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Vouloir est-ce plus fort que désirer ?

Publié le 21/07/2005

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La troisième est la partie rationnelle et elle passe par le calcul raisonné. Ainsi, nous pourrions dire que vouloir est plus fort que désirer au sens où le désir renvoie à la partie concupiscente de l'âme, qui dépend des choses sensibles. Le désir serait ce qui varie selon les excitations extérieures, ce qui se porte d'un objet à l'autre au gré des sollicitations ; en cela, il serait faible, car dépendant d'autre chose que de lui-même et inconstant. À l'inverse, la partie intellective et rationnelle de l'âme voudrait au sens propre, c'est-à-dire déciderait d'elle-même, de manière ferme et constante. Cette distinction entre les mobiles est suggérée par Kant : le désir suit le plaisir matériel, quand la volonté est respect de la loi universelle et rationnelle. Quoi qu'il en soit, le vouloir apparaît ici comme plus fort, c'est-à-dire plus assuré, plus ferme, plus constant. Alors que le désir est sourdement ressenti dans tout le corps, notamment sous la forme de la pulsion sexuelle, la volonté se manifeste clairement dans un « je veux ».   II - Les forces en présence               Le rapport que nous venons de mettre à jour entre volonté et désir s'apparente à la thèse cartésienne. En effet, pour Descartes, la volonté est une des modalités de la pensée et elle consiste à juger du vrai à partir des idées de l'entendement ; le désir, au contraire, est une passion, c'est-à-dire l'effet dans l'âme de mouvements physiques. De ce point de vue-là, vouloir est plus fort parce qu'il s'agit d'un acte autonome, libre et raisonnable.

Notre sujet nous interroge sur le rapport entre volonté et désir du point de vue de leur force. Or, que devons-nous entendre par-là ? S’agit-il d’une intensité accrue, au sens où vouloir quelque chose reviendrait à le désirer plus ? Mais que peut alors signifier ce « plus « ? Nous verrons qu’il peut se comprendre grâce à la constance, la fermeté ou la résolution de la volonté, par rapport à l’aspect aléatoire du désir. Toutefois, le désir ne possède-t-il pas une puissance de « décharge «, qui en fait une force comparable à la volonté ? Ainsi, si la volonté tente d’arraisonner le désir, ne fait-elle pas alors l’aveu d’une force propre au désir ? Enfin, nous nous interrogerons sur la pertinence d’une opposition entre volonté et désir : en effet, si la volonté semble renvoyer à la possibilité de vouloir ou de ne pas vouloir, peut-on penser à l’inverse qu’elle ne puisse pas faire taire le désir, en considérant le fait que vouloir ne pas vouloir, c’est désirer quelque chose ?

« Ainsi, Descartes trouve les passions presque toutes bonnes, et tellementutiles à cette vie que « notre âme n'aurait pas sujet de vouloir demeurerjointe à son corps un seul moment, si elle ne pouvait les ressentir » (Lettre àChanut du 1er Novembre 1646).

A condition toutefois que l'âme s'en rendemaître.

Or les âmes les plus faibles, n'ayant pas une volonté éclairée par des« jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et dumal », se laissent emporter aux passions présentes, lesquelles « étantsouvent contraires les unes aux autres », mettent l'âme « au plus déplorableétat qu'elle puisse être ».Descartes donne à «passion » son sens étymologique : ce qui est subi par ».Les passions sont des affections de l'âme causées par le corps.

Toutes lespassions ont leur point de départ dans les objets qui « meuvent les sens ».Partant de là, Descartes distingue six passions fondamentales : l'admiration,l'amour, la haine, le désir, la joie, la tristesse.

On remarquera que par «passions », Descartes entend, en fait, ce qui relève de l'affectivité(sentiments). Mais, Descartes l'affirme : « Il n'y a point d'âme si faible, qu'elle ne puisseétant bien conduite acquérir un pouvoir absolu sur ses passions ».

Comment?En corrigeant, selon les cas, une association désagréable par une associationagréable, ou une association agréable par une association désagréable.Exemple : si, en présence d'un danger, je suis toujours envahi par un sentiment de peur et si je prends la fuite, je peux, grâce à l'habitude, associer à la fuite la représentation de lalâcheté ou de la honte.

