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Article de presse: Les nationalistes hindous remportent les élections

Publié le 17/01/2022

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28 février 1998 - "Un homme bien, dans le mauvais parti." Souvent évoquée pour désigner Atal Bihari Vajpayee, cette étiquette traduit bien le consensus que réunit sur sa personne ce vieux routier de la vie politique indienne, qu'il pratique depuis les heures noires de la lutte de libération contre les Britanniques. Sensible, il est poète à ses heures, et ouvert, l'homme aime le débat et n'a rien de la rigidité qui caractérise encore son parti. Brahmane, né en décembre 1926 dans la principauté de Gwalior, Atal Bihari Vajpayee a d'ailleurs flirté, étudiant en sciences politiques, avec les communistes, avant de se rapprocher du Mahatma Gandhi au sein du Congrès, puis de devenir membre fondateur du Jan Sangh, le prédécesseur du BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien) en 1951. Un parcours qui sied à cet homme non sectaire, dont la probité est reconnue par tous. Tribun hors pair, il aime parler aux masses et sait par un humour discret s'attirer leur sympathie. Depuis l'annonce de la dissolution de la Chambre, il était, dans tous les sondages, l'homme préféré des électeurs au poste de premier ministre. C'est au sein de son propre parti qu'il a eu, ces derniers temps, ses plus grandes déconvenues, certains critiquant quasi ouvertement son libéralisme et son manque d'engagement à l'égard de l'idéologie "hindouiste" du BJP. Il n'avait pas hésité en 1992, lors de la destruction de la mosquée d'Ayodhya par des extrémistes hindous, à critiquer son parti pour la part qu'il avait prise dans l'action. Il s'est bien gardé, durant sa campagne, de mentionner dans ses discours la promesse de reconstruction d'un temple à Ayodhya, qui figurait pourtant dans le manifeste électoral du parti. Seul dirigeant du BJP dont l'appel dépasse les militants, il est toutefois indispensable aux nationalistes hindous. Et si ses rapports avec l'actuel président du parti, L. K. Advani, n'ont pas toujours été cordiaux, ce dernier l'a soutenu toutes ces dernières années, sachant bien qu'il était le seul capable d'amener la victoire. Premier ministre durant treize jours en 1996, M. Vajpayee aura, cette fois, besoin de toutes les qualités de diplomate, dont il a fait preuve de 1977 à 1980, comme ministre des affaires étrangères d'un gouvernement de coalition anti-Congrès, pour maintenir ensemble une coalition d'une vingtaine de partis. Ce célibataire endurci devra faire face à deux femmes redoutables et peu commodes, Jayalalitha (une ancienne actrice recyclée dans la politique et sous le coup d'une accusation de corruption), au Tamil Nadu, et Mammata Banerjee, au Bengale-Occidental, dont les voix lui sont indispensables. Il devra aussi tenir compte des réserves probables des siens devant l'abandon de toutes les revendications propres au BJP. Son passage à la tête de la diplomatie indienne est cependant considéré comme un succès : n'est-ce pas Nawaz Sharif, premier ministre pakistanais, qui avait déclaré : "Ce fut la meilleure période des relations indo-pakistanaises" ? M. Vajpayee a, sur ce point, déjà fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de revenir sur la politique d'ouverture inaugurée par M. Inder Kumar Gujral. Homme de caractère, qui a fait deux ans de prison sous Indira Gandhi, lors de l'état d'urgence, M. Vajpayee arrive au sommet de la gloire à la fin d'une vie bien remplie. Avec la tâche difficile d'ouvrir une nouvelle page de l'histoire de l'Inde, pour la première fois dirigée par un parti qui rompt avec le laïcisme voulu par les fondateurs. FRANCOISE CHIPAUX Le Monde du 20 mars 1998

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