Devoir de Philosophie

Article de presse: Klaus Barbie, ou le crime sans reniement

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Mémoire 1987 - De tous les accusés allemands condamnés en France depuis la Libération pour des actes commis pendant l'Occupation et qualifiés alors " crimes de guerre ", Klaus Barbie, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité depuis le 4 juillet 1987 pour crimes contre l'humanité, aura été, à notre connaissance, le seul à mourir détenu. Il pourrait donc apparaître que s'exerça jusqu'au bout sur lui une rigueur qui fut épargnée tant aux hommes et officiers de la SS et de la Wehrmacht impliqués dans des massacres divers - Ascq, Oradour-sur-Glane - ou dans les actions d'une politique beaucoup plus générale de répression contre les juifs ou les résistants, tels Otto Abetz, ambassadeur du IIIe Reich à cette époque, ou Carl Oberg, chef suprême de la police allemande et des SS, et son adjoint Helmut Knochen. Ceux-là, en général les deux derniers en particulier - bien que supérieurs de tous les Barbie de ce temps-là, - devaient bénéficier de mesures de grâce suivies au bout d'un certain nombre d'années de libérations discrètes qui leur permirent de finir leurs jours au pays ou de s'y préparer. Il faut d'urgence corriger cette impression hâtive. Au temps ou ces dignitaires ou exécutants éprouvaient en France les rigueurs de la justice et d'un système carcéral sans complaisance ni faveur, Klaus Barbie, lui, avait échappé - la protection américaine pour raisons de guerre froide aidant - à toute poursuite et trouvé dans les années 50 un refuge en Amérique latine où de pérégrinations en pérégrinations, il devait s'assurer en Bolivie une tranquillité cossue sous le pseudonyme de Klaus Altmann, négociant. Il n'en fut dérangé qu'à partir de 1972, lorsque Beate Klarsfeld identifia en ce ressortissant bien établi l'ancien chef de la section IV du SIPO-SD de Lyon, dont la IV B dite " anti-juive ". La France demandera bien alors au gouvernement bolivien l'extradition de ce nazi auquel elle a quelques comptes à demander et dont elle connaît l'existence depuis longtemps. Ce sera en pure perte. Il faudra attendre la nuit du 4 au 5 février 1983 pour que le gouvernement bolivien, qui a récemment changé, décide d'expulser Barbie-Altmann, dont l'avion viendra atterrir en Guyane française. L'annonce de l'arrestation de Klaus Barbie, son embarquement immédiat à destination de Lyon, son incarcération à la prison Montluc, celle-là même où, de 1942 à 1944, juifs et résistants se trouvaient rassemblés par les adjoints ou auxiliaires du SIPO-SD au sortir des salles de torture, connut un retentissement considérable. De la presse écrite à la radio et à la télévision, ce fut une débauche d'articles, de reportages, d'entretiens où se mélangeaient, au point de se confondre, toutes les questions que permettait l'affaire. La situation n'était pas simple pour des juristes soucieux de respecter les exigences d'un état de droit. La loi, rien que la loi : telle était la règle fixée, exigée, à l'endroit de cet homme dont il fallait aussi reconstituer la vie, l'itinéraire dans cette Allemagne dominatrice des années 30 et 40. " Un SS qui va droit au but " Né le 25 octobre 1913 à Bad-Godesberg, ses années d'enfance furent banales. Une fois achevées des études classiques dans un lycée de Trèves et obtenu l'Abitur, équivalent du baccalauréat, le jeune Klaus Barbie aurait souhaité faire son droit à l'université de Bonn. C'est le décès du père, privant la famille de ressources suffisantes, qui contraria ce projet. Le voici vers la même époque témoin de la naissance du IIIe Reich et engagé dans le " service du travail ", Arbeitsdienst. Dans ce milieu où se côtoient étudiants et " manuels ", il construisait des digues. Dès 1933, il avait adhéré aux Jeunesses hitlériennes. Chef de patrouille, il avait commandé un groupe de cent vingt garçons. Ses relations avec un responsable nazi de la section de Trèves l'amènent à rencontrer un membre du SD (Sicherheitsdienst), le service de sécurité. Le SD manque de bras. Il a besoin de bacheliers comme le jeune Klaus. Il y a évidemment les conditions : des capacités physiques, une bonne présentation. Et bien sûr, il faut avant tout être de " pure race ", établir une filiation aryenne incontestable. Klaus Barbie réunit ces dispositions et ces " vertus ". Il devait dire que cet engagement n'avait pas d'autre objet que de s'assurer