Mon âme fortement imprimée par cette représentation me disposera à affronter le dangeravec courage.

L'âme n'est donc pas impuissante.Elle peut réagir et opposer aux passions qui sont nuisibles une pensée ou une volonté contraires. Il faut, lorsque c'est possible, corriger les passions par la raison.

Pour cela, il faut comprendre en quoi elles sontutiles.

Elles incitent d'abord l'âme « à consentir et contribuer aux actions qui peuvent servir à conserver le corps ouà le rendre en quelque façon plus parfait ».

C'est ainsi que généralement la douleur nous avertit de ce qui estnuisible au corps et le plaisir de ce qui est utile au corps.

Mais surtout, « elles fortifient et font durer en l'âme despensées, lesquelles il est bon qu'elle conserve, et qui pourraient facilement sans cela en être effacées » (art.

74).Ainsi, par exemple, l'admiration « fait que nous apprenons et retenons en notre mémoire les choses que nous avonsauparavant ignorées; car nous n'admirons que ce qui nous paraît rare et extraordinaire...

» (art.

75).

Le désir s'apparente au libidinal, à la pulsion, à ce qui déborde l'esprit et tente de le submerger ; c'est d'ailleurs l'effort même de la raison et de la volonté rationnelle pour le contenir qui correspond à l'aveu d'une force àl'œuvre dans le désir.

La volonté est donc forte car constante et mesurée, mais elle rencontre une force sur sonchemin, celle que le désir exprime et dont la nature diffère du tout au tout de la raison.

Le désir n'est plus alors uneespèce faible de la volonté, mais son opposé.

À ce niveau, vouloir et désirer sont deux forces égales quis'affrontent, tantôt la volonté faisant taire le désir, tantôt le désir submergeant la volonté.

III – L'illusion du « je veux » et la multiplicité du désir Si volonté et désir peuvent s'opposer, c'est au moins parce que l'on oppose deux ordres : celui de la raison et celui des passions.

Or, de Spinoza jusqu'à Nietzsche, une telle démarcation n'est pas pensée comme pertinente.Pour Spinoza, en effet, le désir, sous le nom de conatus , se définit comme l'essence de chaque chose, il est l'effort qu'elle fournit pour persévérer dans son être.

La distinction entre volonté et désir n'étant plus à ce niveaupertinente.

Nietzsche prolonge cette idée en dénonçant l'illusion du « je veux ». En effet, alors que l'on pense saisir clairement un acte simple en disant « je veux », Nietzsche montre qu'une telle formule cache en fait une multiplicité de désirs ou d'instincts.

Le « je veux » se contente d'exprimer l'instinctdominant au moment où il domine, masquant alors la lutte qui se joue entre tous les instincts.

C'est au fond l'idéemême qu'il puisse y avoir un sujet qui peut vouloir ou ne pas vouloir, désirer ou ne pas désirer, qui est remise enquestion.

En somme, les instincts, les désirs s'expriment toujours. Nous retrouvons l'idée du conatus de Spinoza : tout être désire sans cesse, exprime sa persévérance dans l'être en désirant.

Il serait faux de penser que l'on peut ne pas vouloir.

Nietzsche critique ainsi l'idéal ascétique :tiraillé par leurs désirs corporels, les ascètes décident de ne plus vouloir.

Ils renoncent à la vie charnelle.

Or, enfaisant cela, remarque Nietzsche, les ascètes ne font qu'exprimer leur désir pour une vie calme et sans trouble : telest l'instinct dominant qui s'exprime à travers et malgré eux. Il ne s'agit donc pas d'une volonté rationnelle qui se porterait sur une chose bonne en soi (la vie ascétique, libérée des désirs tyranniques), mais d'un instinct, d'un désir particulier qui nomme bon un type de vie car celui-ciest désiré.

Nous retrouvons ici la formule de Spinoza : nous ne désirons pas les choses parce que nous les jugeonsbonnes, mais nous les jugeons bonnes parce que nous les désirons. Conclusion Ainsi, il est possible de hiérarchiser volonté et désir : la première est alors plus forte, car elle est d'essence. »

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