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LA CRITIQUE DE LA RELIGION REVELEE AU XVIIIe siècle

Publié le 17/01/2022

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Elle était l'ennemie. Les philosophes n'auraient rien fait, aussi longtemps qu'ils n'auraient pas prouvé aux fidèles qu'elle n'avait pu se manifester, en droit; et qu'elle ne s'était pas manifestée, en fait; aussi longtemps qu'ils n'auraient pas établi que logiquement, elle ne supportait pas l'examen; et qu'historiquement, les témoignages sur lesquels elle s'appuyait ne méritaient nul crédit.
La révélation appartient à l'ordre du miracle, et la raison n'admet pas de miracles. La révélation appartient à l'ordre du surnaturel, et la raison n'admet que les vérités naturelles. Dès que la raison examine la révélation, elle y trouve du contradictoire, et par conséquent du faux. Ce qu'il y a de proprement religieux dans la religion, n'est que superstition; et, par conséquent, il faut que la raison s'attaque à cette superstition vivace et la détruise. Il n'est de croyance que rationnelle; au rationnel, le divin lui-même doit se réduire. Tels les propos qui furent alors communément tenus par les chefs du choeur dans toutes les langues. Sur la carte de l'Europe, on distingue aisément les principaux centres d'où ils partirent; les voici.
Beaucoup de bruit; des scandales successifs, dont chacun semblait si fort que l'éclat n'en pouvait être dépassé, et il était dépassé pourtant; une série d'oeuvres provocatrices, qui auraient manqué leur effet si elles n'avaient pas soulevé, chaque fois, indignation, clameurs; une chaîne d'individus qui venaient de points très différents, pour se relayer dans une même oeuvre de bravade : tel fut le spectacle qu'offrit l'Angleterre, d'où l'exemple depuis longtemps était parti.

« avait un Dieu pour prendre soin de son âme immortelle, ou s'il n'y avait pas de Dieu et pas d'âme immortelle dont ondût prendre soin.

Tel était le problème pour le commun des hommes ; vivaient-ils dans un monde gouverné par uneintelligence bienfaisante, ou dans un monde gouverné par une force sans choix ? Problème qui échauffait les esprits,problème partout débattu, dans les livres, dans la chaire, dans les salons, dans les dîners après que les domestiquesétaient sortis.

Nous ne pouvons pas davantage concevoir un philosophe ignorant ou négligeant cette question,qu'un philosophe contemporain ignorant ou négligeant la théorie des quanta...

Sous sa forme pittoresquel'observation est juste, à condition qu'on spécifie que l'accusé était le Dieu des chrétiens.De ce procès on parlait, en effet, dans les lettres qu'on échangeait à travers l'Europe; on parlait dans les journaux;on parlait dans les épîtres, odes, dithyrambes, et jusque dans les petits vers légers qu'on mêlait à la prose.

On enparlait chez les rois et chez les reines, dans l'Hermitage que Caroline d'Anspach avait orné, à Richmond, des bustesde Wollaston, Clarke, Locke et Newton, et où l'évêque Butler venait exposer tous les soirs, de sept à neuf heures,les vérités de la religion; à Rheinsberg et à Potsdam; à la cour du roi Stanislas-Auguste; à Saint-Pétersbourg,devant Catherine de Russie.

On en donnait des nouvelles dans les salons, parmi les conversations que dirigeaientMme de Tencin, Mme du Deffand, Mlle de Lespinasse.

On y faisait allusion dans les séances académiques.

On lerecommençait dans les bureaux de l'Encyclopédie, à Paris.

A Berlin, au milieu de la fumée des pipes et du bruit desverres, des compagnons, qu'unissait le même souci de connaître enfin le verdict, s'entretenaient du procès sur lesbancs de la brasserie.

Les savants, dans leurs laboratoires, se penchaient sur leurs microscopes avec l'espoir dedécouvrir dans la nature quelque pièce nouvelle à verser au dossier; les voyageurs qui s'en allaient à l'étrangers'enquéraient de savoir si l'on avait, là-bas, quelque façon de l'aborder et de le résoudre.

Diderot se trouvait à lamaison de campagne de son ami d'Holbach; on avait copieusement mangé, et bu largement; on riait, on plaisantait,on se livrait à de grosses farces bouffonnes.

Et puis, comme si tout ce qui ne touchait pas au procès n'eût étéqu'un divertissement passager pour un instant d'oubli, par une pente insensible on en revenait comme malgré soi aux« questions qui ne sont pas indifférentes ».

« La sensibilité générale, la formation de l'être sentant, son unité,l'origine des animaux, leur durée, et toutes les questions auxquelles cela tient, ne sont pas questions indifférentes.

Iln'est pas indifférent de nier ou d'admettre une Intelligence suprême...

»Et toujours, de la part de ceux qui l'intentaient, une amertume, une rancoeur; toujours l'idée d'une responsabilité quis'était accrue de siècle en siècle, il était plus que temps de demander des comptes.

Le Dieu des chrétiens avait eutout le pouvoir et il s'en était mal servi; on lui avait fait confiance et il avait trompé les hommes; ceux-ci, sous sonautorité, avaient fait une expérience qui n'avait abouti qu'au malheur.

Pourquoi, demandait-on, le Christ était-ilsombre et triste ? « Sans la religion, nous serions un peu plus gais.

» 2 Pourquoi son royaume n'était-il pas de cemonde ? « Loin de combattre, que la religion fortifie dans l'homme l'attachement aux choses terrestres.

» 3 Pourquoia-t-il conseillé l'humiliation de la chair ? Quel triomphe accablant, quelle indigne victoireCherchez-vous tristement à remporter sur vous ?Votre esprit éclairé pourra-t-il jamais croireD'un double testament la chimérique histoire,Et les songes sacrés de ces mystiques fousQui, dévots fainéants, sots et pieux loups-garous,Quittent de vrais plaisirs pour une fausse gloire ?Le plaisir est l'objet, le devoir et le butDe tous les êtres raisonnables... Raisonnable, voici justement ce qu'il n'était pas; il n'était même pas logique.

Jugé suivant les lois de notre logique etde notre raison, le plan de sa Providence était incohérent.

C'est ce que disait Voltaire, en continuant son Épître àUranie, résumé de ses griefs : Je veux aimer ce Dieu, je cherche en lui mon père,On me montre un tyran que nous devons haïr.Il créa des humains à lui-même semblablesAfin de les mieux avilir;Il nous donna des coeurs coupablesPour avoir droit de nous punir ;Il nous fit aimer le plaisirPour mieux nous tourmenter par des maux effroyables,Qu'un miracle éternel empêche de finir.Il venait de créer un homme à son imageOn l'en voit soudain repentirComme si l'ouvrier n'avait pas dû sentirLes défauts de son propre ouvrage... Ou pour résumer tous les reproches en un seul, Dieu nous a proposé une énigme; il pouvait nous l'expliquer, il ne l'apas voulu.

Un jour, La Condamine en avait composé une et l'avait lue à des amis formés en cercle autour de lui.

Ason étonnement, ceux-ci avaient aussitôt trouvé le mot.

C'est qu'il l'avait écrit en gros caractères sur le dos de sonpapier.

Ah! que Dieu n'en a-t-il fait autant! « Si Dieu nous eût traités comme l'étourdi et bon La Condamine nous ne. »

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