un emploi de fonctionnaire avec les avantages ordinaires. Il admettait pourtant que l'idée de pouvoir " faire du renseignement " n'était déjà pas pour lui déplaire. Sa candidature fut acceptée. Le 1 octobre 1935, à Berlin, il prêtait le serment de la SS. Durant deux ans, il reçut une formation bientôt suffisante pur une affectation à la direction régionale du SD de Düsseldorf. A sa tête, un homme qui fera aussi parler de lui en France, Helmut Knochen, futur adjoint de 1942 à 1944 du chef suprême de la police pour le territoire français. En cette même année 1937, Barbie adhérait au Parti national, socialiste ouvrier allemand (NSDAP), parti unique dans l'Allemagne hitlérienne. La boucle était bouclée. L'engagement ne pouvait plus être que total, tandis qu'approchait le temps de guerre. Le 25 avril 1940, à quelques jours du déclenchement de la " guerre éclair ", Barbie s'était marié. Il avait le grade de SS Untersturmführer. Son dossier exprime la confiance qu'il inspirait : camarade irréprochable, des performances dans le service excellentes, un comportement de SS exemplaire tant dans le service qu'en dehors. Une phrase était ajoutée : " son opinion relative à la conception du monde nazi est considérée comme affirmée ". Au printemps 1940, la Hollande réduite, il était affecté à Amsterdam au groupe d'intervention de la police de sécurité. Il devait affirmer qu'il ne fit là que rechercher des renseignements sur des questions de politique intérieure et extérieure. Et sur des juifs ? " Il ne pouvait s'agir alors que de personnes coupables d'actions illégales. " Tel était l'homme qui, à vingt-neuf ans, arrivait à Lyon en 1942. On est en novembre. Depuis le 20 avril - date anniversaire de la naissance de Hitler - , il portait le grade de SS Untersturmführer. Ses chefs le présentaient comme " un SS qui va droit au but et qui aime l'action ". Ils relevaient aussi " un don marqué pour le travail d'information ". Ils portaient à son crédit " le démantèlement de nombreuses organisations ennemies ". Au total, " une personne sur laquelle il est permis de compter ". Il ne devait pas décevoir. Après novembre 1942, l'emprise de la police allemande sur la France est devenue totale. De son côté, la Résistance a pris corps et bientôt viendra le temps des maquis et celui des expéditions impitoyables et conjuguées de la SS et de la Milice. La France de novembre 1942, c'est deux mille policiers nazis spécialistes du renseignement mais qui ont tous le même objectif : une lutte sans merci contre " les ennemis du Reich ". Barbie fut l'un de ces deux mille. La section IV qu'il dirigea au SIPO-SD de Lyon était la plus importante des six que comptait le service. Elle était chargée de la " répression des crimes et délits politiques " et divisée en cinq sous-sections, dont la IV B dite " anti-juive ". Les milieux de la Résistance et de la clandestinité en connaissent l'existence et la redoutent. Comme ils connaissent le nom de Klaus Barbie. Si l'homme se trouve hiérarchiquement soumis à l'autorité du commandeur Hollert auquel succédera le lieutenant-colonel Werner Knab, c'est de lui que se souviendront toujours ceux qui connurent l'infortune de l'arrestation. Les procès de 1952 et 1954 De ce que fut son activité entre novembre 1942 et août 1944, tant à Lyon et ses environs immédiats que dans les dix départements que contrôlait son Einsatz-Kommando, deux procès dans lesquels il se trouvait accusé par contumace, d'abord en 1952 puis en 1954, avaient présenté un tableau effrayant. Arrestations, tortures, pillages, exécutions massives d'otages, déportations avaient été énumérés et détaillés. Il était évident que le seul Klaus Barbie n'avait pu être l'auteur de tant de crimes de guerre. D'autres Allemands, ses collaborateurs immédiats, y avaient pris leur part. Des Français aussi, ceux-là arrêtés en leur temps, jugés, condamnés, avaient chargé Klaus Barbie l'absent. Mais des témoins aussi, des rescapés avaient, dans une égale constance, dénoncé son zèle et surtout sa propension à la violence irraisonnée, à la torture systématiquement infligée, ce qui lui avait valu le surnom de " boucher de Lyon ". De ces faits-là, la justice, soudain en possession et en charge de Barbie en février 1983, ne pouvait juridiquement plus connaître. Plus de vingt ans s'étaient écoulés depuis les condamnations à mort prononcées successivement par contumace en 1952 et 1954, et la prescription se trouvait acquise. Il