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Arrêt Du 15 Mars 2011. Commentaire d’arrêt.

Publié le 25/09/2012

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Une clause de non-concurrence peut être insérée dans un contrat de travail afin d’éviter, à la fin de la relation contractuelle, que le salarié ne concurrence son ancien employeur. Jusqu’à présent, la jurisprudence n’avait pas imposé aux engagements de non-concurrence figurant dans les pactes d’actionnaires qu’ils soient rémunérés, contrairement aux clauses de non-concurrence figurant dans les contrats de travail. Un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 15 mars 2011 revient sur cette distinction en imposant comme condition de sa validité que l’engagement de non-concurrence pris par un salarié dans un pacte d’actionnaires soit rémunéré. (1) En l’espèce, un salarié, en récompense de son travail, signe un pacte d’actionnaires comportant une clause de non-concurrence. Peu de temps après le salarié démissionne pour entrer au service d’une société concurrente. La société et l’actionnaire majoritaire assignent donc le salarié et la société concurrente en réparation du préjudice subi au motif que la clause de non-concurrence a été violée.  Dans un arrêt du 12 novembre 2009, la Cour d’Appel accepte leur demande au motif que « la validité d’une clause de non-concurrence insérée dans un pacte d’actionnaires n’est pas subordonnée à
l’existence d’une contrepartie financière «. Dans son arrêt du 15 mars 2011, la chambre commerciale de la Cour de Cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’Appel au motif que la clause de non-concurrence n’était assortie d’aucune contrepartie financière et énonce que « lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir d’un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, la clause de non-concurrence signée par lui, n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions sont cumulatives «. Ainsi on peut s’interroger sur la possible extension de l’existence d’une contrepartie financière à la validité d’une clause de non-concurrence à tout engagement à non-concurrence conclu dans un pacte d’actionnaires par toute personne n’ayant pas forcément la qualité de salarié. Ce revirement de jurisprudence augure-t-il une généralisation de l’exigence de la rémunération des engagements de non concurrence quel que soit leur support contractuel ? (2) Cet arrêt est un revirement de jurisprudence ainsi il est
question de savoir ce que l’arrêt a apporté de nouveau (I) et en quoi la solution a suscitée des interrogations (II).   I. Les apports de l’arrêt. La solution de l’arrêt du 15 mars 2011 est nouvelle dans la jurisprudence française ainsi il convient d’étudier les solutions jurisprudentielles antérieures à cet arrêt (A) et la portée de cet arrêt (B).   A. Les solutions jurisprudentielles antérieures à l’arrêt du 15 mars 2011. On trouve la clause de non- concurrence en droit du commercial mais également en droit du travail. Et il semblerait qu’elle soit plus restrictive en droit du travail qu’en droit commercial. En effet, en droit du travail « d’une part, qu’elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et, d’autre part, qu’elle tienne compte des spécificités de l’emploi du salarié, qu’elle soit encore limitée dans le temps et dans l’espace et enfin qu’une contrepartie financière soit prévue « (3). En droit commercial, elle est soit limitée dans le temps, soit limitée dans l’espace. Ce principe est complété par la jurisprudence. Notamment l’arrêt du 4 janvier 1994 de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation estime que « même si elle est limitée dans le temps et dans l’espace, une clause de non-concurrence est nulle si elle est disproportionnée
au regard de l’objet du contrat «. Ainsi la clause de non-concurrence doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. Par la suite la Cour de Cassation a rendu plusieurs arrêts pour compléter la définition de la clause de non-concurrence qui jusque là devait être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise et limitée dans l’espace et dans le temps. En effet, dans son arrêt du 10 juillet 2002, elle impose une condition à la licéité de ces clauses. La clause doit prévoir une contrepartie financière à l’interdiction de rétablissement du salarié. C’est-à-dire qu’en contrepartie de l’interdiction prévue par la clause, l’employeur doit payer une indemnité spécifique à son salarié. Suite à cette jurisprudence, toutes les clauses ne prévoyant pas d’indemnité financière sont devenues nulles et donc inapplicables.   B. La portée de l’arrêt du 15 mars 2011. La portée de cet arrêt lui donne un intérêt considérable. En effet, jusqu’à cette décision, il n’a jamais été statué sur la validité d’un engagement à non concurrence souscrit par un salarié devenant actionnaire de la société l’employant et dans le pacte d’actionnaires conclu à cette occasion (4). C’est la première décision de la Cour de Cassation mentionnant expressément la nécessité de rémunérer
