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Wassily Kandinsky

Publié le 26/02/2010

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Kandinsky avait suivi des cours de droit et d'économie à l'université de Moscou et cultivait depuis l'enfance une passion réelle pour la peinture, affirmant déjà sa vision radicale des couleurs. Au terme de ses études, la faculté de droit de Dorpat lui offrit une chaire universitaire. Il la refusa et monta dans un train pour Munich. Son choix d'abandonner la carrière juridique était irréversible. Il prit des cours privés et fut admis à l'Académie de Munich dans l'atelier de Franz von Stuck, qu'il indignait par son "extravagance des couleurs". Il connut un succès modéré à ses débuts et monta sa première exposition à Moscou en 1903. De retour en Allemagne en 1908, il s'installa dans la petite ville de Murnau, où il exécuta le premier grand saut dans l'abstraction. Les toiles Avec l'arc noir et Lignes noires qu'il peignit entre 1912 et 1914 marquèrent l'aboutissement de son art. Doué de talents multiples, il écrivit aussi bien des ouvrages théoriques que des pièces de théâtre, et fonda avec Franz Marc le groupe d'avant-garde Der Blaue Reuter (Le Cavalier Bleu) qui joua un rôle important dans le développement de l'art moderne. Durant la Première Guerre mondiale, il rentra à Moscou, contribua à l'ouverture de plusieurs musées, et initia en 1921 la création de l'Académie des beaux-arts moscovite. En 1922, il repartit pour l'Allemagne enseigner ses principes non-figuratifs au Bauhaus, qui sera fermé en 1933 par la Gestapo. Il se réfugia à Paris où il vécut jusqu'à sa mort en 1944.

« fut : qu'est-ce qui doit remplacer l'objet ? C'est alors qu'éclate son respect religieux pour l'art qui l'a toujourscaractérisé.

Pour rien au monde il ne veut d'une peinture ornementale qui se servirait de formes stylisées, forcémentinexpressives et pouvant flatter seulement les dilettantes.

Il n'admet pas les formes qui lui viennent par des cheminslogiques, mais seulement celles qui naissent en lui d'une impulsion intérieure : "Les formes dont je me suis servinaissaient d'elles-mêmes en moi.

Elles se présentaient toutes prêtes devant mes yeux, il ne me restait qu'à lescopier, ou bien elles se formaient pendant le travail et me surprenaient souvent moi-même." Et il raconte quellepeine il lui fallut pour apprendre à gouverner cette force créatrice.

Kandinsky n'est donc pas un intellectuel, c'est un"spirituel", ce n'est pas un technicien, c'est un inspiré.

Comme Schumann il peut dire : "Projeter la lumière dans lesprofondeurs du coeur humain, telle est la vocation de l'artiste." C'est la beauté intérieure, celle que demandaitSocrate aux dieux, qui l'attire.

Et, s'il aime Cézanne, Matisse et Picasso, c'est parce que Cézanne élève la naturemorte au rang d'un objet vivant, c'est parce que Matisse et Picasso cherchent à reproduire le divin, l'un par lacouleur, l'autre par la forme.

L'attention de l'artiste selon lui doit par conséquent se porter, plutôt que sur le mondeextérieur, sur la toile qu'il est en train d'exécuter et qui est le laboratoire où l'esprit va surgir de la matière.

Unpeintre connu déclarait que pour peindre il fallait donner un coup d'oeil sur la toile, un demi-coup d'oeil sur la paletteet dix sur le modèle.

Kandinsky, lui, renverse les proportions : il lui faut dix regards sur la toile, un sur la palette, undemi sur la Nature.

C'est en termes lyriques qu'il décrit la vie des couleurs, et le son musical qu'elles rendent lorsquele pinceau leur arrache une part de vie, la violence qu'il faut leur faire pour les posséder et les marier entre elles, leschemins nouveaux et imprévisibles que ce mariage ouvre à l'artiste.

De Kandinsky date certainement ce thème quiest aujourd'hui celui de tous les peintres à savoir que l'oeuvre d'art est une résultante de la rencontre de couleurscombattant entre elles et finissant par s'unir en une harmonie, chaque oeuvre engendrant une nouvelle technique etla création de chaque oeuvre équivalant à la création d'un monde.

C'est une vue qu'on pourrait dire prométhéenne àcondition que Prométhée ne soit considéré que comme un musagète, un chorège : ce rôle en apparence effacé estcapital puisque sans lui les éléments demeureraient enchaînés et muets et qu'il est le seul à pouvoir les faire surgiret vibrer.

Lui, Kandinsky, a mis presque toute sa vie à y parvenir.

Ce n'est pas le tout de posséder en soi desressources ; la grande affaire est de savoir comment les exploiter.

"Le cheval porte le cavalier, mais c'est le cavalierqui dirige le cheval." La direction est indiquée par Kandinsky dans ses ouvrages où les conseils techniques sontétroitement unis à des considérations d'une haute spiritualité, et le profane n'est pas médiocrement surprisd'entendre tour à tour la voix d'un artisan et celle d'un prêtre qui sont le même homme engagé dans la même voie,tendant au même but.