fallait rechercher dès lors d'une part si d'autres faits avaient pu exister qui auraient échappé à la connaissance des juges des années 50, d'autre part, si ces faits pouvaient être qualifiés crimes contre l'humanité, ce qui seul pouvait les rendre " imprescriptibles par nature ", c'est-à-dire permettre d'en juger encore les auteurs au nom de l'impossible oubli, quel que soit le temps écoulé. En définitive, Klaus Barbie se vit accuser de la liquidation du comité lyonnais de l'Union générale des israélites de France (UGIF) après une rafle opérée le 9 février 1943, rue Sainte-Catherine, à Lyon de la déportation des enfants juifs de la colonie d'Izieu dans l'Ain, tous arrêtés avec cinq adultes le 6 avril 1944 de la déportation d'environ 650 personnes parties vers l'Allemagne le 11 août 1944 par le dernier train qui quitta Lyon sous escorte allemande de la mort précédée de tortures du professeur Gompel, de la déportation de Mme Lise Lesèvre, de celle de son mari et de son fils. Juridiquement, il était signifié à Klaus Barbie d'avoir commis ces crimes contre l'humanité " en prenant part à l'exécution d'un plan concerté pour réaliser la déportation, la réduction en esclavage et l'extermination de populations civiles ou des persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, se rendant complice dans les faits qui ont préparé ou facilité leur action des auteurs des meurtres ". La définition du crime contre l'humanité Ces faits, Klaus Barbie les niait ou, pour le moins, assurait n'en avoir gardé aucun souvenir. Comme il affirmait n'avoir été mêlé ni à la rafle des juifs de la rue Sainte-Catherine ni à l'arrestation des enfants d'Izieu, on lui opposa, outre des témoins, des documents signés de lui, deux rapports adressés l'un le 11 février 1943, surlendemain de la rafle de l'UGIF, l'autre le 6 avril 1944, jour de l'expédition à Izieu. De ces pièces qui décrivaient les opérations accomplies, comptabilisaient les personnes arrêtées, annonçaient leur " acheminement ", il devait dire avec le soutien de son défenseur, Me Jacques Vergès, qu'il s'agissait de faux. Or un homme comme Knochen, invité à les examiner et à donner son avis car il en avait été le destinataire, les déclara sans discussion authentiques. Le procès de Klaus Barbie allait avoir, toujours sur le plan juridique, une autre conséquence. Il devait amener la Cour de cassation, en l'espèce sa chambre criminelle, à donner une définition du crime contre l'humanité au regard de la loi française. C'est que des courants étaient apparus, s'opposant presque en antagonistes. Pour certains, dont les représentants des organisations juives, et au premier rang Me Serge Klarsfeld, le crime contre l'humanité ne pouvait être constitué que par les arrestations, les déportations et les exterminations consécutives des juifs, ceux-ci n'ayant été mis à mort que pour le seul fait qu'ils étaient nés juifs et que là se trouvait tout le crime. Ce point de vue avait d'ailleurs été celui du juge d'instruction de Lyon, M. Christian Riss. La chambre d'accusation de la cour de Lyon, suivant en cela les réquisitions du procureur général en exercice, M. Pierre Truche, avait d'ailleurs entériné cette conception du crime contre l'humanité en déclarant irrecevables contre Barbie tant les associations d'anciens déportés résistants que certains résistants eux-mêmes qui avaient voulu se constituer partie civile. Sollicitée à son tour, la cour suprême allait donner du crime contre l'humanité une définition qui permettait de retenir au rang de victimes tant les juifs que les résistants. Dans l'arrêt rendu le 20 décembre 1985, il est dit que les crimes contre l'humanité " sont constitués par des actes inhumains et des persécutions qui, au nom d'un Etat pratiquant une politique d'hégémonie idéologique, ont été commis de façon systématique, non seulement contre des personnes en raison de leur appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, mais aussi contre les adversaires de cette politique, quelle que soit la forme de leur opposition ". Le procès s'ouvrit dans ces conditions et sur ces bases-là le 11 mai 1987, devant la cour d'assises du Rhône. Pour la circonstance, la salle des pas perdus du palais de justice de Lyon avait été aménagée en prétoire. On put y accueillir sans mal les centaines de journalistes venus de tous les pays du monde ou peu s'en faut suivre un débat promis à un grand retentissement. Mais chacun ne venait pas