Article de presse: L'accord
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
20 décembre 1966 - Pour la première fois depuis le 23 août 1945, les chefs communistes, socialistes et radicaux contresignent ensemble un document qui n'est pas, comme il y a vingt et un ans, une simple lettre de protestation et de revendication, mais qui comporte des engagements à court et à moyen terme. Ils espèrent bien que, cette fois, le contact ne sera pas rompu au bout de trois semaines, comme cela avait été alors le cas.
Ils s'apprêtent à travailler ensemble, comme au sein de la délégation des gauches de 1935. Tel est le sens de l'événement.
Les communistes ont donc obtenu la négociation ouverte, officielle, approfondie, qui leur avait été refusée avant l'élection présidentielle et qu'ils n'avaient cessé de réclamer depuis. Onze heures de délibérations plénières en trois séances et la promesse de se revoir, d'établir des consultations fréquentes et peut-être même régulières, c'est autre chose que la présence symbolique de Waldeck Rochet à la conférence de presse de François Mitterrand, le 17 novembre 1965, et qu'une liaison assurée de façon épisodique, en secret, par des émissaires non accrédités. On mesure avec quel soin l'équilibre apparent est respecté entre les deux parties contractantes : ainsi, c'est parce que les délégations ont siégé jusqu'à présent deux fois (les 13 et 19 décembre) au siège de la Fédération, rue de Lille, et une fois seulement (le 16) au siège du Parti communiste, place Kossuth, que la lecture publique de la déclaration sera faite mercredi, en présence de tous les interlocuteurs, dans les locaux du PC.
Pourtant, le PC devra se contenter, pour le moment, de ces satisfactions. On ne saurait nullement parler d'un programme commun, exigence qui sera donc maintenue par les dirigeants communistes. Et nul n'ignore que la tactique électorale arrêtée ne s'appliquera pas sans un certain nombre d'exceptions, de conflits, de " bavures ". Chacun se contente de souhaiter à ce sujet qu'il n'y ait pas plus de ruptures ou d'actes d'indiscipline qu'aux élections du Front populaire, en 1936, où les accords conclus à l'échelon national furent remis en cause dans trente-quatre circonscriptions.
Pour François Mitterrand, qui a conduit l'entreprise avec habileté et sang-froid, attendant que les temps soient venus pour entamer les pourparlers, puis les menant rondement à leur terme, c'est un succès.
Le soutien de Guy Mollet ne lui a pas fait défaut : la volonté affichée depuis plusieurs mois par le secrétaire général de la SFIO d'explorer, prudemment, certes, mais néanmoins dans un esprit constructif, les voies de la réunification de la gauche, objectif lointain et théorique encore, allait dans le sens d'une négociation limitée et de sa réussite.
Reste le troisième partenaire de la Fédération, René Billères. La conclusion donnée aux pourparlers coupe irrémédiablement le Parti radical du centrisme, de ce Centre démocrate de Jean Lecanuet, que soutiennent plusieurs leaders radicaux comme Maurice Faure, tandis que d'autres, Félix Gaillard en particulier, le considèrent avec sympathie. Au congrès de Marseille, le président du Parti radical a été plus loin que ses amis ne lui avaient permis d'aller. Il ne s'est pas borné à ces simples " contacts exploratoires ", où il ne devait être question ni de programme ni de tactique, qu'il était autorisé à admettre. Il va devoir maintenant en assumer toutes les conséquences, l'assentiment donné, dès mardi matin, par le bureau national de son parti n'ayant qu'un caractère formel.
PIERRE VIANSSON-PONTE
Le Monde du 21 décembre 1966
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