'être en effet, mais si elle n'était que cohérente la théorie scientifique se confondrait avec les mathématiques. Celles-ci procèdent par « construction de concepts « (Kant), elles se donnent leurs objets, elles ne posent donc pas nécessairement la question de leur rapport au réel. Au contraire, une théorie n'est considérée comme scientifique que si elle est confrontée au domaine de la réalité dont elle prétend apporter une certaine connaissance (la lumière, le vivant, tel comportement, etc.). Elle a nécessairement rapport à des faits.Une théorie scientifique vise donc une certaine vérité formelle.
L'opinion n'aime pas la théorie, vue de l'esprit plus ou moins gratuite : « C'est beau en théorie, mais en fait il en va tout autrement. « Les sciences, toutefois, opposent un démenti à l'opinion : elles supposent nécessairement et une théorie et des faits établis. Mais comment théorie et faits sont-ils alors articulés? Doit-on dire qu'une théorie scientifique peut être confirmée ou infirmée par les faits ?
«
Vérification de la théorie ?
Un exemple classique.
Des fontainiers, à Florence, sont surpris par un fait auquel leur pratique les rend sensibles : l'eau ne franchit pas unecertaine hauteur-limite, dans une pompe aspirante.C'est un fait étrange, pittoresque, etc., pas encore un fait scientifique.
Il le devient lorsque Torricelli, puis Pascal,font l'hypothèse théorique que la hauteur du liquide est en particulier proportionnelle à la pression de l'atmosphère,et qu'ils cherchent alors des faits susceptibles de contrôler, vérifier ou infirmer, cette idée : par exemple, Pascalimagine de faire la même expérience au pied et au sommet d'une montagne (le puy de Dôme), pour « voir » si lahauteur du liquide reste ou non la même lorsque la pression de l'atmosphère varie.
Une interprétation discutable.
On a l'impression de se trouver maintenant en présence d'une situation simple.
D'un côté l'hypothèse théorique (elle-même inscrite dans une théorie plus vaste : l'hydrostatique, la mécanique des fluides, articulée à la mécanique dessolides).
De l'autre, un fait scientifique élaboré, donc capable d'apporter des informations pertinentes.
Mais quellesinformations?Dire que la théorie est confirmée par les faits paraît d'abord aller de soi (même s'il faut comprendre : des faits).
Onne confirme que ce qui, d'une certaine façon, est déjà établi, et la théorie, en effet, précède toujours le fait (dumoins une théorie scientifique détermine-t-elle toujours consciemment les faits susceptibles d'être porteursd'informations pour elle).
Lorsque, le 19 septembre 1648, l'expérience du puy de Dôme est faite, l'hypothèse sembledéfinitivement confirmée.
Mais, en toute rigueur, l'est-elle vraiment ? Quand bien même on multiplierait etaccumulerait les faits, les expériences aussi solidement construites qu'elles soient, a-t-on réellement, logiquement,le droit de passer de ces faits à des propositions universellement valables? Car qu'est-ce qui nous prouve qu'un faitne viendra pas contredire les autres ? Bien plus, rien ne peut assurer qu'une autre théorie, plus simple, plusintéressante, n'expliquerait ou n'expliquera pas mieux les faits en question que celle qu'on croyait confirmée par eux.
Une théorie scientifique est une théorie qui peut être infirmée.
C'est la thèse de K.
Popper.
« Les théories ne sont jamais vérifiables empiriquement » écrit-il, « c'est la falsifiabilité[= la possibilité d'être réfutée] et non la vérification d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation »entre la science authentique et ce qui n'a que les apparences de la science » (La Logique de la découvertescientifique, tr.
fr., p.
37).
Une théorie scientifique doit élaborer les conditions de production de faits capables del'infirmer, comme c'est le cas dans l'exemple de Pascal proposé plus haut, et aucune théorie n'est jamaisdéfinitivement confirmée.
Qu'un fait invalide une de ses propositions, c'est tout l'édifice qui lui est lié qui peut êtreremanié, voire abandonné.
La démarche scientifique explicite la théorie qui organise sa saisie du réel.
Pascal a uneidée précise, élaborée théoriquement, grâce à laquelle il imagine le fait qui pourrait éventuellement l'infirmer.L'opinion commune, enfermée dans ses perspectives parce que non consciente des présupposés théoriques plus oumoins naïfs qui définissent ses «faits », reste, au contraire, prisonnière de ces préjugés.
« Les théories ne procèdentjamais des faits.
Les théories ne procèdent que de théories antérieures souvent très anciennes.
Les faits ne sontque la voie, rarement droite, par laquelle les théories procèdent les unes des autre » (G.
Canguilhem, LaConnaissance de la vie, Vrin,1965, p.
50).
L'histoire des sciences physiques est celle de leur révolution permanente.
Les théories n'ont qu'une valeur provisoire.
Des faits « polémiques » surgissent qui les contredisent, qui obligent à des révisions.
Tout succèsscientifique ouvre plus de questions qu'il n'en clôt.
Faut-il pour autant sombrer dans le scepticisme et affirmer qu'iln'y a rien qui vaille vraiment ? Comment distinguer, dès lors, la véritable science de la métaphysique ou des pseudo-sciences comme l'alchimie ou l'astrologie ? Et que penser des sciences humaines ? La psychanalyse, la théorie del'histoire de Marx peuvent-elles prétendre légitimement à la scientificité ? Popper , dans « Logique de la découverte scientifique » propose un critère de démarcation, capable d'établir, de manière concluante, la nature ou le statut scientifique d'une théorie.
Il écrit : « C'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation.
En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisseêtre choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'ilpuisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de lascience empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience.
»
A l'époque de Popper , on affirmait généralement que ce qui distinguait la science des autres disciplines, c'était le caractère empirique de sa méthode.
Autrement dit, en multipliant les observations et les expériences, lesavant en tirait, en vertu du fameux principe d'induction, des lois qu'il considérait comme nécessaires etuniversellement valides.
Partant de là, les néopositivistes soutenaient que tout ce qui n'est pas vérifiable est« métaphysique » et doit être éliminé de la science.
Or, comme le souligne Popper , l'induction, qui consiste à inférer une règle universelle à partir d'une multitude de cas particuliers et donc des théories à partir d'énoncés singuliersvérifiés par l'expérience, est une démarche logiquement inadmissible : « Peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observé, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs. »
Aussi Popper affirme-t-il qu'aucune théorie n'est jamais vérifiable empiriquement et il distingue trois exigences auxquelles devra satisfaire ce qu'il appelle un « système empirique » ou scientifique : « Il devra, tout.
»
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