pour entendre la même chose. Dans l'esprit du ministère de la justice et de bien des politiques, il s'agissait à travers la carrière et les activités de Klaus Barbie de montrer à ceux qui n'étaient pas nés en 1940 ou étaient sortis de l'Occupation à l'âge de la sucette ce qu'avait été le nazisme, et plus particulièrement son antisémitisme poussé jusqu'à la définition en 1942 d'une " solution finale ", c'est-à-dire de l'extermination délibérée d'un peuple. Récits de l'enfer Mais bien plus excitant pouvait paraître à d'autres l'espoir d'entendre " parler " Klaus Barbie, c'est-à-dire celui de le voir se faire accusateur en racontant on ne sait trop quoi sur la façon dont lui aurait été livré Jean Moulin. Me Vergès aidant, n'était-ce point ce que - côté Barbie - on nous promettait : la version selon laquelle un chef de la Résistance serait mort non plus des tortures subies mais avait décidé de mettre fin à ses jours, désespéré d'avoir découvert qu'il avait été livré par un Judas ? C'est en vain pourtant que l'on attendit le scandale et le soufre. Récits de l'enfer Au contraire, en un temps où le bon ton voulait - et veut encore - que la France ait été délatrice et auxiliaire zélée de son occupant, il fut donné durant plusieurs semaines d'entendre à Lyon des hommes et des femmes raconter avec ou sans colère, avec ou sans fierté particulière la façon dont, quarante-cinq ans plus tôt, ils avaient souffert et vu souffrir, ce que signifiaient les mots " crématoire " et " transport ", " Nuit et brouillard " et " sélection ". Les uns après les autres, au bout de l'émotion, restituaient dans un décor de justice vite oublié et aboli l'inhumanité à laquelle ils avaient été réduits, et un auditoire anéanti retenait ses larmes à ces récits qu'il leur fallait faire de nouveau. Ainsi, le procès qui se voulait historique parvint à l'être. Même si Klaus Barbie, qui avait choisi de ne point paraître mais y fut contraint lorsque vint le tour des victimes de se faire entendre, se borna alors à faire savoir qu'il n'avait " rien à dire " à tout ce que l'on produirait contre lui. De l'avis général, ce qui compta alors fut ce rappel des heures sombres. Sans doute pouvait-on savoir par bien des documents et bien des livres ce qu'avait été la réalité de l'Occupation, ombres et lumières mêlées. Mais qui avait lu ces livres depuis trente ans et plus ? Qui avait connu ces documents ? Après le débat de Lyon, chacun disposait du nécessaire contrepoids pour être en mesure de tenir à sa juste valeur ce qu'il est convenu d'appeler le " révisionnisme ". En décidant de se retirer du prétoire dès le troisième jour de son procès, Klaus Barbie lui-même avait finalement aidé et facilité cette entreprise. Celles et ceux qui par lui avaient été arrêtés, torturés, déportés avaient été privés de la tentation de l'invectiver et du même coup d'affaiblir la portée de leur déposition. Certes, du côté des avocats des parties civiles, on put ressentir au moment de leurs plaidoiries une certaine division entre les tenants d'une notion restreinte du crime contre l'humanité et les autres il n'y eut rien de tel du côté des témoins. Simone Kadoshe et Geneviève de Gaulle, la juive raflée et la résistante trahie, celle d'Auschwitz et celle de Ravensbrück, pour être revenues de l'inimaginable par une chance qui les étonnait encore, demeuraient soeurs. L'une comme l'autre étaient attendues au bout de la rampe de Birkenau ou au portail de Buchenwald par les SS et leurs chiens. A l'une comme à l'autre, peu importait ce que la justice des hommes déciderait du cas Klaus Barbie. Lorsque dans la nuit du 4 juillet 1987 la cour d'assises du Rhône, au terme d'un procès que sut toujours maîtriser le président André Cerdini, déclara Barbie coupable de tous les crimes contre l'humanité retenus à sa charge et le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité, il n'y eut ni surprise ni colère. Mais, avec un temps de retard, vint une salve d'applaudissements qui n'était pas de mise. Pour l'ancien chef de la section IV du SIPO-SD de Lyon, ce fut le dernier écho exprimé contre lui, en approbation d'une décision qui le retranchait de la communauté des hommes. Aujourd'hui, il reste à oublier Barbie - peut-être était-ce déjà fait - mais non pas ces journées au cours desquelles fut donné un aperçu du bilan de la doctrine dont il avait été un serviteur aussi zélé qu'impénitent. JEAN-MARC THEOLLEYRE Le Monde du 27 septembre 1991

