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Amérique latine, indépendance de l'

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Amérique latine, indépendance de l', ensemble de processus politiques et militaires qui ont abouti, entre 1808 et 1826, à la séparation des territoires espagnols situés sur le continent américain, allant de la Californie au Cap-Horn. Cet ensemble colonial a été ainsi transformé pour donner naissance aux États indépendants de l’actuelle Amérique latine.

2   LES CAUSES DE L’INDÉPENDANCE

L’historiographie a longtemps voulu voir dans les insurrections indigènes du xviiie siècle — communes du Paraguay (1717-1735) et de Nouvelle-Grenade (1781-1782), soulèvement de José Gabriel Condorcanqui, dit Túpac Amaru, au Pérou (1780-1781) — les signes avant-coureurs de l’indépendance de l’Amérique latine. Les causes de cette indépendance sont néanmoins plurielles.

Aux facteurs d’ordre économique (restrictions commerciales et de production, pression fiscale) peuvent s’ajouter les raisons politiques (privilèges en faveur des péninsulaires, despotisme des autorités), mais aussi la diffusion des nouvelles idées politiques. Toutefois, on doit également prendre en compte les conséquences d’une situation internationale caractérisée par la déchéance militaire et dynastique de la couronne espagnole et son incapacité à protéger et à contrôler ses colonies d’outre-mer.

Si ces facteurs généraux restent fondés pour l’ensemble des territoires espagnols, il semble également pertinent d’analyser ce mouvement pour chacune des régions intéressées. En effet, ce qui peut apparaître déterminant dans le processus d’émancipation de la Nouvelle-Espagne (Mexique) peut s’avérer secondaire en Nouvelle-Grenade ou insignifiant au Río de la Plata.

La participation des populations indiennes, noires et métisses, de même que la riposte des armées coloniales, varient d’une région à l’autre et souvent à l’intérieur d’un même territoire. Le contenu libéral et révolutionnaire du mouvement est également fluctuant. On peut aussi affirmer que dans certaines régions (Nouvelle-Espagne ou Venezuela), on assiste à de véritable guerres civiles. Quoi qu’il en soit, il semble possible d’isoler deux grands types de causes.

2.1   Les facteurs internes

Les facteurs internes trouvent leur origine dans le développement de la société hispano-américaine, mais aussi dans les réformes appliquées dès la seconde moitié du xviiie siècle, visant à augmenter les bénéfices de la métropole. Les Bourbons d’Espagne, dans la diversité de leurs méthodes, ont voulu renforcer le Pacte colonial et favoriser l’exploitation plus rationnelle des ressources disponibles, y compris par la libéralisation des échanges. Si les résultats ont été tangibles au niveau économique, il n’en demeure pas moins que l’application d’une telle politique a aiguisé les conflits déjà existants : d’abord, au sein de l’administration coloniale elle-même, avec l’arrivée de nouveaux fonctionnaires, puis à l’intérieur des corporations et des milieux concernés par les réformes. La reprise en main de l’État et la réorganisation administrative ont mis en évidence la corruption des autorités espagnoles.

Les besoins de la couronne et sa recherche de nouveaux gisements financiers, auprès des commerçants et des propriétaires des Consulados, ou dans les coffres-forts de l’Église et des ordres, ont mis en relief l’accumulation énorme des richesses et leur inégale distribution. Une telle prise de conscience n’est pas restée sans conséquences. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’en Nouvelle-Espagne, des représentants du bas clergé, tels Miguel Hidalgo y Costilla ou José María Morelos y Pavón, soient à la tête de la contestation et prennent une part active à la lutte pour l’indépendance.

Toutefois, la complexité de la période peut être déconcertante. Contrairement à certains récits exaltés et romantiques des Criollos (c’est-à-dire des Créoles autochtones), il n’y a pas eu, toujours et partout, un soutien massif aux armées séparatistes. La participation des Indiens et des Noirs a été vérifiée dans les deux camps. Il y a eu, d’un côté, la fidélité à la couronne et aux hiérarchies catholiques qui a pu jouer une influence dans les choix du peuple. Mais il y a également eu l’identification des armées indépendantistes, et du projet républicain lui-même, aux intérêts des propriétaires terriens criollos. Ceci a naturellement provoqué le rejet des couches populaires de la société coloniale. Le conflit a même pu prendre la tournure d’une guerre civile, voire sociale, lorsque les masses indiennes et les esclaves ont voulu radicaliser le mouvement et retourner leurs armes contre les chefs militaires criollos. Le grand nombre de morts, la destruction matérielle et l’apparition du militarisme trouvent aussi leurs explications dans cet affrontement généralisé.

