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Article de presse: Don Sturzo, le fondateur du Parti démocrate-chrétien

Publié le 17/01/2022

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8 août 1959 - Il meurt à quatre-vingt-huit ans, mais ce n'était certes pas un vieillard oublié. Entré dans la vie politique active dans sa Sicile natale, peu avant l'arrivée de Mussolini au pouvoir, en fondant le Parti populaire italien-qui obtint dès le début un succès électoral foudroyant et qui se dissocia au vent du fascisme,-il a combattu par la parole ou par la plume jusqu'à la veille de sa mort. Même pendant les vingt ans qu'il a passés en exil en Angleterre et aux Etats-Unis pour fuir le fascisme, même revenu dans son pays en 1946, auréolé de gloire, entouré de respect unanime et nommé sénateur à vie. Il s'est retiré dans un couvent de Rome des Soeurs de Madeleine de Canossa pour n'en sortir que quelques jours par an. Don Sturzo, courbé par l'âge, la vue basse et la voix étouffée, avait conservé un esprit singulièrement vif. Il avait encore le goût de l'ironie et du paradoxe. Il savait rire et s'indigner. Dans son couvent, il travaillait de nuit, annotant les rapports parlementaires, les projets de loi, les circulaires administratives et écrivant de longs articles polémiques pour défendre ses idées, des idées à vrai dire un peu dispersées, sauf sur la foi et sur l'Eglise. Un peu socialiste et un peu libéral à la fois, économiste et humaniste, pasteur exemplaire et poète à ses heures, il a prêché un christianisme social aux contours mal définis. Il a pourfendu d'un verbe vengeur les " possédants béats ", les intrigants du pouvoir, les spéculateurs, les chefs de parti de droite et de gauche, l'idéologie marxiste, l'étatisme, les dictatures proclamées et les secrètes. Il a livré son dernier combat avec acharnement, sans succès, contre les organismes tentaculaires de l'Etat, et notamment contre Mattei-sa bête noire,-dictateur du pétrole en Italie, qui, soit dit en passant, n'a jamais été attaqué avec plus de virulence que depuis quelques mois et qui semble ne s'être jamais mieux porté. On souriait de sa " candide fureur ". Mais ce pur, doublé d'un logicien rigoureux, trouvait des accents qui faisaient souvent mal. Mussolini en a su quelque chose. Irrité par l'opposition irréductible que manifestait don Sturzo, il le convoque à Rome. Nous étions en 1921. Pourquoi m'attaquez-vous ainsi ? lui demande le Duce. -Je m'oppose à vous, fascistes, parce que vous usez de la méthode de la force, parce que je ne puis pas vous approuver et parce que nous n'avons aucun idéal commun. -Alors, dit Mussolini avec brusquerie, il est inutile de poursuivre ce dialogue... -Bah! répondit le prêtre avec froideur, je ne suis ici que parce qu'on m'a demandé de venir... Les deux hommes ne se sont pas revus. Si don Sturzo était considéré comme " le pape de la Démocratie chrétienne ", puisque aussi bien le parti dirigeant de l'Italie d'aujourd'hui est issu de l'ancien Parti populaire, il n'a jamais consenti à le patronner et ne lui a pas ménagé les réprimandes. " Je pense, a-t-il dit un jour, que le Seigneur m'a accordé à titre de pénitence de voir de mes yeux certaines choses que combinent mes amis et que jamais je n'aurais imaginées. Et c'est pourtant moi qui me suis battu pour que les catholiques entrent dans la vie publique. " JEAN D'HOSPITAL Le Monde du 11 août 1959

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