« confiance qu'il inspirait : camarade irréprochable, des performances dans le service excellentes, un comportement de SSexemplaire tant dans le service qu'en dehors.

Une phrase était ajoutée : " son opinion relative à la conception du monde nazi estconsidérée comme affirmée ". Au printemps 1940, la Hollande réduite, il était affecté à Amsterdam au groupe d'intervention de la police de sécurité.

Il devaitaffirmer qu'il ne fit là que rechercher des renseignements sur des questions de politique intérieure et extérieure.

Et sur des juifs ?" Il ne pouvait s'agir alors que de personnes coupables d'actions illégales.

" Tel était l'homme qui, à vingt-neuf ans, arrivait à Lyonen 1942.

On est en novembre.

Depuis le 20 avril - date anniversaire de la naissance de Hitler - , il portait le grade de SSUntersturmführer.

Ses chefs le présentaient comme " un SS qui va droit au but et qui aime l'action ". Ils relevaient aussi " un don marqué pour le travail d'information ".

Ils portaient à son crédit " le démantèlement de nombreusesorganisations ennemies ".

Au total, " une personne sur laquelle il est permis de compter ". Il ne devait pas décevoir.

Après novembre 1942, l'emprise de la police allemande sur la France est devenue totale.

De soncôté, la Résistance a pris corps et bientôt viendra le temps des maquis et celui des expéditions impitoyables et conjuguées de laSS et de la Milice.