Ce but, c'est la spiritualisation suprême non seulement de l'art mais de la vie.

Pourcommencer il faut se rendre compte que Kandinsky a une vision platonicienne des formes et des couleurs, je veuxdire qu'il pose leur existence réelle en dehors de la sensation et de l'intelligence humaines, comme des chosesexistant en soi et ayant leurs vertus particulières.

Chaque figure géométrique est un être spirituel, un triangle, écrit-il catégoriquement, "un parfum spirituel en émane".

De même chaque couleur a des qualités qui lui appartiennent enpropre.

Déjà Delacroix disait du jaune, de l'orange et du rouge qu'ils donnent des idées de joie et de richesse.Kandinsky dira du bleu outremer, du vert chrome et du laque rouge qu'ils donnent envie de les caresser, tandis quele vert cobalt est dur et sec.

Ce en quoi Kandinsky échappe au réalisme platonicien, c'est dans la considérationattentive qu'il porte au rapport de la couleur et de la forme avec l'âme humaine.

Non seulement il fait ressortir qu'il ya correspondance entre les formes et les couleurs, leur valeur se renforçant ou s'atténuant réciproquement (lescouleurs aiguës favorisées par la forme pointue, par exemple le jaune par le triangle les couleurs profondes par laforme ronde, par exemple le bleu par le cercle) mais encore il met l'accent sur leur valeur psychique, leur possibilitéde résonner dans l'âme.

Formes et couleurs ne sont donc pas des déités d'un ciel intelligible, elles sont toutesprêtes à vibrer au contact de l'âme.

Encore faut-il que l'artiste sache en tirer la vibration juste en choisissant tel outel contact approprié, qu'il prenne la couleur, la forme, l'objet qui réalisent, dit Kandinsky, "le contact efficace avecl'âme humaine et cela en vertu du principe de la nécessité intérieure".

Il est très important de faire remarquer, arrivéà ce point, que l'abstrait n'a aucune supériorité en tant que tel sur le concret.

Toutes les formes contiennent enelles un élément matériel et un élément abstrait, et les deux coexistent au même titre.

Quelle règle convient-il doncde suivre ? Se laisser guider par son intuition : "C'est le sentiment seul qu'il faut suivre, comme étant le seul capablede doser le mélange d'abstrait et de concret." On voit combien le principal fondateur de l'art abstrait se situe auxantipodes de ceux qui ont été les théoriciens de l'abstrait géométrique et froid.

Pourtant le calcul est loin d'êtreabsent des spéculations de Kandinsky.

Il a écrit des pages sur la sonorité des couleurs, leurs degrés de chaleur etde luminosité essayant de définir ce qu'il appelle les deux Grands Contrastes d'une manière précise mais il s'empressed'ajouter en note : "Toutes ces affirmations sont le résultat d'impressions psychiques tout empiriques et ne sontbasées sur aucune donnée scientifique positive." Voilà qui est bien caractéristique d'un homme qui a été à la foisméthodique et illuminé et dont les différentes étapes en tant qu'artiste n'ont été que le reflet de son itinérairespirituel.

Lorsqu'on lit son "Regard sur le passé" qui est son autobiographie, on est étonné de l'importance de la vieintuitive chez Kandinsky et de son côté visionnaire (plus encore que visuel les deux chez lui étant d'ailleursinséparables, et c'est ce qui fait de lui un homme partagé entre la nature et le surnaturel).

Les couleurs lefrappèrent, encore petit enfant, plus que les objets colorés eux-mêmes : ses jouets c'étaient le brun, le vert et leblanc des trois couches d'écorce d'un bâton figurant un cheval ses impressions de voyage, c'étaient à Florence lenoir du fiacre, le jaune de l'eau, à Venise le noir de la lagune, le jaune isabelle du cheval de plomb qui était sonfavori quand il jouait aux petits chevaux avec sa tante et la couleur identique du cheval qui, à Munich, était atteléà la voiture d'arrosage, le rouge ensoleillé (malgré la pluie) des toits d'une petite ville bavaroise du Moyen Âge etvision suprême, le rouge incandescent du crépuscule à Moscou qui pousse au paroxysme chaque couleur, le rose, lelilas, le jaune, le blanc, le bleu, le vert pistache, le rouge flamboyant des maisons et des églises...

le vert "fou" dugazon, la neige "aux mille voix chantantes", le rempart du Kremlin rouge, étroit et silencieux.

"Au-dessus de toutcela, comme un cri de triomphe, comme un alléluia immortel, la ligne blanche et sévère du clocher d'Ivanweliky."Kandinsky aurait voulu rendre cette heure et l'on voit combien son inspiration tient à ces instants privilégiés.

Il n'estpas étonnant que l'art naturaliste n'ait eu pour lui aucune signification, que par contre La meule de Claude Monet etLohengrin lui aient révélé tout ce que la musique et la peinture possédaient de puissance d'expression par elles-. »

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