Y a t il savoir faire sans savoir ?
Publié le 08/02/2005
Extrait du document
La question devient donc celle-ci :
peut-on encore parler d'un savoir qui est intraduisible ?
II-L'intuition, un autre nom pour le savoir.
L'expression même de
« savoir faire » est ambiguë et résume la difficulté : on désigne par là une
pure technique qui ne s'embarrasse pas de mots ni de théorie, les gestes du
chirurgien, de l'artisan ou du cuisinier ne s'apprennent pas dans les livres
mais en regardant, en imitant un modèle, en répétant ses gammes, en s'auto
éduquant. Mais une fois le tour de main, la technique acquise, l'élève se
l'approprie et peut créer son propre style, c'est en ce sens qu'il dépasse le
maître, ou qu'au moins il s'en distingue.
Une fois que l'élève a inventé sa propre manière de cuisiner, de
jouer aux échecs ou de faire de la poésie il devient à son tour un modèle, mais
comment son savoir faire lui appartient-il, quel rapport entretient-il à sa
propre technique ? La réponse est facile pour l'élève, c'est un rapport
d'apprentissage, mais pour le maître ?
La familiarité du virtuose ou du très bon artisan avec sa méthode de
travail est certainement indicible pour lui-même, et pour cause il n'a pas à se
l'auto expliquer. En ce sens il y a savoir faire sans thématisation théorique de
ce savoir, le savoir faire repose sur de l'implicite, la pratique fait
l'économie de sa propre théorie. On retrouve là la distinction bergsonienne
entre le savoir de l'intelligence, traduit par les mots, et le savoir intuitif,
qui se passe du langage, ne fait pas, comme la théorie, le tour de son objet,
mais le pénètre directement. C'est parce que le savoir faire est savoir intuitif
qu'il se passe de réflexion, les hésitations, les essais du maître ne sont pas
des calculs rationnels mais des intuitions.
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