La France de novembre 1942, c'est deux mille policiers nazis spécialistes du renseignement mais qui ont tousle même objectif : une lutte sans merci contre " les ennemis du Reich ".

Barbie fut l'un de ces deux mille.

La section IV qu'il dirigeaau SIPO-SD de Lyon était la plus importante des six que comptait le service.

Elle était chargée de la " répression des crimes etdélits politiques " et divisée en cinq sous-sections, dont la IV B dite " anti-juive ".

Les milieux de la Résistance et de laclandestinité en connaissent l'existence et la redoutent.

Comme ils connaissent le nom de Klaus Barbie.

Si l'homme se trouvehiérarchiquement soumis à l'autorité du commandeur Hollert auquel succédera le lieutenant-colonel Werner Knab, c'est de lui quese souviendront toujours ceux qui connurent l'infortune de l'arrestation. Les procès de 1952 et 1954 De ce que fut son activité entre novembre 1942 et août 1944, tant à Lyon et ses environs immédiats que dans les dixdépartements que contrôlait son Einsatz-Kommando, deux procès dans lesquels il se trouvait accusé par contumace, d'abord en1952 puis en 1954, avaient présenté un tableau effrayant.

Arrestations, tortures, pillages, exécutions massives d'otages,déportations avaient été énumérés et détaillés. Il était évident que le seul Klaus Barbie n'avait pu être l'auteur de tant de crimes de guerre.

D'autres Allemands, sescollaborateurs immédiats, y avaient pris leur part.

Des Français aussi, ceux-là arrêtés en leur temps, jugés, condamnés, avaientchargé Klaus Barbie l'absent.

Mais des témoins aussi, des rescapés avaient, dans une égale constance, dénoncé son zèle etsurtout sa propension à la violence irraisonnée, à la torture systématiquement infligée, ce qui lui avait valu le surnom de " boucherde Lyon ". De ces faits-là, la justice, soudain en possession et en charge de Barbie en février 1983, ne pouvait juridiquement plusconnaître.

Plus de vingt ans s'étaient écoulés depuis les condamnations à mort prononcées successivement par contumace en1952 et 1954, et la prescription se trouvait acquise.

Il fallait rechercher dès lors d'une part si d'autres faits avaient pu exister quiauraient échappé à la connaissance des juges des années 50, d'autre part, si ces faits pouvaient être qualifiés crimes contrel'humanité, ce qui seul pouvait les rendre " imprescriptibles par nature ", c'est-à-dire permettre d'en juger encore les auteurs aunom de l'impossible oubli, quel que soit le temps écoulé. En définitive, Klaus Barbie se vit accuser de la liquidation du comité lyonnais de l'Union générale des israélites de France(UGIF) après une rafle opérée le 9 février 1943, rue Sainte-Catherine, à Lyon de la déportation des enfants juifs de la colonied'Izieu dans l'Ain, tous arrêtés avec cinq adultes le 6 avril 1944 de la déportation d'environ 650 personnes parties versl'Allemagne le 11 août 1944 par le dernier train qui quitta Lyon sous escorte allemande de la mort précédée de tortures duprofesseur Gompel, de la déportation de Mme Lise Lesèvre, de celle de son mari et de son fils. Juridiquement, il était signifié à Klaus Barbie d'avoir commis ces crimes contre l'humanité " en prenant part à l'exécution d'unplan concerté pour réaliser la déportation, la réduction en esclavage et l'extermination de populations civiles ou des persécutionspour des motifs politiques, raciaux ou religieux, se rendant complice dans les faits qui ont préparé ou facilité leur action desauteurs des meurtres ". La définition du crime contre l'humanité Ces faits, Klaus Barbie les niait ou, pour le moins, assurait n'en avoir gardé aucun souvenir.

Comme il affirmait n'avoir été mêléni à la rafle des juifs de la rue Sainte-Catherine ni à l'arrestation des enfants d'Izieu, on lui opposa, outre des témoins, des. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles