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Y a-t-il des expériences sans théorie ?

Publié le 06/01/2006

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Cf. Fleming et l'invention de la pénicilline, cette expérience qui a mis au jour le médicament n'a été précédée d'aucune théorie. Ce n'est qu'après, une fois l'hypothèse lancée, que l'inventeur multiplie les expériences pour consolider ce qu'il a trouvé par hasard. * L'expérience vécue semble ne présupposer aucune théorie préalable, et pour ce qui concerne l'expérience scientifique, dire que des expériences peuvent exister sans théorie implique qu'une théorie peut être dérivée par induction, c'est-à-dire uniquement à partir de données expérimentales. II/ Une expérience scientifique porte nécessairement en elle une théorie :            Une expérience scientifique est un montage technique qui produit artificiellement, dans des conditions déterminées, des phénomènes censés contrôler la validité d'une hypothèse. Cela signifie qu'une théorie existe bel et bien avant l'expérience en question, et que cette dernière serait inutile - au sens où l'on n'observerait rien - sans elle.           * Comme l'explique Bachelard dans La formation de l'esprit scientifique, le donné n'est pas « toujours offert à un esprit toujours ouvert ». à Ce n'est pas en observant le réel que je vais découvrir des lois scientifiques, il ne les contient pas, il n'est que l'occasion de la recherche. Ainsi, une expérience scientifique est nécessairement non pas une observation du réel, mais un montage technique précis : il s'agit d'une rationalisation du réel censée produire les conditions nécessaires à l'apparition du phénomène recherché. à Cette rationalisation ne peut pas se faire au hasard, et implique nécessairement qu'elle soit déterminée par la position d'un problème.
Bien définir les termes du sujet :  
- « Des expériences « : ici, le terme peut avoir deux significations ; 1) il peut désigner la connaissance ou le savoir-faire acquis empiriquement par l'usage de la vie (=avoir de l'expérience). 2) cela peut aussi être l'expérience en son sens scientifique, c'est-à-dire le fait d'observer ou d'expérimenter avec pour but de contrôler ou de former une hypothèse scientifique.
- « Théorie « : C'est en général une connaissance spéculative (vs pratique), elle est constituée par une ensemble de connaissances formant un système sur un sujet ou un domaine déterminé.
 
Construction de la problématique.         
           Le sujet semble demander que l'on y réponde par oui ou par non, et porte sur la possibilité de l'existence de la chose dont il est question. Les deux définitions que nous avons données de l'expérience sont très différentes, et si l'on s'en tient à la première, la réponse serait évidemment non ; évidence qui ne tient plus pour la seconde définition. Il s'agit donc de mettre en question l'opinion commune selon laquelle l'expérience vécue n'implique pas de théorie, pour voir si elle résiste.
Se pose donc la question de savoir si tout rapport au réel –qu'il soit simplement vécu ou scientifique - nécessite pour être compris, un savoir préalable.
 

« BACHELARD: «Les instruments ne sont que des théoriesmatérialisées.» «Les instruments ne sont que des théories matérialisées.

» Bachelard, LeNouvel Esprit scientifique (1938). • Pour donner leur place à la théorie et à l'expérience dans la constitution dela connaissance, il faut relever que la connaissance du monde passe aussi parla connaissance du sujet connaissant lui-même.

C'est ce que dit Kant, quivise notamment à sortir de l'antithèse entre Locke et Descartes.• Dans l'épistémologie moderne de Bachelard, les «données» de l'expériencene sont jamais «données» spontanément, mais sont construites grâce àcertains instruments (par exemple, le calcul de la trajectoire d'une comètedépend de la précision du télescope qu'on utilise).• Les instruments eux-mêmes ne sont pas «donnés»: le scientifique lesconstruit lui-même pour tester une théorie qu'il a élaborée avant même queles «faits» qu'il décrit n'aient été rendus sensibles.

D'où l'idée que l'instrument«matérialise» une théorie: pour l'inventer, il fallait que la théorie ait déjàprévu la possibilité des données qu'elle voulait tester. « Déjà l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schémapréalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcendel'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.

Naturellement, dès qu'on passe del'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.

Alors il fautque le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments.Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort des phénomènes qui portent de toutes part lamarque théorique.

» BACHELARD. • Les théories scientifiques, loin d'être le résultat de l'expérience, la structurent.

III/ Toute expérience nécessite une mise en forme de l'esprit : Que nous abordions l'expérience comme vécu, ou sous son aspect scientifique, nous observons toujours del'ordre dans les phénomènes que nous observons.

Cela pourrait paraître étrange si l'on définit la nature comme unesuccession de phénomènes sans aucun lien entre eux.

D'où vient alors cet ordre ? • C'est ce qu'explique Kant dans la Critique de la raison pure, avec la révolution copernicienne.

Lesphénomènes naturels se succèdent sans rapports entre eux, et pourtant, nous les percevons dans un certain ordre.Kant déclare qu'au lieu de régler notre connaissance sur les objets, nous devons faire l'inverse, ce seraient lesobjets qui devraient se régler d'après notre connaissance.

Dans la Critique de la Raison Pure, Kant compare sa méthode à celle deCopernic.

Le savant polonais mit enfin l'astronomie sur la voie de la sciencemoderne lorsqu'il plaça le soleil au centre de son astronomie et en délogea laTerre (héliocentrisme).

Kant compare le décentrement opéré par Copernic ausien propre: jusqu'alors, on a cherché à résoudre le problème de laconnaissance en faisant tourner le sujet autour de l'objet.

Décentrons l'objet,replaçons au centre le sujet qui connaît et mettons l'objet connu à lapériphérie.

Ainsi, affirme Kant, nous pourrons savoir en quoi la connaissanceconsiste au juste et quelles en sont les limites.

• Ainsi, toute expérience, aussi simple qu'elle soit implique non pasune théorie au sens strictement scientifique du terme, mais une certaineconnaissance a priori.

Autrement dit, je saisis le réel à travers les catégoriesde mon entendement, elles donnent forme à l'expérience, que je ne peuxcomprendre et saisir que grâce à elles (sinon je ne percevrai qu'unemultiplicité d'expériences sans liens.) à Avant même que les objets me soient donnés dans l'expérience, j'ai d'abord en moi-même une règle, sur laquelletous les objets de l'expérience s'alignent.

• La théorie précède donc les expériences, puisque c'est notreentendement qui impose un cadre aux objets pour que nous puissions lessaisir.

Conclusion : Sans que nous nous en rendions compte, notre esprit met ainsi le réel en ordre pour que nous puissionsl'appréhender.

Toute expérience est donc nécessairement précédée par une théorie, ou plutôt par quelque chose quila met en forme.. »

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