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Article de presse: Jacques Chaban-Delmas de la Résistance à la Nouvelle société

Publié le 22/02/2012

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5 juillet 1972 - Jacques Chaban-Delmas est né Jacques-Pierre-Michel Delmas, à Paris, le 7 mars 1915 : il a fait ses études au lycée Lakanal, à Sceaux, puis à la faculté de droit de Paris. Diplômé de l'Ecole libre des sciences politiques, licencié en droit, diplômé d'études supérieures d'économie politique et de droit public. L'étudiant entrera tôt dans la vie active, comme on dit, puisque à dix-huit ans, il fera ses débuts de journaliste économique à l'Information. En 1933, Jacques Chaban-Delmas est en plein dans le siècle, et il restera pour en vivre avec la même intensité les épreuves comme les honneurs. Le trois-quarts de l'équipe de rugby de Bègle n'hésite pas, sur d'autres terrains et dans d'autres sports, à se jeter dans la mêlée. On connaît la suite. Mobilisé comme fantassin de deuxième classe au 37e régiment d'infanterie à Bitche (Moselle) en 1939, major de sa promotion à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, il terminera la guerre avec le grade de général de brigade acquis à vingt-neuf ans. Entre-temps, il s'est illustré dans la Résistance d'abord en faisant du " renseignement " sur l'industrie, ensuite, quand son réseau est désorganisé, en rejoignant Londres. Mais ce n'est pas pour y rester. Le jeune homme que l'on verra bientôt circuler à bicyclette dans Paris occupé est le délégué militaire national du gouvernement provisoire de la République française. Il transmet aux organisations de la Résistance les ordres du haut commandement interallié, participe à Londres à la préparation de la prise de Paris, et, à Paris, à la réalisation de l'opération. Le jeune général de brigade, devenu inspecteur des finances en 1943, fait compagnon de la Libération, a la tête solide et assez d'ambition pour ne pas se réfugier dans le passé. La conquête de Bordeaux Voici " le politique ", il ne s'agit plus de conquérir Paris mais Bordeaux. Député de la Gironde, radical-socialiste depuis 1946, maire de Bordeaux depuis 1947, président du conseil régional, le " duc d'Aquitaine " n'a jamais cessé de renforcer son assise provinciale. Jean-Jacques Servan-Schreiber le vérifia à ses dépens, en septembre 1970, lorsqu'il est allé le défier à l'occasion d'une élection législative partielle. L'enracinement provincial n'empêche pas une belle carrière parisienne. Radical passé au gaullisme politique du RPF, puis trois fois ministre, dans les cabinets Mendès France, Mollet et Gaillard, tenu en méfiance par le général de Gaulle (parce qu'il frayait trop avec la IVe République) sans cesser d'être gaulliste, cet enfant chéri du pouvoir participe, sans y participer directement, à la préparation des événements du 13 mai 1958 à Alger, qui déboucheront sur le retour du général de Gaulle et sur un changement de régime. Jacques Chaban-Delmas veut bien faire pénitence pour obtenir le pardon de son comportement sous la République précédente, mais pas dans l'ombre. Aussi, contre le voeu du général de Gaulle, qui réservait ce poste à Paul Reynaud, il enlève, en 1958, la présidence de l'Assemblée nationale et y reste jusqu'en 1969. Il se plie alors aux nouvelles normes d'un régime qui favorise l'exécutif aux dépens du législatif. Il ne lève même pas le petit doigt pour défendre l'institution parlementaire quand elle est traitée plus mal que ne le prévoie la Constitution. La nouvelle société Au " perchoir " du Palais-Bourbon, dans les réunions du groupe gaulliste, en privé et en public, pendant onze ans, le maire de Bordeaux donne dans le conformisme. Au risque de paraître plat, superficiel, agaçant, ses jugements politiques, il les réserve au général de Gaulle et aux premiers ministres, Michel Debré et Georges Pompidou. Comme un sportif en quête d'une sélection, il travaille sa forme en réunissant régulièrement autour de lui des hommes que l'on retrouvera plus tard à son cabinet de premier ministre, Simon Nora et Jacques Delors, notamment. Le 20 juin 1969, il devient le premier ministre du nouveau président de la République, Georges Pompidou. Tout avait été réglé bien avant cette date. Son parcours de premier ministre, de 1969 à 1972, c'est d'abord un départ en flèche, le lancement de la " nouvelle société ", les succès de la concertation et de la politique contractuelle, et puis un lent engourdissement, la dégradation de ses rapports avec le président de la République, la majorité, l'opinion publique, lorsque " la vague des scandales " l'atteint personnellement. Le voici obligé de s'expliquer à l'ORTF sur ses déclarations de revenus. Moment pénible. Autour de lui resurgit la méfiance : à l'égard du " politique " qui veut " disloquer " la société, du chef de gouvernement qui prend trop de poids par rapport au président de la République de l'homme compromis par certaines amitiés et des relents d'affairisme. Le 24 mai 1972, le premier ministre obtient à l'Assemblée nationale la confiance massive de la majorité, mais, le 5 juillet, il perd celle de Pompidou : cette investiture-là étant dans le régime gaulliste aussi importante que celle du Parlement, il offre sa démission. ANDRE LAURENS Le Monde du 6 avril 1974

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