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1998 : exit Bruno Mégret

Publié le 17/01/2022

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21 avril 2002 QUELLE bronca ! Ce 5 décembre 1998, le huis-clos qui entoure les travaux du conseil national du Front national ne peut empêcher les journalistes d'entendre les clameurs, éclats de voix et huées qui s'échappent du premier étage de la Maison de la chimie. Le licenciement quelques jours plus tôt de deux collaborateurs de Bruno Mégret en est la cause immédiate. Les contestataires dénoncent les prémices d' « une purge annoncée », « la démégrétisation » du mouvement. Interrompu, critiqué, sifflé, Jean-Marie Le Pen voit son autorité contestée pour la première fois. « Lepénistes » et « mégrétistes » manquent d'en venir aux mains. La crise, souterraine depuis des mois, a atteint un point de non- retour. Elle s'est nouée au début de l'été, quand Jean-Marie Le Pen, menacé d'inéligibilité, a suggéré de confier à sa femme Jany la tâche de conduire la liste du FN aux élections européennes. Mais cette candidature était surtout un chiffon rouge destiné à pousser à la faute Bruno Mégret, que le président du FN appelle, en privé, « le petit ». « Ce serait un comble que certains veuillent profiter des coups qui me sont portés pour se promouvoir dans le parti », avait-il averti. Fin août, le piège à Mégret commence à se refermer. « Ce n'est pas une bonne idée », estime publiquement Bruno Mégret. Sans égard pour la base militante, sensible à l'argument avancé par Bruno Mégret, « lorsque le chef est empêché, c'est son second qui le supplée », Jean-Marie Le Pen corrige aussitôt l'impétrant en place publique : « Il n'y a qu'un seul numéro au FN, c'est le numéro un », martèle-t-il à Toulon. Depuis 1997, la popularité croissante du délégué général, auréolé de sa victoire à Vitrolles, irrite le président. Au congrès de Strasbourg, en mars 1997, il assiste impuissant à l'ascension des mégrétistes, élus largement en tête au comité central, alors que sa fille Marine y échoue. Jugeant son autorité atteinte, Jean-Marie Le Pen est décidé à porter l'estocade. Il va s'y employer tout au long de l'automne. Comme l'explique crûment Dominique Chaboche, premier vice-président du FN, le 8 octobre aux conseillers régionaux FN de Haute-Normandie médusés, il veut « une rupture avec Bruno Mégret, ses hommes, ses techniques, ses méthodes ». Jean-Claude Martinez, opposant résolu au délégué général, qu'il critique publiquement avec l'onction de M. Le Pen, se voit confier la direction de la campagne européenne. Un climat de suspicion règne au « Paquebot », où les services gérés par des proches de Bruno Mégret sont placés sous contrôle ou privé de moyens. Jean-Marie Le Pen lui-même réunit le personnel pour exiger de ne plus voir qu'une seule photo, la sienne. « Les photos de ses amis, on les met dans son portefeuille », lâche-t-il. C'est dans ce climat détestable que se réunit le conseil national. Deux jours auparavant, Libération a publié le fac-similé d'un embryon de liste européenne. Bruno Mégret y est mentionné en dixième position assorti de la mention « sauf si exit ». « C'est un faux », s'insurge Jean-Marie Le Pen, sans convaincre. Les contestataires de la Maison de la chimie, comme la base du FN, réclament un « ticket Le Pen-Mégret ». En vain. Le 6 décembre, Jean-Marie Le Pen dénonce, au micro du « Grand Jury RTL -Le Monde » un « pu-putsch » mené par « une minorité extrémiste, activiste » et même « raciste ». Dès lors, tout va très vite. Le 7 décembre, Serge Martinez, membre du bureau politique et secrétaire national aux fédérations, qui ne passe pas pour être mégrétiste, propose la tenue « d'urgence » d'un « congrès de l'unité ». Pour cela, il faut que 20 % des adhérents en fassent la demande. Il est aussitôt démis de toutes ses fonctions par Jean-Marie Le Pen pour qui cette demande est « un crime contre la France ». Seize mille adhérents sur quarante mille signeront pourtant cette demande de congrès, à laquelle Bruno Mégret se rallie le 9 décembre. Les exclusions se multiplient. Déterminé à rester seul maître à bord, Jean-Marie Le Pen use de tout son verbe pour vilipender « une poignée de lieutenants et de quartiers-maîtres félons » appuyés, assure-t-il, par « de très puissants capitalistes proches de l'Elysée ». Le 11 décembre, à Metz, il se à César à ce détail près qu'il clame en mimant la scène : « Moi, je sors mon épée et je tue Brutus, avant qu'il ne me tue. » La contre-attaque réussit, mais l'hémorragie est importante. Plus de la moitié des cadres ont suivi Bruno Mégret et fondé, à Marignane, les 23 et 24 janvier 1999, ce qui allait devenir le Mouvement national républicain. Parmi eux, plus d'une centaine de conseillers régionaux, dont le départ s'est cruellement fait sentir quand Jean-Marie Le Pen était à la recherche de ses 500 parrainages. MICHEL SOUDAIS Le Monde du 29 avril 2002

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