Mais ce sont bien les Criollos qui ont réussi à imposer leurs intérêts et qui ont recueilli l’héritage colonial. Ayant fait des cabildos (conseils municipaux) leur fief naturel, ils les ont transformés en point d’appui pour la constitution des juntas (juntes) de gouvernement. Leurs réclamations contre les autorités coloniales, essentiellement constituées de péninsulaires, ont été l’un des leviers politiques de la lutte séparatiste.

Mais on peut également souligner que la diffusion des idéaux libéraux et révolutionnaires contraires à la politique menée par l’Espagne en Amérique a exercé une influence notable dans les choix intellectuels et politiques de quelques-uns des principaux chefs de l’indépendance. Il en est de même pour ce qui concerne leurs liens avec les loges maçonniques (telle la Logia Lautaro), dont les origines remontent souvent aux séjours d’études que ces derniers ont effectués à Londres, à Paris ou à Madrid.

2.2   Les facteurs externes

Certains événements extérieurs au continent ont eu aussi des répercussions déterminantes. La déclaration d’Indépendance des États-Unis, de même que la Révolution française, ont constitué des modèles à suivre et ont servi de justification idéologique aux conflits. Les idées encyclopédiques et libérales en provenance de France et d’Angleterre, et les relations qu’entretiennent entre eux nombre de dirigeants indépendantistes, ont eu un impact tout aussi profond. Par ailleurs, Francisco de Miranda, Simón Bolívar, José de San Martín, Mariano Moreno, Carlos de Alvear, Bernardo O’Higgins, José Manuel Carrera, Juan Pío de Montúfar et Vicente Rocafuerte ont pu conserver des contacts étroits avec les centres politiques des États-Unis, de France et d’Angleterre.

Il faut également souligner que les courants indépendantistes de l’Amérique espagnole bénéficient de la conjoncture politique, de la guerre et des idéologies nouvelles qui ont cours en Espagne. L’éviction de la dynastie des Bourbons et l’invasion de la péninsule Ibérique par les troupes napoléoniennes donnent lieu à la guerre d’Indépendance espagnole (1808-1814), qui affaiblit la puissance colonisatrice et favorise la création de juntas (embryons de pouvoir autonome) dans les principales villes américaines. Certaines d’entre elles reconnaissent l’autorité royale, tout en mettant sur pied les premiers éléments sur la base desquels se développe par la suite le processus d’indépendance.

Les Cortes de Cadix et la Constitution libérale de 1812 donnent lieu au rétablissement de l’autorité espagnole et modèrent les agissements des indépendantistes les plus radicaux. Mais elles permettent, en même temps, d’enraciner certains éléments d’une pratique électorale inédite. Une nouvelle voie se fait jour, celle d’un changement de régime en Espagne qui suggère une organisation politique distincte dans les territoires hispano-américains.

La réaction absolutiste de 1814, en Espagne, produit un changement radical dans la gestion de la crise. Des ordres formels sont envoyés aux autorités espagnoles d’Amérique pour qu’elles donnent priorité à la répression et à la solution militaire. Des renforts, en hommes et en armes, arrivent notamment en Nouvelle-Grenade et au Venezuela, pour combattre les révolutionnaires, ce qui favorise en retour la radicalisation des indépendantistes.

Plus tard, le succès du pronunciamiento (coup d’État) libéral de Rafael del Riego à Cabezas de San Juan, en 1820, empêche l’embarquement de troupes espagnoles à destination de l’Amérique et facilite les dernières campagnes militaires des patriotes américains qui les conduisent au triomphe et à l’indépendance.

Chronologiquement, il est possible de distinguer deux phases. La première, qui couvre la période entre 1808 et 1814, se caractérise par l’action des juntas qui se constituent dans les villes les plus importantes pour faire face aux événements survenus dans la péninsule. La seconde phase (1814-1824) est marquée par la généralisation du conflit armé entre patriotes et royalistes.

3   L’ACTION DES JUNTAS (1808-1814)

Le début de la lutte pour l’émancipation des colonies hispano-américaines appelle une analyse spécifique des différentes zones de l’Amérique espagnole.

3.1   Dans le Río de la Plata

La victoire retentissante des milices urbaines de Buenos Aires, en 1806 et 1807, contre l’expédition militaire britannique qui prétendait occuper le port, a préparé le terrain à la contestation. Héros de la résistance contre la flotte anglaise, Jacques Liniers (militaire français au service de l’Espagne) devient gouverneur de Buenos Aires, puis vice-roi de La Plata.

Au vu de la faiblesse espagnole, des groupes intellectuels et révolutionnaires criollos (créoles) souhaitent aller au-delà et préconisent l’autonomie, ce qui fait peur aux péninsulaires qui cherchent à se débarrasser de Liniers. Celui-ci est alors remplacé par le marin Bartolomé Hidalgo de Cisneros.

Mais l’initiative est reprise par les Criollos et les milices de Buenos Aires, les 18-19 mai 1810, par le biais du cabildo (ou conseil municipal). La « Révolution de mai « est alors en marche. Un congrès représentatif est convoqué et, le 25 mai, est constituée la Junte patriotique, où le radical Mariano Moreno prêche la rupture d’avec la métropole tout en insistant sur le nécessaire changement social.

À Montevideo, la première junta se forme, le 21 septembre 1808, mais c’est l’œuvre des Espagnols qui craignent la contagion révolutionnaire venant de Buenos Aires. Le gaucho José Gervasio Artigas contrôle la zone dite de la Banda Oriental qui couvre une partie des territoires du Río de la Plata. Artigas forme un groupe de volontaires qui parvient à vaincre les royalistes à Las Piedras, le 18 mai 1811, mais ne peut occuper Montevideo en raison de l’accord signé, en novembre de la même année, entre l’ancien gouverneur Francisco Javier Elío et les représentants de Buenos Aires, désireux de contrôler toute la vice-royauté.

Après avoir résisté aux troupes de Manuel Belgrano envoyées par les révolutionnaires de Buenos Aires, José Gaspar Rodríguez Francia proclame l’indépendance du Paraguay, le 14 mai 1811 ; il impose un régime personnel et ferme le pays à tout contact avec l’extérieur.

À Buenos Aires, la junte est divisée entre radicaux et réformistes. Ces derniers prennent l’initiative et consolident leur hégémonie, après le décès de Moreno. En septembre 1811, un triumvirat, dont Bernardino Rivadavia est secrétaire, contrôle le pouvoir. Les rivalités sont surtout d’ordre politique. Alors que Buenos Aires et Rivadavia défendent l’unité de la vice-royauté, les provinces penchent vers le fédéralisme. On est au point de départ de l’un des clivages fondamentaux de la vie politique argentine du xixe siècle.

3.2   Au Haut-Pérou (Bolivie)

Au Haut-Pérou, la junta de Chuquisaca (actuelle ville de Sucre) est la première à rompre ouvertement avec les autorités espagnoles dès le 25 mai 1809. À sa tête, on trouve un triumvirat composé de Monteagudo, Zudañez et Lemoine. Le mouvement est suivi par la formation de la junta de La Paz, le 16 juillet 1809, menée par Pedro Domingo Murillo. D’inspiration radicale et nettement anti-espagnole, cette dernière est vite réduite par les royalistes, conduits par le général José Manuel de Goyeneche, qui ordonne l’exécution de Murillo, le 10 janvier 1810. Les dirigeants de la junta de Buenos Aires (mai 1810) envoient des troupes en renfort, et contraignent Goyeneche à signer un armistice en novembre 1810, ce qui met un terme provisoire aux affrontements. Les hostilités reprennent en 1812, la région passant sous le contrôle du vice-roi du Pérou, José Fernando Abascal.

3.3   En Nouvelle-Grenade (Colombie) et au Venezuela

La figure de Simón Bolívar, el Libertador, domine le mouvement d’indépendance en Nouvelle-Grenade et au Venezuela. Après la rébellion du cabildo (conseil municipal), en 1808, qui est désavouée et réprimée par l’Audiencia (l’Audience royale) et le Capitaine général, une junta est formée à Caracas, le 19 avril 1810. Elle s’oppose à ses débuts au Capitaine général Vicente Emparán, partisan de Napoléon, et se pose en conservatrice des droits de l’Espagnol Ferdinand VII.

Le 5 juillet 1811, elle proclame cependant l’indépendance et la constitution d’une République fédérale. Toutes les provinces ne sont pas d’accord et certaines (Coro, Maracaibo, Guayana) deviennent des bastions des forces royalistes. Celles-ci gagnent le soutien populaire et combattent la République. Le vieux révolutionnaire Francisco de Miranda arrive de Londres et assume la défense de Valencia et de Caracas avec peu de succès, avant d’être capturé par les Espagnols, grâce à la complicité de certains révolutionnaires. En 1812, les troupes royalistes, venues de Porto Rico, sous le commandement du général Monteverde, sont victorieuses, d’abord à Puerto Cabello, puis elles entrent à Caracas, où elles se livrent à des pillages.

3.4   Au Chili

La crainte de la « Révolution de mai « à Buenos Aires (1810) fait que l’Audiencia de Santiago remercie le gouverneur Francisco García Carrasco. La présidence est confiée à Mateo de Toro y Zambrano, comte de la Conquista, qui maintient une apparence de fidélité à la couronne d’Espagne. Le cabildo de Santiago, imprégné des idées révolutionnaires, est le théâtre de discussions sur l’avenir du territoire et la souveraineté espagnole en Amérique. Un cabildo abierto (séance municipale ouverte aux habitants), convoqué le 18 septembre 1810, aboutit à la formation d’une junte de gouvernement qui, fidèle à Ferdinand VII d’Espagne, souhaite néanmoins la convocation d’un congrès national. Là encore, des divergences ne tardent pas à apparaître. En avril 1811, les modérés partisans du maintien des liens avec l’Espagne, dont Juan Manuel de Ovalle, s’imposent face aux radicaux Bernardo O’Higgins et Juan Martínez de Rozas. En juillet 1811, le jeune militaire de sensibilité radicale, José Miguel Carrera Verdugo, s’empare du pouvoir. Grâce au Reglamento Constitucional (Règlement constitutionnel en 27 articles) du 27 octobre 1812, il établit une dictature personnelle et cherche à renforcer l’organisation militaire du mouvement, face aux menaces de Lima, réservoir des troupes royalistes.

3.5   En Nouvelle-Espagne (Mexique)

Dans la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne, principale colonie d’Amérique latine, les débuts du mouvement indépendantiste revêtent un caractère populaire, insurrectionnel et révolutionnaire.

Jugé trop proche des Criollos (Créoles), le vice-roi José Iturrigaray est destitué et renvoyé en Espagne, le 15 septembre 1808, moyennant un coup d’État perpétré par des hommes de main des commerçants espagnols et avec l’approbation de l’Audiencia et du Consulado de Mexico. Le mécontentement des Criollos est grand, d’autant qu’il est exacerbé par l’aggravation de la pression fiscale. La crise agricole de 1809 accentue le malaise et crée les conditions pour la riposte. La conspiration débute à Querétaro, et ouvre la voie au soulèvement populaire dirigé par le curé Miguel Hidalgo y Costilla à Dolores (Guanajuato), le 16 septembre 1810. La révolte est placée sous l’invocation de la Vierge de Guadalupe, qui devient vite le symbole de la lutte contre les Espagnols. Appuyée dans un premier temps par les Criollos et par le cabildo (conseil municipal) de Guanajuato, le mouvement se radicalise et déborde le cadre initial. Effrayés par l’ampleur de l’insurrection et par les revendications des Indiens et des esclaves, les Criollos cessent de soutenir Hidalgo y Costilla. Les troupes du vice-roi Venegas et du général Calleja défont les rebelles à Guanajuato et à Puente Calderón et les principaux responsables de l’insurrection sont exécutés en 1811.

Le soulèvement se poursuit néanmoins, relayé par les forces du curé d’Indiens José María Morelos y Pavón, fortement indépendantiste et partisan de la révolution sociale. Le mouvement s’étend vers le sud du pays. Les insurgés occupent Oaxaca et Acapulco. Après avoir convoqué le congrès de Chilpancingo (ou de l’Anáhuac), Morelos décrète l’abolition de l’esclavage, en octobre 1813, et proclame une éphémère indépendance du Mexique, le 6 novembre 1813. Harcelé par les troupes espagnoles, le congrès devient itinérant, mais il parvient à rédiger et à approuver la première Constitution du Mexique indépendant, dans la ville d’Apatzingan, le 22 octobre 1814. Les divergences chez les révolutionnaires affaiblissent le mouvement et annoncent la reprise en main royaliste. Par ailleurs, les Criollos ne sont pas partisans d’une indépendance et d’une République semblables à celles que les révolutionnaires préconisent. L’énergique et sanglante répression menée par le nouveau vice-roi Calleja s’achève avec l’exécution de Morelos, en 1815, et le rétablissement de l’autorité royale.

4   LES GRANDES CAMPAGNES MILITAIRES (1814-1824)

La réaction absolutiste espagnole veut résoudre la crise en appliquant la solution militaire et envoie des renforts en Amérique.

4.1   La réaction espagnole

Les royalistes reprennent l’initiative à partir des victoires remportées à Maturín et à Urica par Tomás Boves à la tête des llaneros (habitants des plaines) de l’Orénoque, fin 1814, même si le caudillo est tué au combat. Simón Bolívar doit fuir la Nouvelle-Grenade, et se réfugie aux Caraïbes où il rédige la célèbre Carta de Jamaïca dans laquelle il dresse la carte des futurs États indépendants d’Amérique latine et réfléchit aux conséquences des trois siècles de colonisation. En mai 1815, l’armée royaliste du général Pablo Morillo entre à Caracas et procède à une dure répression.

Dans le Haut-Pérou, les royalistes ont repris le contrôle de la plus grande partie du territoire, après les victoires du général espagnol Joaquín de la Pezuela à Vilcapuquio et à Ayohuma (octobre-novembre 1813). Au Chili, la mésentente qui règne entre José Miguel Carrera Verdugo et Bernardo O’Higgins, conjuguée à l’efficacité des renforts envoyés par Lima, conduisent les royalistes à la victoire, à Rancagua, en octobre 1814. O’Higgins traverse les Andes et rejoint les troupes de José de San Martín. En 1816, la seule cause indépendantiste qui semble victorieuse se trouve en Argentine.

4.2   Les grandes expéditions

La guerre se généralise à compter de 1817, et le retour en force des loyalistes est progressivement sapé. Au congrès d’Angostura (février 1819), Simón Bolívar est nommé président de la république du Venezuela ; la victoire du llanero José Antonio Páez sur Pablo Morillo à Las Queseras (avril 1819) permet à Bolívar de traverser les Andes, d’occuper Tunja, de remporter les batailles du Pantano de Vargas et de Boyacá (respectivement les 6 juillet et 7 août 1819) et d’entrer à Santa Fe de Bogotá la même année. À la fin de l’année, la république de Grande-Colombie est constituée, réunissant les territoires actuels de l’Équateur, du Panamá, de la Colombie et du Venezuela. Bolívar en assure la présidence. Le 24 juin 1821, le Libertador remporte un nouveau succès, à Carabobo, ce qui scelle l’indépendance définitive de la nouvelle République colombienne.

Dans le Sud, le général José de San Martín forme une armée à Mendoza, traverse les Andes en direction du Chili et remporte la bataille de Chacabuco, le 12 février 1817. Les royalistes remportent d’autres succès à Talcahuano (octobre 1817) et à Cancha Rayada (mars 1818) et sont sur le point de récupérer Santiago lorsque la victoire des patriotes à Maipú (5 avril 1818) assure l’indépendance du Chili. Les succès argentins au Chili ne se répètent pas dans la Banda Oriental où les troupes du littoral défont celles de Buenos Aires à Cepeda, le 1er février 1820, consolidant la ségrégation de l’Uruguay qui se proclame république indépendante. Mais José Gervasio Artigas n’est plus le maître de la situation ; d’autres caudillos, souvent ses ennemis, ont pris sa succession.