la clause de non-concurrence stipulée dans un pacte d’actionnaires et non pas dans le contrat de travail. Avant, on ajoutait la clause de non-concurrence dans le champ de la qualité d’associé de la personne, pour échapper au régime plus contraignant du travail. Il était ainsi généralement considéré qu’un tel engagement n’était pas nécessairement soumis à l’exigence d’une contrepartie financière. De plus l’arrêt transpose la solution du 10 juillet 2002 sauf que désormais on vise la cause et la qualité d’associé du salarié. « Il résulte de l’arrêt qu’il est indifférent que l’engagement soit souscrit en une qualité, celle d’actionnaire, plutôt que d’une autre, celle de salarié, et résulte d’une convention, le pacte d’actionnaires, plutôt que d’une autre, le contrat de travail «. (5) La question qui se pose alors est de savoir si la solution de l’arrêt aurait été la même si l’actionnaire visé n’était pas également salarié de la société mais simplement dirigeant non salarié.   II. Les interrogations sur l’avenir des clauses de non-concurrence. On se demande donc si la Cour de Cassation pose dans cet arrêt un principe général imposant la rémunération de la clause de non-concurrence. Des interrogations ont donc été suscitées quant à l’extension future possible de ces
clauses (A) mais également sur les conséquences que peut avoir cette extension (B).   A. Une extension future possible. L’article 1131 du Code civil dispose que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet «. De plus il existe un « principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnel. Ces deux notions permettent de penser que la jurisprudence pourrait un jour contraindre à une telle rémunération vis-à-vis non seulement des actionnaires salariés d’une société mais également vis-à-vis de leurs dirigeants non salariés. En effet, l’allocation d’une contrepartie financière est alors justifiée si, en vertu d’une clause de non-concurrence, il est interdit pour les salariés mais également les non salariés de la société d’exercer une activité similaire à celle de la société, il existe véritablement une atteinte potentielle au libre exercice d’une activité professionnelle. (6) Cependant le champ d’application de la décision reste encore flou. En effet, il n’est pas possible de déterminer si l’arrêt s’applique ou non au cas d’un associé mandataire social, au cas d’une personne ayant acquis la qualité de salarié. (7) De plus, la question de la nature et de l’importance de la contrepartie financière exigée entraine
aussi des incertitudes. Par exemple, s’agissant du cas d’un salarié devant associé, il est possible qu’un prix d’acquisition ou des conditions favorables d’accès au capital de la société concernée puissent constituer une telle contrepartie.   B. Les conséquences de cette extension. Il est certain que la nullité s’applique aux conventions déjà conclues et que la validité de l’engagement ne pourra passer que pour un accord des parties. Et   si un pacte d’engagement devient nul, il peut y avoir des conséquences négatives. Notamment, l’associé concerné pourrait se prévaloir d’un préjudice dans le sans où il est victime d’une perte de chance. De plus la modification d’un pacte d’actionnaires ne peut, sauf si le pacte a été rédigé sans des conditions particulières, intervenir sans l’accord de toutes les parties qui ont passé le pacte. Cela nécessite beaucoup de travail. Pour les pactes futurs, les contraintes résultant de l’insertion d’un engagement de non-concurrence à un pacte apparait discutable. En tout cas, « les termes des engagements à non concurrence, s’il en est stipulé, doivent désormais tenir compte de ce qui semble bien le point de départ d’une jurisprudence « (8). La question est désormais de savoir si l’existence d’une contrepartie devra toujours être ex...

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