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Abdallah, militaire discret héritier de la couronne

Publié le 17/01/2022

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7 février 1999 Il était jusqu'à présent un prince sans histoire. Général dans le civil, bon père de famille, amateur de voitures de course et président de la modeste fédération jordanienne de football. Puis l'histoire s'est accélérée. Rongé par la maladie et sentant sa fin proche, son père, le roi Hussein, décide, le 25 janvier, de bouleverser un ordre de succession figé depuis plus d'un quart de siècle et de propulser Abdallah au premier rang. Avec Hussein, Abdallah partage une silhouette trapue, un passage à l'académie militaire de Sandhurst, en Grande-Bretagne, et une accession précipitée au trône jordanien. Mais la comparaison trouve rapidement ses limites. A trente-sept ans, le jeune souverain reste avant tout un personnage méconnu. Sa vie épouse pourtant les méandres d'un royaume dessiné de bric et de broc par les Britanniques pour une vieille dynastie chassée de la Mecque par les Saoud. La princesse Mona, sa mère, native d'Ipswich, est née Antoinette Avril. Elle est la fille d'un conseiller militaire britannique, le colonel William Gardiner, spécialiste du Génie et installé en Jordanie en 1958. Le colonel Gardiner s'inscrit dans une véritable lignée de conseillers militaires britanniques mis au service de la couronne jordanienne, parmi lesquels John Bagot Glubb, plus connu sous le nom de Glubb Pacha. Deuxième épouse du roi qui se marie avec elle le 25 mai 1961, convertie à l'islam (ce qui permet aujourd'hui à Abdallah d'accéder au trône), la princesse Mona lui donne prématurément son premier fils, Abdallah, le 30 janvier 1962. Désigné prince héritier à l'âge d'un an, il le demeure jusqu'à sa troisième année. Cible de nombreux attentats, le roi Hussein décide alors de confier le titre à son propre frère Hassan, afin d'éviter, en cas de malheur, une trop longue régence. L'enfant grandit pour moitié en Jordanie et pour moitié dans le Surrey où il fréquente St Edmund's school. Après le divorce de ses parents, en 1972, il ira aux Etats-Unis étudier à la Deerfield Academy, avant de retourner en Grande-Bretagne, à Sandhurst puis à Oxford, où il suit une spécialisation en politique internationale pendant un an. De ces longs séjours hors du royaume, Abdallah a gardé une aisance à s'exprimer en anglais qui tranche avec le caractère encore perfectible, selon certains observateurs, de son arabe. Rentré au pays en 1984, le jeune prince s'engage alors dans la carrière militaire. Il y gravit rapidement les échelons, dans la discrétion qui sied à l'institution. Il interrompt son parcours pour suivre des cours dans des académies militaires américaines et à la Georgetown University de Washington. Promu général en 1994, on lui confie en 1997 la responsabilité des forces spéciales. Ce commandement lui permet de se mettre en évidence lors de l'arrestation d'un gang responsable de la mort de 8 personnes à Amman. Tradition patrilinéaire Abdallah a épousé, en 1993, Rania Yassin, une jeune Palestinienne issue d'une famille de Toulkarem, en Cisjordanie, une origine qui ne peut déplaire à la majorité de la population jordanienne issue de l'ancienne Palestine. La princesse, née dans le Golfe, a fait partie de ces milliers de Jordaniens rapatriés dans leur pays, souvent dans des conditions difficiles, à la suite de l'invasion du Koweït. Deux enfants sont nés de cette union, Hussein, en 1994, puis Iman, en 1996. En choisissant son fils Abdallah contre son frère Hassan, le roi Hussein s'est conformé aux institutions jordaniennes et à la tradition patrilinéaire de transmission du pouvoir qui fait la spécificité de la dynastie hachémite, dans une région où les successions sont souvent autant de chausse-trappes. Mais le "petit roi" a aussi voulu faire prévaloir une vision de la Jordanie sur une autre : celle du militaire attaché à son "héritage", plutôt que celle de l'ancien étudiant d'Oxford, familier des cercles d'intellectuels, marié à une Pakistanaise. Il appartient maintenant à Abdallah de se faire un surnom. GILLES PARIS Le Monde du 6 février 1999

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