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1996 : Politique française - LES ILLUSIONS PERDUES

Publié le 03/12/2018

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Politique française

LES ILLUSIONS PERDUES

L’événement majeur qui a marqué l'année politique française est sans conteste ... la réélection de Bill Clinton à la présidence des États-Unis. Un tel constat n’est évidemment pas une surprise. Voilà bien longtemps que la France, comme les autres nations de l’Union européenne, se situe dans ce que les sociologues ont appelé « l’américanosphère ». À ce titre, la France, comme d’autres pays, est dépendante du leadership américain, qu’il s’agisse de la vie publique, intellectuelle ou economique. Mais la réélection de Bill Clinton a accentué cette réalité.

LE RÊVE AMÉRICAIN

Bill Clinton l’a emporté parce que scs compatriotes ont considéré qu’il avait tenu le plus important de ses engagements : le retour à une situation de l’emploi satisfaisante. Ce recul du chômage, obtenu par les moyens d'une politique dite « de flexibilité », et dans un contexte de restriction des programmes sociaux, a été au cœur du succès du candidat démocrate. Or, en 1996, le débat politique et économique français est resté centré sur cette question : faut-il accepter des emplois précaires et une moindre couverture sociale pour inverser la courbe du chômage, ou bien est-on contraint d’accepter un niveau record de chômage (13 % en 1996) si l'on veut, au contraire, préserver le système de protection sociale et écarter la précarité ? Tels sont les termes du débat qui, en France, n’a pas été tranché.

Quatre ans plus tôt, Bill Clinton avait été élu sur une promesse : redonner aux classes moyennes des raisons d’espérer et de continuer de croire en la validité du rêve américain. En France, pendant ces quatre années, aucun parti politique n’a été en mesure de retrouver un discours cohérent et mobilisateur en direction de ces catégories sociales. Avec le recul, la campagne présidentielle de 1995 est apparue comme une brève parenthèse, l’un de ces moments privilégiés pendant lequel les Français ont pu croire, ou ont, en tout cas, entendu dire, que tout redevenait possible. Mais le retour à la rigueur et la priorité donnée au rééquilibrage des comptes publics, officiellement annoncés par le président de la République à l’automne 1995, ont tôt fait de dissiper toute illusion. C’est donc avec une certaine jalousie que les responsables politiques ont tourné leur regard vers l’Amérique. D’autant plus qu’en novembre 1996, Bill Clinton a promis que la mondialisation serait pour les Américains une chance, non un handicap ; une nouvelle frontière à franchir, non une menace. Alors qu’au même moment,

La réduction du temps de travail a été l’un des thèmes majeurs du débat poutioue en France. Ci-dessus : en mai 1996, l’ensemble DES SYNDICATS ORGANISE UNE MANIFESTATION POUR RÉCLAMER SA MISE EN ŒUVRE.

les Français ont pu avoir le sentiment que leurs dirigeants leur parlaient de la mondialisation comme d’un cauchemar annoncé, ou comme d’un défi impossible à relever.

UNE SOURDE CRAINTE

Cette crainte de la mondialisation retentit sur l’un des pans les plus importants de la vie publique française : le débat européen. En effet, une partie de la scène politique continue d’être occupée par des adversaires de l’intégration européenne, alors que Jacques Chirac a chaussé les bottes de son prédécesseur, qui, lui-même, a emboîté le pas à Valéry Giscard d’Estaing et au général de Gaulle. Alors que la France et l’Allemagne continuaient d’affirmer leur volonté commune d’avancer dans la voie de l’Union, le débat s’est focalisé sur la perspective de la monnaie unique, baptisée « euro », dont l’entrée en vigueur est prévue en 1999. La volonté de Jacques Chirac et celle du chancelier Helmut Kohl ont été déterminantes pour l’adoption, à la fin de l’année, du « pacte de stabilité et de croissance » qui doit permettre d’encadrer cette marche vers la monnaie unique. Mais le prési-

« dent français a dû ten ir compte de la proposi­ tion, émise par son prédécesseur Valéry Giscard d'Estaing, de décrocher ni plus ni moins le franc du deutschemark.

Cette suggestion peu ortho­ doxe, en rupture avec la doctrine du franc fort, avait reçu un accueil enthousiaste sur les bancs de l'Assemblée nationale, et principalement sur ceux du RPR, mais aussi auprès de Philippe Seguin, président de l'Assemblée et adversaire de la politique éco nomiq ue conduite par le gou­ vernement Juppé.

Toutefois, il est un poi nt sur lequel, dans sa grande majorité, la classe poli­ tique française s'accorde : la création de l'euro n'aura de sens que si cette monnaie nouvelle devient un instrument au service des intérêts commerciaux de l'Europe.

En d'autre termes, tous rêvent d'utilis�r l'euro dans la guerre com­ merciale avec les Etats-Unis, tout comme Bill Clinton a utilisé le dollar pour promouvoir les intérêts américains.

C'est, en effet, le cours du dollar qui a pe rm is aux États-U nis de rétablir l'équilibre avec le Japon.

La peur de ce redou­ table concurrent élait dominante à la fin du man­ dat de George Bush en 1992.

C'était l'époque où les Américains craignaient qu'avec la mondiali­ sation leur économie soit affaiblie sous la pres­ sion nippone.

Qu:.�tre ans plus tard, c'est au tour du Japo n d� vivr:: des difficultés po li ti ques et sociales face à un e Amérique redevenue forte et prospère.

UNE IMPOPULARJTÉ RECORD Un chômage endémique, une activité éco­ nomique atone, un avenir qui paraît compromis par de nombreuses contraintes, notamment monétaires : un tel paysage est évidemment propice au développement des mécontente­ ments catégoriels, sur fonds d'impopularité du gouvernement Juppé.

Cette dégrada tion de l'image du couple exécutif -Jacques Chirac ayant été également atteint par une très forte baisse de �a cote dans l'opinion -a naturel­ lement nourri, tout au long de l'année, des rumeurs de remaniement ministériel.

Celles-ci ont été d'autant plus insistantes que le gouver­ nement d'Alain Juppé est considéré comme celui d'une partie seulement de la maj orité, les « balladuriens » tout comme les « seguinistes >> étant ju gés trop faiblement représentés.

Même si Alain Jupp é a paru à plusieurs reprises souhaiter élargir l'assise politi qu e de son éq uipe , le prési­ dent de la République a refusé de le suivre dans cette voie, préférant sans doute ajuster son dis­ positif dans la perspective des élections législa­ tives prévues en mars 1998.

Cette échéance, pourtant encore relativement lointaine, n'a pas cessé d'agite r les esprits, car les intentions de vote, telles qu'elles sont me urées par les insti­ tuts de sondage, ont donné l'avantage à la gauche et aux socialistes tout au long de l'année.

Ces derniers ont vécu une année de remise en ordre, après la période de deuil consécutive à la mort de François Mitterrand.

Deuil au demeu­ rant partagé par une grande majorité de Français et par le président de la République lui-même qui avait su trouver les mots justes pour re n dre un ho m m ag e appuyé à son prédécesseur.

Mais les socialistes ont d'abord dû sortir de la phase de rejet qu'ils traversaient depuis les élections de mars 1993, puis, sous la houlette de leur can­ didat Lionel Jospin , reconstruire un programme et des pro po sit io ns crédibles.

Ces dernières, ren­ dues publiques à l'automne, ont marqué un retour à gauche du PS, et sont tout entières dominées par les questions de l'emploi, notam­ ment des jeunes, ct du pou­ voir d'ach at des classes moyennes.

Leur programme mêle donc ces deux objec­ tifs et s'est attiré aussitôt les foudres des milieux d'af­ faires.

Mais le candidat Jacques Chirac n'avait-il pas promis en son temps aux salar iés que >?Dans cc j e u politique ré équ ili bré entre la droite et la gauche subsiste l'inconnue qu e constitue désormais le poids de l'extrême-droite : à la tête des mairies qu'il contrôle -Toulon et O ra n ge , notamment -, le Front national a cherché à faire pré val oir ses thèm es de prédi­ lection, tel que la >.

Il a obtenu, au moins partiellement, satisfaction, car la majorité a jugé nécessaire de relancer le débat sur l'immigration à la faveur d'une discussion parlementaire destinée à durcir le dispos itif des lois Pasqua.

Au total, en 1996, la France a donné l'impres­ sion d'une plus grande fra­ gilité, d'une certaine impa­ tience sociale mêlée à une relative résigna1i9n condui­ sant le chef de 1 'Etat à affir­ mer de plus en plus souvent la nécessité de raffermir f.

CONVERGEI\Œ EXIGés PAR LE lRAITt DE MAAsrltiOIT CT 01; LES IMPOSER AUX ÉTATS MEMBRES Pl US RÉCALClTRANTS.

DEVANT AFFRONTFR UNE IMPOPULARITE ('ROISSAN'TE AINSI QUE LA « CROONE » I>E CE RT AI NS MEMBRES DE LA MAJOKI'I'� TrL PIIIL IPP E SËGUIN, 1 f.

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