Avec l’appui de la flotte commandée par lord Cochrane, San Martín entame la campagne du Pérou, parvient à occuper Lima et proclame l’indépendance du pays, le 28 juillet 1821. Nommé « protecteur « du Pérou, il convoque un congrès constituant, en 1822, et se rend à Guayaquil pour s’entretenir avec Simón Bolívar. Entérinant les divergences entre les deux militaires, cette entrevue est aussi l’occasion d’un partage du pouvoir — partage qui profite essentiellement à Bolívar.

4.3   L’indépendance du Mexique

Malgré les rébellions manquées d’Hidalgo y Costilla et de Morelos et l’échec de la fulgurante expédition de Francisco Xavier Mina (el Mozo) en 1817, Vicente Guerrero parvient à maintenir l’insurrection dans le sud de la Nouvelle-Espagne, mais elle reste localisée et limitée. Pourtant, en 1821, Agustín de Iturbide, officier de l’armée espagnole, prend contact avec Guerrero et entame des négociations en vue d’une pacification du pays. Propriétaire terrien, catholique convaincu et militaire hostile aux projets révolutionnaires, Iturbide a gagné le soutien des Criollos du vice-royaume (c’est-à-dire des Créoles), qui veulent se débarrasser de la tutelle espagnole mais conserver en même temps leurs richesses et leur pouvoir. Le 24 février 1821, il établit un programme connu sous le nom de plan d’Iguala (ou « de las Tres Garantías «) qui comporte trois points : l’indépendance du Mexique, le respect et la défense du catholicisme — et celle du patrimoine de l’Église — et l’unité des Espagnols et des Mexicains. Vicente Guerrero signe ce plan, où il voit la meilleure des solutions possibles. Le 24 août 1821, Iturbide et le vice-roi Juan O’Donojú, qui arrive d’Espagne mandaté par le gouvernement libéral, signent le traité de Córdoba qui reconnaît l’indépendance du Mexique, sur la base du plan d’Iguala.

4.4   L’indépendance du Brésil

L’invasion de la péninsule Ibérique par les troupes napoléoniennes oblige Jean VI, régent du Portugal (mais souverain de facto), à se réfugier au Brésil en 1807. C’est la première fois qu’un monarque européen débarque sur le Nouveau Monde. L’ensemble des organismes du pouvoir royal sont installés à Rio de Janeiro. Fait majeur pour son évolution ultérieure — d’autant que le souverain multiplie les mesures de libéralisation —, le Brésil est désormais gouverné à partir de son propre territoire et non plus depuis Lisbonne.

Malgré la chute de Napoléon Ier, Jean VI décide de rester au Brésil et, en décembre 1815, il proclame de façon officielle l’existence du « royaume du Brésil «. Néanmoins, d’importants noyaux d’indépendantistes se sont formés à Bahia et à Rio, villes d’où se répandent les idées libérales et révolutionnaires en provenance d’Europe. Par ailleurs, la présence accrue des Portugais et l’ouverture des marchés décrétée par la couronne sont de nature à aiguiser le conflit avec les fonctionnaires autochtones et les producteurs locaux. En mars 1817, une insurrection éclate à Recife mais elle est mise en échec. Au cours de l’année, les troupes portugaises occupent Montevideo lors d’une tentative d’annexion de la Banda Oriental du Río de la Plata.

En août 1820, un soulèvement militaire à Porto puis l’appel des Cortes contraignent Jean VI au retour sur le vieux continent. Le souverain quitte alors le Brésil, laissant la régence à son fils aîné Pedro. Conseillé par son ministre José Bonifacio de Andrada e Silva, Pedro déclare l’indépendance du Brésil (7 septembre 1822) et se proclame empereur sous le nom de Pierre Ier le mois suivant. La première Constitution du Brésil indépendant est promulguée le 25 mars 1824. Le Portugal ayant reconnu l’affranchissement de son ancienne colonie (1825), Pierre Ier se maintient au pouvoir jusqu’à son abdication, en 1831.

En 1898, le traité de Paris fige les statuts et les frontières des États latino-américains ayant acquis leur indépendance.

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